Hossein Tallal expose actuellement ses œuvres connotatives à la Galerie BRANE'S ART de Rabat dont le vernissage a été rehaussé par la présence effective de plusieurs passionnés d'art. Cette nouvelle galerie (25, rue Jbal Tazaka, angle Avenue de France, Coté Avenue Ibn Sina, App 2) met à l'honneur l'univers onirique de cet artiste de renom et retrace quelques facette saillantes de son parcours prolifique, donnant à voir les œuvres majeures de ses dernières années. Cet espace artistique invite les férus d'art à la découverte d'une série de toiles consacrées au thème révélateur : «portraits imaginaires». Le choix de cet artiste novateur selon Mounia Bernoussi, fondatrice et directrice de la dite galerie, n'est pas fortuit et vient rendre hommage à son parcours riche en termes de recherche et création, et qui fait de lui l'une des figures majeures de l'art moderne aussi bien au Maroc qu'à l'étranger. Tallal n'a eu de cesse de façonner une œuvre picturale romantique habitée de personnages fantasques dans le regard desquels se mêlent des sentiments énigmatiques. Entretien. Quels sont les grands tournants qui ont marqué votre imaginaire pictural digne des grands musées ? J'ai la chance dans les années soixante, d'avoir un grand ami comme Cherkaoui que j'ai côtoyé à Paris et qui m'a permis de rencontrer plusieurs artistes et écrivains célèbres : Gaston Dhiel, Jacques Berque et autres. Dans ce contexte, j'ai été sélectionné par le fameux historien René Huyghe dans Larousse « Art dans le monde » et j'ai remporté en 1965 le grand prix du Salon d'Hiver du Maroc à Marrakech crée par Majorelle, qui mettait en compétition plus de 160 artistes marocains et étrangers, pour la plupart européens. On a été trois artistes marocains : Taieb Lahlou, Hassan Glaoui et moi-même. J'étais surpris d'avoir décroché ce prix parce que j'étais le plus jeune sélectionné par la commission du jury. Avec sa générosité de cœur et sa grandeur humaine, Cherkaoui disait à chaque fois qu'il me présente à une personnalité culturelle : Nous sommes deux à Paris. J'ai toujours gardé en moi même cette générosité envers d'autres personnes. C'est extraordinaire. En 1970, mes œuvres ont été sélectionnées au Salon de Mai (Musée d'art moderne) après leur exposition à la fameuse galerie parisienne Vercamer à la même date. J' ai participé à plusieurs expositions de grande envergure à travers le monde comme à la Fondation Miro de Barcelone mais aussi au Danemark, aux Etats-Unis ou encore en Egypte... j'ai été reçu par Zadkine (considéré comme l'un des plus grands maîtres de la sculpture cubiste) et reconnu par des critiques d'art de renom, à l'instar de René Huyghe, éminent professeur au collège de France et à l'Ecole du Louvre de Paris et historien de l'art, qui a consacré à mon œuvre un texte dans le monumental livre qu'il avait publié sous le titre «les art dans le monde» chez Larousse. Le critique d'art Alain Flamand m'a qualifié comme «L'un des plus grands peintres marocains ; peintre de la solitude et de l'essentiel par excellence». Et ajouter : «peintre des foires orageux, peintre des couleurs vives, Tallal sait aussi se mettre à l'écoute de la nuit. Si sa peinture sensuelle est dramatique, si sa peinture intellectuelle est onirique, sa peinture réaliste est franchement tragique».V Vous êtes de ces artistes précurseurs qui ont réalisé un parcours probant et riche en termes de créativité et de plasticité. Peut-on avoir une idée sur ce que vous avez réalisé jusqu'à présent ? Lors de ma première exposition à la Galerie parisienne La Roue en 1967, j'ai axé ma peinture sur ce thème général : « les portraits imaginaires » sans recours à des titres. Vers les années soixante dix, j'ai commencé à illustrer les contes fantastiques d'Edgar Alain Poe, en mettant en scène l'enfant et les jouets. C'est un peu les enfants handicapés. Ce qui est extraordinaire à ce propos, c'est que en recevant ma carte professionnelle au parlement, j'ai retrouvé deux tableaux représentatifs de cette série où j'ai abordé avec spontanéité le tragique de l'enfance et la beauté de la laideur. Je suis fils unique et je n'ai pas connu mon père à la naissance. Ainsi, je voudrais bien rendre hommage à ma mère qui disait souvent : « j'ai appris à mon fils à lire sous la lumière d'une bougie». Jean Bouret, célèbre critique d'art français, a écrit dans «les Lettres Françaises» : «les tableaux réunis ici sont d'une étrange beauté. Je ne sais pas pourquoi ils m'ont fait penser à William Blake (né le 28 novembre 1757 à Londres et mort en 1827 : poète, peintre et graveur), mais c'est ainsi et je n'y peux rien, même pas une tentative d'explication». Quant à mon exposition à la Galerie Vercamer à Paris, elle a été focalisée sur le thème de la danse. A Rabat, j'ai présenté la thématique du cirque en tant qu'un monde passionnant qui fait référence à mon enfance quand je n'avais pas l'argent d'y accéder. Je me rappelle cette citation d'une historienne d'art française en commentant mon travail en question : «Beaucoup d'artistes ont travaillé sur le cirque, mais ton cirque est à toi Tallal». En 1984, Feu SM Hassan II m'a adressé une lettre dont voici un extrait : « Ces tableaux qui témoignent du degré de perfection jamais atteint par l'art pictural marocain, grâce à votre labeur acharné et à votre ténacité opiniâtre de poursuivre avec constance, un effort de recherche soutenu par une maîtrise adéquate de votre technique, honorent le Royaume. ». Quel regard portez-vous sur les arts plastiques au Maroc en tant qu'artiste peintre et homme de culture ? On a une très bonne école, parce qu'elle est diversifiée : il y a les naïfs, les abstraits, les figuratifs, les installateurs, les photographes ...etc. Cette diversité relève de la lumière fascinante du Maroc qui a beaucoup inspiré les maîtres de la peinture, en l'occurrence Delacroix, Matisse et Majorelle. C'est une école vivante. Maintenant, nous sommes très heureux que les gens commencent à s'intéresser à la peinture et aux artistes. Je pense que c'est grâce à SM le Roi Mohammed VI qui a donné une impulsion et une vie à l'art au Maroc. A mon sens, on ne peut pas parler d'une peinture proprement marocaine. Il s'agit d'art contemporain qui se veut universel. De par sa position historique et géographique, le Maroc a été et sera toujours un carrefour où foisonnent différentes tendances et expériences, ce qui représente un grand moment de partage et d'enrichissement. Dans le cadre de la Galerie Alif Ba créée par Chaïbia en 1982, on a œuvré pour l'ouverture sur des sommités artistiques à l'échelle internationale dans le but de mener à bien une synergie entre les créateurs d'ici et d'ailleurs. Quelle est votre conception de l'art ? Loin de toute ressemblance ou répétition stéréotypée, ma peinture, comme écrivait Denise Divrone, critique d'art, est une peinture d'évasion aux frontières de l'art figuratif, une interprétation subjective de la réalité objective. L'art ne peut être réalisé s'il n y a pas de création au sens plein du terme. J'estime que cette création se nourrit de l'esprit de liberté et de sincérité. L'art également est le rapprochement entre les peuples. Dans cette optique, je voudrais bien citer ce que disait SM le Roi Mohammed VI dans son discours adressé à la Nation à l'occasion du 59ème anniversaire de la Révolution du Roi et du peuple, lundi 20 août 2012 : «La culture constitue de nos jours un levier fondamental pour la création, l'innovation, le ressourcement spirituel et l'affirmation de la personnalité nationale. Elle est le catalyseur qui dynamise notre société, une société aussi fière de ses affluents pluriels et de sa civilisation séculaire, qu'elle est attachée à sa diversité et à son ouverture sur le monde».