Le ministre de la culture, Mohamed Amine Sbihi a annoncé que son département est en train de finaliser un projet de création d'un «Centre national du livre» ayant pour mission de promouvoir le livre, de soutenir la créativité et d'encourager la lecture. M. Sbihi, qui s'exprimait, samedi à Casablanca, à l'ouverture d'une conférence sur la lecture et le livre au Maroc, organisée par la bibliothèque universitaire Mohamed Sekkat, a souligné que son département demeure ouvert sur les propositions de l'Union des éditeurs pour la mise en place d'un portail électronique destiné à promouvoir le livre électronique en vue d'accompagner les nouvelles mutations survenues dans le monde de la lecture et d'accéder à la société du savoir en se servant des nouvelles technologies multimédias. Evoquant les indicateurs du secteur du livre et de la lecture au Maroc, le ministre a relevé que ce secteur se caractérise par une dynamique continue et prometteuse et un développement concret tant au niveau des infrastructures culturelles que sur le plan des bibliothèques publiques, notant l'intérêt grandissant accordé au produit culturel marocain, la multiplication des publications et le développement des maisons d'édition (80 unités) ainsi que l'augmentation du nombre d'étudiants et chercheurs et l'extension des salons de lecture sur toutes les régions du Royaume tout en adoptant une nouvelle approche de soutien au secteur. Le ministre a mis le doigt sur les points faibles du secteur de la lecture, qui, selon lui, souffre de l'absence d'un mécanisme national de coordination, la concentration des maisons d'édition sur l'axe Casablanca-Rabat, la faiblesse du nombre de publications et du rendement économique du secteur, ainsi que de la nature limitée de l'infrastructure de distribution et du réseau de la lecture outre le caractère caduque des législations régissant le secteur et l'insuffisance des investissements et des infrastructures d'accueil. Partant de ce constat, le ministère a, au cours des trois dernières années, accordé un intérêt particulier à ce secteur à travers la création, le développement et l'équipement de nombreux centres, espaces et institutions culturels, a-t-il dit, notant qu'entre 2012-2015, plusieurs mesures opérationnelles ont été prises aux niveaux des infrastructures, des salons régionaux, des caravanes de lecture publique, d'animation culturelle et de soutien au secteur de l'édition et du livre. Et d'ajouter que son département a élaboré un nouveau projet visant de soutenir les entreprises culturelles et artistiques en procédant à la création d'une société nationale d'appui aux entreprises culturelles à travers un partenariat entre les secteurs public et privé en vue de faciliter l'accès au financement pour des entreprises et la mise en place d'un fonds consacré aux industries culturelles. Il a, dans ce sens, souligné que ce projet contribuera à la promotion de l'industrie du livre et à l'amélioration des chaînes de production et de commercialisation, ce qui est de nature à garantir une présence pesante du produit marocain sur les marchés national et international. De son côté, le président du Conseil National des Droits de l'Homme (CNDH), Driss El Yazami a souligné l'importance de cette initiative tendant à encourager la lecture au Maroc, faisant remarquer l'existence d'une relation indissociable entre les droits de l'homme et la lecture. Il, à cet égard, affirmé que la lecture constitue un vecteur incontournable pour la diffusion de la culture des droits de l'Homme et un levier essentiel pour l'épanouissement du citoyen, ajoutant que le CNDH mène de nombreuses activités dans le domaine culturel, citant dans ce sens, la participation imposante du Conseil au Salon International de l'Edition et du Livre (SIEL) de Casablanca et la création d'un centre pour les études sahariennes qui a, jusqu'à présent, publié plus de 30 ouvrages. Pour sa part, le président de l'Association marocaine des professionnels du livre (AMPL), Abdelkader Retnani a mis l'accent sur l'importance de cette rencontre qui vise à promouvoir la lecture au niveau national, appelant les ministères de la Culture et de l'Education nationale à entreprendre des mesures concrètes pour appuyer le secteur du livre et de la lecture et de le faire sortir de la situation difficile qu'il traverse. Il, à ce propos, proposé de répertorier les écoles publiques ne disposant pas de bibliothèques, d'incorporer les œuvre d'auteurs marocains dans les programmes scolaires, de former de bibliothécaires pour les établissements scolaires et de créer de librairies et de recruter les étudiants de la filière livre ainsi que de conclure des conventions entre les ministères et la Culture et de l'Intérieur, l'Union des éditeurs marocains et les 1503 communes réparties sur les 12 régions du Royaume pour l'achat de livres d'auteurs marocains. Quant au Directeur général de l'Agence Maghreb Arabe Presse (MAP), Khalil Hachimi Idrissi, il a estimé, dans une allocution lue en son nom par M. Retnani, que plus la lecture est précoce plus elle oriente la vie, elle la change et l'inscrit dans l'univers de valeur, de beauté et d'idées. «L'expérience intellectuelle de la lecture est unique. Plus elle est précoce, plus ses effets sont puissants. Un jeune exposé très tôt à cette expérience voit sa vie prendre une autre direction. Il est des livres qui changent le destin. Et il est des livres qui impriment à la vie une autre dimension en laissant une vie intérieure émerger, se développer et prendre son envol au-delà de contraintes du réel ou de la gravité, dans le sens physique, de la trivialité», a-t-il estimé dans une intervention intitulée «Comment la lecture a changé ma vie». Selon M. Hachimi Idrissi, la littérature est «révolutionnaire» dans la mesure où il n'y a pas d'acte d'écrire qui ne soit pas transgressé ou un vrai dépassement de soi, soulignant que le «bonheur de l'auteur est de voir ses lecteurs s'approprier intimement son œuvre. Y pénétrer et y vivre des moments intenses en donnant corps et substance à des idées, des rêves, des vies sublimées toutes objet d'une construction intellectuelle précise porteuse de projets divers et de sens multiples». «Imaginez avec moi un jeune qui découvre à 15 ans +le passé simple+ de Driss Chraibi ou +la mémoire tatouée+ d'Abdelkébir Khatibi, +Le Pain nu+ de Mohamed Choukri ou +l'enfant de sable+ de Tahar Benjelloun. Quel va être le destin de ce jeune ensuite?, s'est-il interrogé. «Ce que l'on sait par contre c'est que la lecture ne sera plus jamais étrangère à ce destin. Il le saura désormais», a noté le journaliste et écrivain Khalil Hachimi Idrissi. Revenant à la trivialité de la situation de la lecture au Maroc, M. Hachimi Idrissi s'est demandé si notre pays donne sa chance à la lecture pour qu'elle fasse partie de la vie de nos jeunes?. «A l'évidence la réponse est négative. Les savoirs préalables à la lecture -la maîtrise de la lecture, en fait - sont-ils acquis dans nos parcours scolaires? la réponse également n'est pas très satisfaisante», a-t-il fait observer. «Sur le diagnostic, le consensus est national. Ce n'est pas là où réside notre malheur! C'est quand on fait un premier pas vers l'action, vers une solution, ou vers un sujet, que la division s'installe ou qu'un climat digne d'une guerre civile s'installe avec une violence inouï», a-t-il encore souligné. «Notre débat sur la lecture semble, tout à coup, requérir un préalable que nous sommes collectivement incapables de produire», a relevé M. Hachimi Idrissi, appelant à mettre en place un appareil linguistique «efficace, utile et forcément pluriel devant conduire, en une démarche transparente, nos jeunes et nos moins jeunes à la culture de l'excellence».