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Dossier territorial : Gibraltar, Sebta et Melilla, une question à l'ordre du jour
Publié dans Albayane le 25 - 01 - 2012

Quelques jours seulement après l'annonce d'inclure la question de Gibraltar dans le document de travail à débattre au prochain congrès national du Parti Populaire (PP : au pouvoir), le gouvernement espagnol a réaffirmé, mardi, à sein tour sa détermination de relancer les négociations avec le Royaume - Uni sur le futur de ce rocher.
Toutefois, la question de Sebta, Melilla et les Iles Jaâfarines demeure ignorée aussi bien dans la nouvelle approche du PP que celle du gouvernement conservateur dirigé par Mariano Rajoy. Pourtant, ce contentieux fait partie de l'agenda diplomatique du Maroc depuis le début des années 60.
C‘est le ministre espagnol des affaires extérieures et de la coopération, José Manuel García-Margallo, qui a relancé, mardi dans une déclaration à la chaîne de télévision privée Antena 3 le débat sur Gibraltar en déclarant qu'il s'agissait d'une « question fondamentale de la souveraineté » dont, a dit -t-il dit, vont discuter l'Espagne et le Royaume Uni. D'ailleurs, cette demande a été communiquée à son homologue britannique, William Hague, lors de leur rencontre lundi en marge de la réunion des ministres des affaires étrangères de l'Union Européenne à Bruxelles, à qui, a-t-il révélé, il lui avait indiqué que “cette farce a pris fin”.
Selon le chef de la diplomatie espagnole, seuls les gouvernements de Madrid et Londres sont habilités à parler de « la souveraineté et de la juridiction » concernant Gibraltar. Il a toutefois insisté sur les possibilités de coopération entre les populations de Gibraltar et des zones espagnoles limitrophes. Outre des négociateurs des gouvernements de Madrid, de Londres et de Gibraltar, une délégation de la Communauté Autonome d'Andalousie pourra également prendre part au dialogue sur le futur du rocher. «C'est le changement fondamental» que l'actuel gouvernement espagnol va adopter dans sa politique à l'égard de Gibraltar, a expliqué Garcia-Margallo.
Comme l'avait signalé Albayane dans son édition de lundi, le PP se déclare décidé à reprendre le contentieux de Gibraltar en lui accordant une place de choix dans son document de travail pour le prochain congrès, en mi-février, intitulé «Europe et Politique Extérieure». Pour le PP, la récupération de la souveraineté sur Gibraltar est une revendication «imprescriptible» pour l'Espagne.
La reprise en main par le nouveau gouvernement espagnol du dossier de Gibraltar, en insistant ouvertement sur la rétrocession de la souveraineté, invite à analyser cette question dans le cadre d'éventuelles négociations triangulaires entre Rabat, Londres et Madrid sur l'éradication des derniers résidus du colonialisme dans la région de la Méditerranée Occidentale. En conséquence, de nombreuses circonstances politiques, économiques et socioculturelles pourront réactiver à nouveau les revendications marocaines de la souveraineté sur Sebta et Melilla et les îlots adjacents. Plusieurs facteurs entrent en jeu pour établir un parallèle entre ces deux villes et le cas de Gibraltar.
A titre de rappel, à l'issue de la conclusion de l'Accord Tripartite de Madrid sur le Sahara, le 14 novembre 1975, feu le roi Hassan II, avait indiqué en substance, lors d'une conférence de presse, dix jours plus tard: « si les anglais restituent Gibraltar à l'Espagne, celle-ci devra nous restituer Sebta et Melilla (…). Au moment où les espagnols récupèrent Gibraltar, avant, immédiatement et automatiquement, nous obtiendrons Sebta et Melilla (…). Aucune puissance ne pourra permettre que l'Espagne ait les deux clés du même détroit».
Cette démarche se justifie par le fait que toute progression dans le statut de Gibraltar doit se répercuter irrémédiablement sur la situation de Sebta et Melilla. D'autant plus, les deux villes évoluent dans l'arrière pays des villes marocaines limitrophes (Tétouan et Nador et leurs banlieues). Ce qui signifie que la reprise des négociations entre Madrid et Londres sur Gibraltar placeront inéluctablement le gouvernement espagnol dans une position inconfortable et impliquera la réouverture des négociations sur la rétrocession de la souveraineté au Maroc sur les deux villes en litige, une option que le PP n'est pas prêt à admettre, comme fut à l'époque du gouvernement de José Maria Aznar (1996-2004). D'ailleurs, le futur de ces deux villes fait partie de l'agenda des organisations politiques et de nombreux médias marocains qui appellent constamment l'Espagne à ouvrir des négociations sur cette question en citant souvent la proposition du roi Hasan II de création d'une cellule de réflexion sur Sebta et Melilla, en 1987.
C'est la similitude entre Gibraltar et Sebta et Melilla qui facilite la tâche aux acteurs politiques et sociaux pour inviter l'Espagne à assainir le dossier des contentieux bilatéraux, dont celui des territoires dans le nord du royaume. D'ailleurs, la cellule de réflexion, proposée par feu Hassan II, parle d'un accord consensuel entre Rabat et Madrid en établissant une équation à trois éléments (Sebta, Melilla-Gibraltar) et sans intervention de puissances étrangères dans les négociations bilatérales.
Cette démarche pourrait éviter le retour à un autre cycle de tension à l'image de celui survenu, en juillet 2002, comme conséquence de l'incident de l'îlot Toura/Leila (Persil pour les espagnols) qui avait semé une énorme inquiétude au sein des peuples marocain et espagnol. A l'époque, le gouvernement dirigé par Aznar avait mobilisé d'impressionnants moyens militaires autour du rocher, ce qui avait poussé l'ensemble des acteurs politiques et sociaux du Maroc à soulever la question de la souveraineté sur l'ensemble des territoires au nord du royaume.
Les contingences géopolitiques obligent cependant le Maroc et l'Espagne de discuter des litiges en suspens en vue de préserver les relations de bon voisinage. Sebta et Melilla se distinguent, en outre, au sein de la carte géographique de l'Espagne par la singularité de leur situation. Elles sont dépourvues de ressources naturelles, survivent grâce aux activités tertiaires et dépendent de la contrebande et des échanges commerciaux informels avec les villes marocaines limitrophes qui représentent 85% de leurs recettes.
C'est dans ces conditions que le PP rouvre le dossier territorial sans introduire la variable Maroc comme élément déterminant dans la résolution de l'équation de décolonisation à trois éléments: Gibraltar, Sebta et Melilla.


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