L'avenir du rocher de Gibraltar était au menu de la rencontre lundi à Londres entre Tony Blair et José Maria Aznar. Madrid ronge son frein au moment où Londres annonce de longues et délicates négociations Pour les britanniques, les négociations actuelles entre Londres et Madrid sur le statut de Gibraltar, enclave britannique en territoire espagnol, cédé par l'Espagne « à perpétuité » à la couronne britannique lors du traité d'Utrecht en 1713, porteront notamment sur la question de « la souveraineté partagée». C'est ce qui ressort d'une déclaration du chef de la diplomatie britannique Jack Straw à la BBC. Pour M. Straw, les négociations sur Gibraltar prendront « beaucoup de temps » avant d'aboutir à un éventuel referendum, au moment où les habitants du rocher demeurent en majorité opposés à un changement de statut. Au vu de la situation actuelle, les deux capitales qui avaient repris l'an dernier leurs négociations sur Gibraltar et s'étaient engagées à aboutir à un accord avant l'été, risquent de ne pas tenir leur pari. Jack Straw a fait état de négociations sur des points détaillés qui devraient prendre plusieurs années avant de parvenir à un referendum. Du côté britannique, on veut prendre le temps de voir venir. Un sondage publié lundi, quelques heures avant une réunion des deux premiers ministres, révélait que trois députés britanniques sur quatre, soit 75%, estiment que les habitants de Gibraltar devraient décider seuls de leur avenir. Selon un autre sondage réalisé par l'institut TNS Harris, 19% des 150 députés (sur 659) interrogés par pensent que c'est à Londres qu'il revient de décider du futur statut du rocher. Seulement 2% des députés estiment, selon la même consultation, que toute décision sur cette question doit être prise conjointement par le gouvernement britannique et les Gibraltariens. La même proportion aussi se prononce pour une expression de l'Espagne sur cette question. Le gouvernement local du rocher refuse quant à lui toute négociation. Il est allé jusqu'à s'offrir lundi une pleine page dans plusieurs quotidiens britanniques pour lancer un appel à soutenir le droit des gibraltariens à l'autodétermination. L'Espagne de José Maria Aznar ne voit pas la chose sous cet angle. Au moment où Londres entend parvenir à un accord durable et permanent, Madrid demande un accord transitoire, de façon à ne pas fermer la porte à une souveraineté espagnole à long terme. En attendant, les commentaires de la presse espagnole ont été empreints de scepticisme lundi. Pour la majorité de la presse espagnole, une solution à court terme n'est plus de mise. La consultation des Gibraltariens amenuise considérablement l'espoir d'une souveraineté espagnole sur le rocher. Résigné, la Razon estime que tout ce que peut obtenir M. Aznar du gouvernement britannique est la garantie que la colonie cesse d'être un centre d'espionnage, un paradis de délinquance, un nid d'affaires occultes et de blanchiment d'argent. « ABC » n'est guère plus optimiste et considère que les problèmes de Gibraltar sont des problèmes de fond, du moment que Londres lorgne à terme vers l'instauration d'une co-souveraineté permanente sur le rocher. Plus « lucide », « El Pais » évoque les nombreux paramètres centraux que cette question va soulever, étant donné que toute solution pour Gibraltar aura des implications régionales à prendre en considération en ce qui concerne l'avenir des deux présides occupés de Sebta et Melillia. Une perspective, souligne le journal, qui rend moins amère la pilule d'une co-souveraineté de Londres et Madrid sur le rocher.