Maroc, Espagne et Royaume-Uni Sans avis préalable, les relations entre Madrid et Londres ont violemment été secouées, en ce début du mois d'août, par un incident entre pêcheurs espagnols et autorités de Gibraltar. Les médias madrilènes ont pris parti pour la défense des intérêts espagnols en amplifiant l'écho de la crise. Ils produisent le maximum de données sur les conséquences d'ordre économique sur la main d'œuvre espagnole et le commerce gibraltarien sans approfondir les analyses sur la question de la souveraineté sur la colonie britannique. Ceci s'explique par la forte préoccupation dans les milieux diplomatiques et politiques espagnols pour la situation de Sebta et Melilla. Le cas de ces deux villes et des îlots adjacents occupés peut être parfaitement traité dans une équation à trois inconnues pour mettre fin aux résidus coloniaux en Méditerranée Occidentale : Maroc, Espagne et Royaume-Uni. C'est l'impression qui ressort, dimanche, de la lecture des principaux commentaires dans la presse espagnole d'audience nationale. Le quotidien El Pais opte pour le pragmatisme et met en garde contre le fait que la solution du conflit de Gibraltar pourra être parfaitement être appliquée au statut actuel de Sebta et Melilla. Sous le titre «Fièvre d'août», El Pais estime que dans l'actuelle crise entre l'Espagne et Gibraltar, Madrid est appelée «avant tout à soupeser les effets des actions qu'elle compte entreprendre», une allusion claire au cas de Sebta et Melilla. Dans le fond du contentieux historique de Gibraltar, surgissent de temps à autre des «épisodes inamicaux sur le terrain», observe El Pais. Il rappelle, à ce titre, que depuis l'élection, fin 2011, de Fabian Picardo, le nouveau Ministre principal (chef de gouvernement) de Gibraltar, ces épisodes se sont produits surtout en rapport avec la juridiction sur les eaux de la baie d'Algesiras. En mars 2012, ajoute le quotidien, le gouvernement gibraltarien avait décidé d'annuler l'accord de pêche en vigueur depuis 1999, et actuellement, la tension a été provoquée par la pose de 70 blocs de béton au large du rocher pour empêcher les pêcheurs espagnols d'y opérer. Cependant, observe El Pais, à chaque fois que la question de la souveraineté est posée dans le cadre international, «le risque que ceci puisse avoir des effets sur les statuts de Sebta et Melilla» devient vivace. Nonobstant l'attitude adoptée par Madrid à leur égard en les considérant comme «villes espagnoles et non des colonies», El Pais soutient qu'une «vision réaliste ne peut être ignorée (à cet égard) car si un jour Londres acceptera un accord sur la rétrocession de Gibraltar, comme elle l'avait fait concernant Hong Kong en appliquant le critère territorial, il est sûr que le Maroc reposera la question avec les soutiens dont il dispose au plan international et dont il manque aujourd'hui». ABC reconnait, de son côté dans un commentaire qui a pour titre «Gibraltar : la fausse voie prise par Picardo», que la « dévolution du rocher» à l'Espagne paraît aujourd'hui «une tâche très difficile». Le journal conservateur a cependant suggéré de «demander à ceux qui gouvernent dans la colonie et ceux qui les défendent depuis Londres qu'ils ne gênent plus» les pêcheurs espagnols dans la baie d'Algesiras. Le journal n'écarte pas l'alternative de recourir à l'arme économique pour étouffer l'activité et la «qualité de vie» au Rocher. Pour sa part, le journal progouvernemental La Razon, admet dans un commentaire qui a pour titre «L'eternel rocher», que «ni le ministre espagnol des relations extérieures, Margallo, ni le président du gouvernement, Rajoy ne vont régler dans trois mois un contentieux vieux de plusieurs siècles».