Le parti de la droite vers un éclatement irréversible L'Union pour un mouvement populaire (UMP), parti de la droite républicaine, vit visiblement dans une ambiance de scission, provoquée par l'organisation d'un scrutin citoyen permettant aux militants et sympathisants de choisir, par la voie des urnes, entre les deux candidats au poste du premier secrétaire de l'UMP, à savoir François Fillon et Jean-François Copé. Les résultats de dépouillement des votes de ce scrutin, organisé le 18 courant, a provoqué une guerre de communication (communiqués) entre les deux candidats, chacun se déclarant être élu président du parti, accusant son rival d'avoir triché et falsifié les résultats des urnes. Pour surmonter cette crise d'égos, l'ancien ministre des Affaires étrangères de Nicolas Sarkozy et l'un des fondateurs de l'UMP, il y a dix ans, Alain Juppé, actuel maire de Bordeaux, a été sollicité pour assurer la présidence du parti par intérim et entamer une démarche réconciliatrice entre les rivaux. Le maire de Bordeaux s'est aussitôt mis au travail pour parvenir à faire sortir les deux protagonistes de leur «bunkerisation», en leur proposant que la commission, telle qu'elle est constituée, poursuive son analyse du scrutin, et qu'il ait le dernier mot en qualité de médiateur et président par intérim, chose qui a été purement et simplement rejeté par Copé. Les deux protagonistes ont tenu une réunion au siège de l'Assemblée nationale, et qui s'est terminée sur deux positions inconciliables, c'est-à-dire où chacun réaffirme sa victoire. Un tel blocage a conduit le maire de Bordeaux à prendre acte de la fin de sa mission mort-née, en réaffirmant qu'il ne reconnaitra que le seul verdict de la commission des recours, ajoutant que «le processus juridique ne doit pas être interrompu. Les fillonistes réclament la «réorganisation» du scrutin avec des bureaux de vote «accessibles à tous», faisant allusion aux soupçons qui entourent la victoire proclamée de Copé. Réponse du berger à la bergère, les copistes réaffirment : «personne ne volera la victoire. En attendant le verdict de la justice, M. Fillon n'a pas tardé à annoncer à la presse mardi, la formation d'un groupe parlementaire à l'Assemblée nationale, appelé «groupe rassemblement UMP»), signe précurseur d'une scission officieuse dont les lignes fondatrices se préciseraient dans les jours à venir, si les deux adversaires ne parviennent pas à trouver un compromis leur permettant de mettre fin à une guerre des chefs, et préserver par conséquent l'unité de l'UMP. Et le jeu de «je te tiens, tu me tiens par la barbichette» continue sans répit. Ainsi, Copé, maire de Meaux (banlieue parisienne), n'a pas voulu laisser passer cette annonce de Fillon sans réplique immédiate, en minimisant le risque d'un départ massif des pro-Fillon, expliquant qu'il y a deux catégories de députés : «ceux qui sont très durs et la majorité qui veut mettre un terme à tout cela.» Et de préciser qu'il ne retiendrait pas les plus remontés, car «soit on est dans l'UMP, soit on la quitte», a-t-il martelé. La guerre des positions est donc supposée perdurer entre fillonistes et copénistes. Les premiers revendiquent la réorganisation d'un référendum dans un mois au maximum. Main cachée de Sarko Cette condition sine qua non pour enterrer les haches de la guerre partisane et sauver l'unité de la famille UMP s'est vu recevoir un catégorique non-lieu de la part de Copé qui demande, quant à lui, la dissolution pure et simple du groupe parlementaire créé par son adversaire Fillon. Après l'échec de la médiation d'Alain Juppé, les regards sont retournés vers l'ex-président de la République et fondateur de l'UMP, fille légitime du RPR de Jacques Chirac, pour sauver ce mouvement républicain d'un éclatement qui devient du jour en jour imminent. Des observateurs neutres ou engagés dans cette guerre, survenue à la grande surprise de pas mal de connaisseurs de ce mouvement, notent que ce sauveur de l'ultime chance préfère rester en marge de la vie politique, pour mieux se poser en recours dans la perspective de la présidentielle 2017. Mais le déchirement de son parti ne lui a pas laissé le choix de ne pas y intervenir, alors il est déjà allé au charbon, en prenant contact avec les deux adversaires. D'autres voient la «main cachée de Sarkozy» dans cet étripage, relevant la satisfaction de l'ancien président de voir les candidats adversaires «arriver à égalité, et le vainqueur flanqué d'une légitimité réduite pour présider le parti.» Selon les connaisseurs fins de la dialectique intérieure et les détenteurs derrière le rideau des ficelles de la hiérarchie partisane de l'UMP, l'ex-président «n'a cessé de manœuvrer par l'intermédiaire de sa garde rapprochée (Jean Hortefeux, Guaino, Buisson), pour faire monter Copé qui lui paraissait le moins bien placé.» Deuxième raison de réjouissance de Sarkozy, selon la même source : l'ancien Pemier ministre Fillon, favori des sondages, est d'ores et déjà hors jeu pour la présidentielle 2017. Bref qu'une main cachée ou visible soit dans cet étripage Copé-Fillon, le jeu de «diviser pour régner» ne garantirait pas la victoire à l'ancien président au cas où il envisagerait de revenir dans les couloirs de course à la présidentielle 2017, avec l'inscription «témoin assisté» collée récemment par le juge d'instruction Gentil à Bordeaux, dans l'affaire de la milliardaire de la firme l'Oréal, Bettencourt. Les jours à venir sont porteurs de péripéties dans la reconfiguration des structures des partis de droite, et dont le grand gagnant de l'émiettement en perspective de l'UMP est le Front national qui a déjà ouvert ses guichets pour recevoir les demandes d'adhésion des déserteurs de la guerre des chefs à l'UMP.