«Nom d'un chien», deuxième roman d'Abdellah Baida paru aux éditions Marsam, relate l'histoire de Driss Ibn Kalb et son épouse Linda qui attendaient depuis un moment un garçon. La bonne nouvelle est finalement annoncée par le médecin. Dès lors, le choix d'un prénom pour le bébé émaille toutes les réflexions du couple. Ibn Kalb ou «fils de chien» sonne mal et démange la membrane tympanique de la famille. Ce nom pèse lourd sur les épaules de Driss vu la connotation négative que lui attribue la société. Il ne l'avait pas choisi. Il le tient de ses ancêtres qui ne l'avaient peut être pas eux aussi, choisi. Ibn Kalb est une insulte, une fatalité et un fardeau que le protagoniste porte depuis des années. Le protagoniste veut sortir de ce cercle infernal en se débarrassant de ce nom de famille qui importune sa vie et celle de son futur enfant. C'est une question ontologique, voire existentielle pour le personnage. Très vite, Driss passe à l'action. Il entame une longue quête du sens de ce nom de famille, notamment dans les races canines. A vrai dire, son voyage dans les différentes villes, en l'occurrence Rabat, Madrid à la recherche des représentations du chien dans les autres cultures et arts finiront par changer sa vision. Pour Driss, la question de son nom est un souci identitaire. Sa rencontre avec Stéphanie lui démontrera par la suite qu'il y avait des gens qui appréciaient son nom de famille. «Laissez tomber, dis-je en souriant, c'est problème identitaire. Que signifie Ibn Kalb? C'est de l'arabe? », interroge Stéphanie. -Fils de chien ! » (...) «-C'est le sens de ton nom ? demande Jean-Luc. -Oui. -«C'est mignon ! minaude Stéphanie. », p 133. En lisant le roman, on découvre au fil des pages, une quête identitaire «cynique» qui commence dès les premières pages, dans la mesure où Driss décide d'affronter son sort en changeant de lieux pour creuser davantage les origines de son nom. Héraclite écrivait dans ce sens, dans fragment p 97: «les chiens aboient contre tout ce qu'ils ne connaissent pas». «Nom d'un chien», ce titre si simple, mais étrange à la fois, ouvre des champs d'interprétation dans l'imaginaire du lecteur. Il interpelle. Mener une vie de chien révolté demeure une affaire si délicate, à savoir qu'«Antisthène, qui passe pour le père fondateur de l'école cynique, était surnommé «le Vrai chien», racontait Michel Onfray dans son livre «Cynismes». L'étymologie entérinera la parenté de l'animal et de l'école et l'on trouvera dans le concept un mystérieux chien gambadant sous le soleil et les étoiles d'Athènes», poursuit-il. Et d'ajouter : «(...) le cynique aime à se dire chien tout simplement parce qu'il goûte particulièrement les vertus de l'animal». En d'autres mots, c'est «du chien, enfin, que le cynique possède la vertu de la fidélité et le souci de préserver, de garder les proches. Un jour que Diogène se faisait traiter de chien, Polyxène le dialecticien s'émut et fit part de son troupe au sage : «mais, toi aussi, lui dit-il, appelle-moi le chien : Diogène, pour moi, n'est qu'un surnom ; je suis en effet un chien, mais je fais partie des chiens de race, de ceux qui veillent sur leurs amis», précise Onfray. Driss ne se situe pas dans cette figure «emblématique du chien» dont parle Onfray dans son livre. Il est plutôt en proie à des questionnements sur son identité et sa confirmation du soi dans le monde. Dans un cimetière que le protagoniste visita avec sa femme, «il trouva des chiens de différents noms même en arabe, dont Omar. «Que fait un nom arabe dans un cimetière canin ibérique ? Omar est-il vraiment de cette race ou c'est juste qu'il a mené une vie de chien ou qu'il est mort comme un chien ? On se demande pourquoi son maître lui a attribué ce nom», se demande t-il. Pourtant, Driss Ibn Kalb n'a pas mené une vie de chien, ni celle d'un cynique, mais son périple lui a appris comment mener une vie «esthétique», chercher le bonheur dans les petits détails de la vie et trouver de la beauté dans la laideur de son nom de famille.