La diplomatie espagnole piégée Le ministre espagnol des Affaires étrangères et de la coopération José Manuel García-Margallo, a qualifié Gibraltar, de «priorité nationale» mais un député britannique rétorque, à Londres, en lui suggérant la rétrocession de Sebta au Maroc. Ce qui a été considéré comme un incident mineur de pêche déclenché au large de Gibraltar, début juillet, s'est converti en un piège pour la diplomatie espagnole qui a dû faire marche arrière et renoncer à une campagne diplomatique pour réclamer la récupération de la colonie britannique. Au Congrès des députés espagnols, Margallo a tempéré, mardi dernier, ses propos et proposé l'ouverture du dialogue avec les britanniques. A Londres, le chef du Foreign office, William Hague, réaffirme à la Chambre des Communes les positions de principe de son gouvernement et le respect de la volonté des habitants de Gibraltar. Il a qualifié d'argument «valable» la proposition, faite par un député de son parti de «rétrocéder» Sebta au Maroc. Aussi bien à Madrid qu'à Londres, les chefs de la diplomatie espagnole et britannique partagent en fin de compte la même conclusion selon laquelle il n'y aura pas de négociations sur la souveraineté sur Gibraltar. Dans une session tenue au Congrès des Députés (Chambre basse) pour expliquer le conflit entre les autorités gibraltariennes et des pêcheurs de la baie d'Algesiras, le chef de la diplomatie espagnole a modéré son ton et laissé entendre que l'Espagne n'envisagerait pas poursuivre son «forcing» diplomatique sur le Royaume-Uni, déclenché suite à la pose de blocs de béton au large de Gibraltar pour empêcher des chalutiers espagnols d'opérer dans la zone. Lors d'une longue intervention durant laquelle il a repassé les trois siècles de la colonisation du Rocher de Gibraltar, Margallo a cependant écarté l'idée de «parler de souveraineté» et proposé d'entamer des conversations avec les autres groupes parlementaires sur un consensus en prévision de porter cette question devant des instances internationales spécialisées. Madrid avait accepté, en avril 2012 rappelle-t-on, la proposition faite par le Secrétaire au Forein office, William Hague, de mettre sur pied des groupes de travail «ad hoc» pour se concerter sur des questions concrètes, telles l'environnement et la pêche. Selon Margallo, il va s'agir de groupes de composition souple qui seraient différents d'un forum tripartite réunissant des représentants de Madrid, Londres et Gibraltar mis sur pied durant le mandat du dernier gouvernement socialiste espagnol. Madrid s'efforce actuellement à mener des négociations avec le gouvernement de Londres pour parvenir à une résolution commune sur le futur de Gibraltar. S'agissant des mesures de représailles que comptait prendre Madrid contre les autorités de Gibraltar, Margallo a précisé que le gouvernement, «dans un geste de bonne volonté», n'avait pas encore décidé d'appliquer une taxe de 50 euros aux véhicules se rendant ou venant du Rocher. Ce changement d'attitude intervient à la suite de l'annonce par les autorités gibraltariennes d'autoriser en automne prochain le retour des pêcheurs espagnols dans la baie d'Algesiras. Margallo a d'autre part accusé Gibraltar de survivre grâce à un modèle économique basé sur «la dérégulation, l'opacité et un faible taux d'imposition» et d'être une économie «off shore». Les groupes d'opposition au parlement espagnol ont approuvé la position espagnole exprimée par Margallo tout en critiquant la manière de présenter le conflit de Gibraltar. La Gauche Unie a estimé qu'il s'agissait de «serpent d'été et d'écran de fumée» alors que les socialistes proposent de gérer ce conflit «avec moins de tapage» et les Catalans suggèrent «plus de prudence et moins d'exagération». A Londres, le chef de la diplomatie britannique, William Hague, a réitéré, selon l'agence Efe, la disposition de son gouvernement à rouvrir des négociations avec son homologue espagnol sur Gibraltar tout en excluant la question de souveraineté, qui ne sera abordée sans l'accord des gibraltariens. Il s'est montré favorable au dialogue «ad hoc» avec le gouvernement espagnol en vue de résoudre les problèmes en suspens. «Nous sommes favorables à des conversations avec l'Espagne», a-t-il déclaré signalant que Londres a réitéré son offre du mois d'avril de 2012 d'entamer un dialogue sur des questions spécifiques. «Gibraltar est britannique et nous ne négocierons jamais sur la souveraineté en dehors de l'avis des habitants de Gibraltar», a-t-il précisé. Un député du parti conservateur David Davies, retient Efe, a «proposé au ministre Hague de soulever dans de futures négociations avec l'Espagne le cas de Sebta et lui suggérer qu'il rétrocéderait la province au Maroc». Hague, qui a admis cet argument le qualifiant de «valable», a signalé que les possibles conversations avec Gibraltar et l'Espagne seront «axées sur des questions de caractère local», poursuit l'agence de presse espagnole, Gibraltar entretient des relations tendues avec l'Espagne depuis juillet dernier à cause de la pose de blocs de béton dans ses eaux ce qui avait mené le gouvernement espagnol à appliquer des contrôles sur la circulation entre le rocher et les provinces espagnoles adjacentes. Le chef de la diplomatie britannique a rappelé, mardi, que son pays a demandé à l'Union européenne d'ouvrir une enquête sur ces contrôles frontaliers. Comme il a été expliqué dans une précédente chronique, publiée dans Al Bayane (28 août), la fin des résidus coloniaux dans la Méditerranée occidentale passe par des négociations à trois (Maroc, Espagne Grande Bretagne). Madrid ne peut revendiquer la souveraineté sur Gibraltar tout en ignorant la situation de Sebta, Melilla et l'archipel des Iles Jaâfarines. Cette fois, c'est un député britannique qui a tenu à le rappeler à la diplomatie espagnole.