Le mouvement protestataire qui ne cesse de se poursuivre dans nombre de régions du pays, déclenché par la fronde rifaine, interpelle aussi bien les pouvoirs publics que les composantes de la société marocaine, en particulier la classe politique. Il est bien clair que cette agitation déchaînée n'est plus un acte fortuit comme on n'a peut-être l'habitude de voir de temps à autre. Mais, sans doute, il est question de l'expression sérieuse d'une forte morosité collective qui se manifeste à des cadences accélérées. Certes, l'Etat réagit instantanément tant au niveau du rétablissement de l'ordre que de la mise en marche de nouveaux projets structurants, en direction de ces zones défavorisées et leurs populations déshéritées. Cependant, quoique cette réaction prompte s'avère salutaire dans l'espoir d'étouffer les émeutes et de promouvoir ces localités, il va sans dire que ces mesures apaisantes ne constituent, en fait, que des panacées superficielles aux problématiques structurelles, ancrées pendant des décennies. Sans nullement verser dans le défaitisme, et encore moins le pessimisme béat, il importe de reconnaître que le pays vit des moments d'extrême alerte. Faire face à cet état de fait dégénéré est pareil à la situation d'une embarcation chancelante au cœur d'une tempête. La panique et l'emportement n'ont guère de place dans de telles circonstances pour parvenir à bon port. Dans ce sens, il convient aussi de rappeler que ces soulèvements ne sont pas toujours « innocents », mais souvent attisés par des ennemis aussi bien internes qu'externes ou encore des extrémistes et des nihilistes, constamment à l'affût de la moindre émeute. Ceci étant, il faut bien avouer que le malaise est bien là, au sein des citoyens démunis qui endurent la privation et l'exclusion, au moment où la dépravation révoltante empeste leur vécu quotidien. Ces populations abandonnées à leur sort ne peuvent, en effet, demeurer indéfiniment insensibles à ces injustices chroniques qui s'opèrent autour d'elles, sans aucune volonté d'y mettre un terme. Le problème est donc là, enfoui dans le cœur des souches miséreuses et suscitant, à chaque instant, un sentiment d'indignation et de révolte qu'on ne saurait soulager par des calmants saupoudrés. Le remède est incontestablement bien plus profond que de simples sursauts occasionnels. Il faut bien se dire que l'expérience de faire parachuter, par des moyens frauduleux, une armada d'énergumènes de la même couleur politique « privilégiée » est un fiasco. Le cas justement de la province d'Al Hoceima où pullulent les communes sous sa tutelle (plus de 30 présidences sur 36), ainsi que les autres institutions représentatives, en particulier la présidence du Conseil régional de Tanger-Tétouan-Al Hoceima, illustre parfaitement cette dérive. Il faudrait alors commencer par assainir le champ politique national qui, pour la plupart, secrète des institutions incompétentes et nocives, embrouille l'action politique et la rabaisse aux yeux des citoyens…