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Trois questions à El Hassan Boukantar, professeur des relations internationales à l'Université Mohammed V à Rabat : «Il serait très difficile à tout futur responsable en Egypte de remettre en cause la situation de paix juridique entre les deux Etats»
Tout en soulignant que l'évolution de la situation en Egypte dépend de l'attitude trois acteurs, en l'occurrence, les manifestants, les sympathisants de l'actuel président et l'armée, El Hassan Boukantar, professeur des relations internationales à l'Université Mohammed V à Rabat, souligne que l'Egypte risquerai le pire si l'actuel président s'entête à maintenir le pouvoir ne serait-ce qu'artificiellement. Sur la question de l'impact des évènements sur le processus de paix au Proche Orient, l'universitaire pense qu'il est difficile pour tout prochain responsable de remettre en cause l'accord de paix entre l'Egypte et Israël. Propos Quelle est votre lecture de la situation chaotique qui prévaut aujourd'hui en Egypte? Il faut d'abord souligner que la situation est de plus en plus complexe et difficile à l'mage de l'Egypte, un pays qui représente la plus grande puissance démographique dans le monde arabe et qui se trouve au cœur des enjeux géostratégiques aussi bien sur le plan Interne que régional et international. La complexité provient, aujourd'hui, du fait que le président actuel s'entête à quitter le pouvoir tout en essayant de faire des concessions dans le cadre de ce qu'il appelle une transition qui pourrait éviter à l'Egypte le chaos. Donc, pour lui, il y a une seule alternative : lui ou le chaos. Dans ce cadre, il a essayé, à travers des institutions peut être occultes, de mobiliser des gens qui ont tenté d'intimider aussi bien les manifestants que la presse qui a été critiquée pour avoir contribué à amplifier les manifestations anti-Moubarak. Face à ce bloc constitué par le président, il y a l'ampleur de la manifestation dont le seul objectif est de faire tomber le président et le système qu'il a instauré. Face à ces deux camps, l'armée demeure l'acteur clé qui a pour tâche d'assurer la stabilité et la transition. Jusqu'à présent, l'institution militaire a adopté un profil de neutralité visant à créer les conditions d'un équilibre difficile entre les revendications des manifestations, d'une part, et le comportement et les agissements de l'autre camp qui supporte le président actuel, de l'autre part. Comment les choses vont-elles évoluer ? Tout dépendra du comportement de ces trois acteurs. Premièrement, comment va évoluer l'ampleur de la manifestation ? Secundo : Comment va se comporter le clan du président ? Troisièmement, comment l'armée en tant qu'arbitre va-t-elle décider du sort de cette situation à la lumière des pressions internationales et notamment celles des Etats-Unis qui ont lâché le président Moubarak et œuvrent aujourd'hui pour une transition ordonnée qui pourrait éviter à l'Egypte une situation d'anarchie et de chaos ? Il faut dire que nous sommes dans une situation de «Wait and see ». Est-ce qu'on peut parler de transition démocratique en Egypte ? Notons que les manifestations qui se poursuivent depuis une dizaine de jours sans faiblir ont été imprévisibles. Certes, L'Egypte a connu depuis quelques années des manifestations mais aucun mouvement de protestation n'avait été aussi puissant. Cette manifestation, aujourd'hui, n'a comme finalité ultime que le départ du président. La question qui taraude aujourd'hui aussi bien les acteurs internes qu'internationaux, est de savoir lesquels des mécanismes adéquats pourraient contribuer à réaliser le but principal, à savoir assurer une transition démocratique en douceur. A mon avis, on peut prévoir, face à l'évolution actuelle, un départ de Moubarak qui sera remplacé par son vice président. Ce dernier pourrait assurer les conditions d'un changement politique qui va ouvrir une nouvelle page dans la vie politique de l'Egypte. C'est-à-dire : dissoudre le parlement, réviser quelques clauses de la constitution et organiser en fin de compte des élections présidentielles. Ce scénario aurait le mérite de faire éviter à l'Egypte plus de souffrances et plus de dégâts sur tous les plans. Dans le cas de l'entêtement du président Moubarak à se maintenir d'une manière artificielle au pouvoir, on pourrait craindre le pire et imaginer un scénario catastrophique dans lequel l'Egypte risquera de sombrer dans le chaos. D'après vous, quels seront les incidents sur le processus de paix au Proche-Orient ? Il est à rappeler que l'Egypte est le premier pays arabe à avoir signé un traité de paix avec Israël dans le cadre des accords de Camp David. Ce traité régissait toujours malgré les évolutions qu'a connues l'environnement régional et malgré les guerres entre Israël et ces voisins arabes. Ce qui dénote de la solidité juridique du traité entre l'Egypte et Israël bien que la normalisation des rapports entre les deux peuples n'a jamais eu lieu. Des forces égyptiennes continuent à rejeter tous les rapports avec Israël et manifestent leur solidarité avec les peuples de la région, notamment le peuple palestinien. Je pense qu'il serait très difficile à tout futur responsable en Egypte de remettre en cause la situation de paix juridique entre les deux Etats. Car, remettre en cause cette paix, équivaudrait, sur le plan du droit international, à dénoncer ce traité qui régit depuis 1979. D'autant qu'il ne faut pas oublier que les Etats-Unis contribuent annuellement à aider l'Egypte par des aides militaires d'à peu près de 2 milliards de dollars. J'imagine que la perspective de la perception de la politique égyptienne vis-à-vis de son environnement régional dépendrait de la nature du pouvoir qui va être mis en place après la fin du règne de Moubarak. Mais dans tous les cas, il faut souligner qu'Israël et les Etats-Unis perdent avec la fin de Moubarak un allié qui a toujours œuvré pour maintenir un lien solide entre ces trois Etats. Donc, l'inquiétude est perceptible en particulier en Israël qui s'interroge sur l'avenir de la région dans l'attente du nouveau pouvoir et du prochain président qui va assurer le pouvoir en Egypte.