La crise économique globale de 2008 est venue remettre en cause une décennie de croissance qui a permis à l'Afrique de rattraper une partie du temps perdu et des années de crise et d'ajustement structurel à partir de la fin des années 1980. La croissance africaine est ainsi retombée de ses niveaux élevés autour de 6% tout au long des années 2000 pour se retrouver autour de 3,1% au temps fort de la crise en 2009. Certes, ce niveau de croissance situait l'Afrique au-dessus de la croissance mondiale et de celle des pays développés. Mais, ce niveau était faible et ne pouvait pas aider l'Afrique à améliorer ses performances sociales afin d'espérer atteindre les objectifs du millénaire. La question est de savoir aujourd'hui si l'Afrique a repris le chemin vertueux de la croissance après la crise et quels ont été les effets des révolutions arabes en Afrique du Nord sur les performances économiques du continent. Le Rapport sur les perspectives économiques en Afrique publié récemment par la Banque Africaine de Développement, la Commission Economique des Nations Unies pour l'Afrique, le PNUD et le Centre de développement de l'OCDE nous fournit quelques éléments de réponse sur l'état de l'Afrique en 2011. D'abord, la croissance s'est raffermie en 2010 et a atteint 4,9%. Cependant, cette reprise sera de courte durée et les performances de l'Afrique seront rattrapées par les révolutions en cours en Afrique du Nord et la forte baisse de la croissance dans cette région. Ainsi, la croissance devrait, selon les prévisions, marquer le pas en Afrique du Nord et se situerait autour de 3,7% soit plus de 1 point de croissance perdu par l'effervescence révolutionnaire en Afrique du Nord. Mais, la grande nouveauté de la situation de l'Afrique concerne la forte différenciation entre les différentes régions. C'est l'Afrique de l'Est qui tire le mieux son épingle du jeu avec un niveau de croissance qui se situerait selon ce rapport autour de 6,7% et retrouverait ainsi son niveau d'avant crise en 2011. En queue de peloton on trouve l'Afrique du Nord dont la croissance ne dépasserait pas le 1% de croissance du fait de l'arrêt de la croissance en Tunisie et en Egypte et de la guerre en Libye. Entre ces deux extrêmes, on trouve les autres régions africaines, comme l'Afrique australe (4,5%), l'Afrique centrale (5,3%) et l'Afrique de l'Ouest (6%), où les niveaux de croissance ont repris un niveau moyen. Cependant, cette reprise ne signifie pas que le ciel des économies africaines s'est éclairci. En effet, cette reprise reste fragile et les économies africaines restent tributaires d'un certain nombre de maux qui pèseront sur ces dynamiques de croissance et pourront comme c'était le cas dans les pays arabes constituer le cocktail de l'instabilité et des contestations politiques à venir. Le premier grand défi des économies africaines est lié à l'origine de cette croissance qui est de plus en plus liée aux matières premières. En 2011, la croissance s'explique en grande partie par la hausse des exportations en volume (3,1%) et au redressement des cours des matières premières sur les marchés mondiaux. Ainsi, l'Afrique continuera en 2011 à être prisonnière de la trappe des produits de base et de l'incapacité à s'inscrire dans une dynamique de croissance portée par les secteurs à plus haute valeur ajoutée. Plusieurs études ont été effectuées sur les faibles performances des secteurs manufacturiers en Afrique et mettent l'accent sur la faiblesse des infrastructures, un approvisionnement aléatoire en énergie et une concurrence de plus en plus exacerbée des produits importées de Chine. Le second facteur de fragilité et de risque dans les pays africains en 2011 est lié à la hausse des prix des produits alimentaires. En effet, après un tassement des prix lors de la grande crise en 2008 et 2009, ils ont repris à la hausse en 2010 du fait des mauvaises conditions météorologiques dans un grand nombre de pays producteurs. L'Afrique va subir les conséquences de cette hausse du fait que le continent est importateur net de produits alimentaires. Cette hausse sera à l'origine d'une reprise de l'inflation en 2011 qui devrait se situer selon les estimations autour de 8,4% en 2011. Par ailleurs, le relèvement des prix mondiaux aura aussi des conséquences négatives sur les budgets des Etats et sera à l'origine d'un approfondissement des déficits du fait que les gouvernements africains assurent une subvention des produits de base pour leurs populations. Cette hausse des prix des produits agricoles sera un important facteur d'incertitude pour les pays africains et la FAO estime que sur les 77 pays vulnérables du fait de leur déficit vivrier 43 se trouvent en Afrique et représentent près de 80% du continent. Le troisième facteur qui pèsera sur les dynamiques économiques en Afrique en 2011 est liée à l'exclusion sociale. A ce niveau, le rapport souligne que l'Afrique est le continent où les avancées dans l'équité et la lutte contre la pauvreté ont été les plus lents. Certes, l'Afrique a fait des progrès dans la lutte contre la pauvreté entre 1996 et 2005 mais la crise est venue remettre en cause ces avancées. Plus important aujourd'hui la croissance ne se traduit par des effets immédiats sur la pauvreté. Plusieurs raisons expliquent cette faible corrélation dont le fait que la croissance ne bénéfice pas aux secteurs où se concentrent les pauvres (l'agriculture) ou dans les régions où ils se trouvent (le monde rural). Par ailleurs, les pays africains connaissent un niveau d'inégalité plus important que les autres sociétés ce qui explique que les fruits de la croissance sont distribués de manière inégale et explique par conséquent le maintien de la pauvreté. Un important aspect de cette exclusion en Afrique concerne la montée du chômage et particulièrement celui des jeunes qui a atteint près de 24% en 2010 en Afrique du Nord et qui a été un des moteurs des révolutions et des contestations politiques en cours. Un autre facteur de risque et d'instabilité en Afrique est lié à la corruption. Certes, l'Afrique a effectué des progrès dans la lutte contre la corruption ses dernières années et l'indice de la perception de la corruption de l'organisation Tranparency international en 2010 a montré que 26 pays africains ont effectué des avancées alors que 17 ont régressé. Néanmoins, la situation de l'Afrique reste préoccupante et la corruption un fléau endémique. Ainsi, selon ce rapport, 34 pays africains sur 47 ont obtenu une note inférieure à 3 ce qui veut dire que la corruption est perçue comme un problème endémique par les experts et les hommes d'affaires. Par ailleurs, 16 autres pays obtiennent une note qui se situe entre 3 et 5 sur une échelle de 10 ce qui montre que la corruption est un phénomène important. Seuls trois pays africains (le Botswana, le Cap-Vert et l'Ile Maurice) obtiennent une note supérieure à 5 ce qui signifie qu'ils ont effectués importants dans ce domaine. Ainsi, l'Afrique connaîtra une reprise de sa croissance en 2011. Mais, cette reprise restera fragile et les facteurs d'incertitude dont l'exclusion sociale, la pauvreté et la corruption restent importants. Même si l'Afrique au Sud de Sahara a connu d'importants progrès en matière d'ouverture et de participation politique, les pays africains doivent sortir de ce syndrome et de la trappe des pays intermédiaires en accélérant sa transformation économique ainsi que l'inclusion sociale et la participation politique pour fonder une dynamique de croissance durable et auto-entretenue.