Le congrès des députés d'Espagne (Chambre basse) a été mercredi dernier la scène d'un débat sur la politique extérieure avec comme principal dossier Gibraltar. Le nouveau ministre des Affaires extérieures et de la Coopération, José Manuel García-Margallo, a saisi l'occasion pour présenter un rosaire de thèmes qui constituent traditionnellement les lignes maitresses de la diplomatie espagnole. Il est cependant utile de signaler que l'intervention de García-Margallo devant la commission parlementaire des affaires Extérieures n'est pas sortie du cadre général des positions exprimées officiellement par le gouvernement de Madrid à l'égard de certaines questions internationales. Celles-ci concernent particulièrement la coopération au développement, les changements que vit le monde arabe depuis un an, les relations avec le Maghreb, le Sahara et la question territoriale. C'est le cas de Gibraltar qui a suscité le plus de débat, de questions et de répliques au sein de la commission parlementaire de la chambre basse. Toutefois, pour tout observateur indépendant, l'obsession de relancer les conversations avec les Britanniques sur le Rocher exclut toute tentative de poser la question de Sebta, Melilla et les Iles Jaâfarines. C'est ce qui s'est passé effectivement au sein de la commission parlementaire et traduit la nouvelle approche de la diplomatie espagnole. En repassant l'actualité politique, depuis la nomination du nouveau gouvernement dirigé par Mariano Rajoy, la question de Gibraltar a été placée au cœur de l ‘agenda diplomatique de l'Espagne. Elle a été soulevée au moins trois fois en moins de quelques jours par les autorités espagnoles lors de contacts avec leurs homologues britanniques. A chaque fois, Londres répond avec un « niet » et renvoie la balle aux espagnols leur signifiant qu'il fallait dialoguer avec les habitants de Gibraltar. Aussi bien la rencontre de Mariano Rajoy à Londres avec le premier ministre, David Cameron, que celles de Garcia-Margallo avec son homologue britannique, William Hague, n'ont apporté de satisfaction à la requête du gouvernement espagnol qui aspire à relancer le Processus de Bruxelles, ouvert en 1984, dans lequel Madrid et Londres se sont engagés à discuter du futur de Gibraltar. Cette fois, le gouvernement espagnol propose que le Forum de Coopération, créé en 2004, soit quadripartite auquel participent les gouvernements de Londres, Madrid, Gibraltar et les autorités locales espagnoles de l'arrière pays de Gibraltar (banlieue d'Algesiras). Ce forum a été créé à l'initiative des gouvernements centraux de Madrid et Londres pour promouvoir un dialogue à trois bandes sur le futur de Gibraltar en vue d'attribuer un cadre légal aux activités de coopération transfrontière entre Gibraltar et les localités espagnoles limitrophes. Le gouvernement de Londres vient de rejeter officiellement, dans une communication diplomatique, la proposition espagnole d'un Forum quadripartite incluant les représentants des habitants de l'arrière - pays de Gibraltar comme délégation propre à ce forum. Britanniques et Gibraltariens affirment n'avoir aucune objection que des représentants des habitants des localités espagnoles limitrophes de Gibraltar assistent aux rencontres en tant que membres de la délégation espagnole. Ils rejettent de cette manière leur présence en tant que délégation indépendante. Le Foreign Office s'oppose également à la proposition espagnole de discuter de la souveraineté sans l'accord des Gibraltariens. La diplomatie espagnole exerce un pressing sur cette direction en tentant d'ouvrir tous les fronts possibles pour rouvrir le dossier de Gibraltar en engageant des conversations, comme l'avait dit García-Margallo, « avec deux drapeaux et quatre voix ». L'Espagne compte aussi énormément sur le rôle que peut jouer l'ONU pour discuter du dossier de Gibraltar. Ceci se passe alors qu'aucun député n'a soufflé mot sur le cas de Sebta, Melilla et les Iles Jaâfarines. Au contraire, le gouvernement de Madrid vient de nommer un fonctionnaire au sein de la délégation espagnole auprès de l'Union Européenne qui va se charger de la coordination des affaires communautaires avec Sebta et Melilla. Ainsi a été accomplie la promesse faite aux dirigeants des deux villes occupées en marge du dernier congrès du Parti Populaire, à Séville. Eu égard à sa nouvelle approche, il serait constructif pour la diplomatie espagnole de proposer d'assainir le contentieux territorial en Méditerranée Occidentale en proposant un dialogue triangulaire entre britanniques, espagnols et marocains. Le cas de Sebta et Melilla et celui de Gibraraltar sont similaires et se considèrent comme des résidus coloniaux au 21ème siècle.