La «guerre des chefs» a bel et bien commencé à l'UMP: François Fillon a confirmé jeudi ses ambitions pour la présidence du principal parti de droite français et prévenu son rival Jean-François Copé que la place ne lui revenait pas de droit. Un autre poids lourd du mouvement, l'ancien Premier ministre Alain Juppé, a tenté de jouer les juges de paix en appelant à l'unité au moment ou l'UMP est engagée dans une campagne délicate pour les élections législatives des 10 et 17 juin. Le scénario d'une paix armée entre les ténors de l'UMP jusqu'aux législatives a volé en éclats sur l'initiative de François Fillon, qui a déclaré dans une interview au Figaro Magazine que l'UMP n'avait plus de leader naturel depuis le retrait de la politique du président sortant Nicolas Sarkozy. Ce dernier avait pourtant exhorté son parti à rester uni après sa défaite électorale mais il n'a pas été entendu. François Fillon, dont la rivalité avec Jean-François Copé, actuel secrétaire général de l'UMP, est notoire, a précisé jeudi ses intentions et adressé une nouvelle pique à son ennemi intime en l'accusant d'hypocrisie. «Jean-François Copé est secrétaire général de l'UMP, il fait parfaitement son travail mais il ne peut pas prétendre être le leader de cette formation politique sans qu'il y ait eu un débat démocratique, sans que les militants se soient prononcés», a dit sur RTL celui qui a servi pendant cinq ans Nicolas Sarkozy. «Quelle hypocrisie!», s'est exclamé François Fillon comme on lui faisait remarquer que Jean-François Copé appelait l'UMP à se concentrer sur les législatives. Les deux hommes devraient se disputer en octobre, lors d'un congrès qui désignera les instances dirigeantes, la direction d'un parti fondé en 2002 pour fédérer les différentes familles de la droite parlementaire. Leur affrontement direct fait mauvais effet a un moment où le parti est confronté au risque de retourner dans l'opposition après 10 ans au pouvoir et doit contrer la menace du Front national, qui devrait maintenir des candidats au second tour des législatives dans de nombreuses circonscriptions. Juppé à la rescousse L'actuel patron de l'UMP a tenté jeudi d'apaiser les débats et de se définir comme le rassembleur d'une formation tiraillée en outre par la droitisation opérée par Nicolas Sarkozy lors de la dernière ligne droite de la campagne présidentielle. «Chacun ses mots», a dit Jean-François Copé sur Europe 1. «Moi, les miens (...) sont tous des mots positifs et de rassemblement depuis la première minute où nous avons engagé la campagne législative». Jean-François Copé a rappelé avoir proposé à l'UMP d'opter pendant la campagne des législatives pour une direction collégiale associant tous les cadres de la formation, dont lui-même et François Fillon mais aussi Alain Juppé ou Jean-Pierre Raffarin, le vice-président du parti. Même souci de dédramatisation chez Alain Juppé, qui a au passage qualifié de «paroles malencontreuses» les propos de François Fillon sur l'absence de leader naturel. «Nous sommes engagés dans une bataille législative qui peut nous conduire à la victoire et la condition de cette victoire, c'est bien sûr d'être rassemblés», a dit jeudi le maire de Bordeaux à des journalistes dans sa ville. «Je ne sais pas ce qu'est un leader naturel», a-t-il ajouté. «Il y a des instances, une direction collégiale, qui aujourd'hui anime l'UMP pendant cette campagne et qui le fait bien». Une compétition féroce est cependant bien engagée pour prendre la tête du parti et François Fillon a clairement affiché ses ambitions. Fillon «déloyal», «désagréable», «ingrat» et «mal élevé» Si François Fillon a pour lui sa relative popularité et sa légitimité parlementaire, Jean-François Copé sait pouvoir compter sur des alliés fidèles, et notamment sur Rachida Dati. La maire du VIIe arrondissement Rachida Dati a jugé jeudi «déloyal», «désagréable», «ingrat» et «mal élevé» de la part de François Fillon d'assurer qu'il n'y avait pas de leader naturel à l'UMP, alors que Jean-François Copé, secrétaire général de ce parti, «fait le boulot». Sur BFMTV-RMC, l'ex-garde des Sceaux était interrogée sur les déclarations de François Fillon un peu plus tôt, pointant «une évidence» dans le fait de dire que le départ de Nicolas Sarkozy a laissé un vide à l'UMP. «C'est très désagréable et très déloyal vis-à-vis de Jean-François Copé», a lancé celle qui a finalement renoncé à se présenter aux législatives à Paris contre l'ex-chef de gouvernement, qu'elle a critiqué ces derniers mois. Jean-François Copé «est le chef de l'UMP» et «on ne peut pas lui dénier le succès de la mobilisation militante et sympathisante», a-t-elle fait valoir. «Pour la campagne des législatives, il est totalement engagé», «pour l'instant, c'est lui qui fait le boulot», a poursuivi l'eurodéputée. Rachida Dati a jugé encore que François Fillon était «un petit peu ingrat vis-à-vis de Nicolas Sarkozy» qui «l'a fait ce qu'il est aujourd'hui, François Fillon». «Il l'a enterré un petit peu trop vite, quoi. Je ne trouve pas ça très chic. On dit à nos enfants : faut être bien élevé, bien éduqué. C'est mal élevé vis-à-vis de Nicolas Sarkozy. Il n'est pas mort non ?», a encore lancé l'ancienne garde des Sceaux.