Après douze années de sa mise en œuvre, l'Accord d'association entre le Maroc et l'Union européenne (UE) a livré l'un de ses projets les plus importants, à savoir l'instauration d'une zone de libre-échange (ZLE). Le fait n'est pas anodin, car il s'agit d'ouvrir le marché marocain aux 27 pays de l'UE et, réciproquement, permettre aux entreprises exportatrices marocaines d'accéder à un marché de 500 millions de consommateurs. Dès lors, l'impact et les enjeux de cette ZLE sont importants. Anticipant cet événement, le Maroc a lancé durant sa phase préparatoire plusieurs réformes et chantiers, l'objectif étant non seulement de développer les capacités exportatrices des entreprises nationales, mais aussi de mettre en place des garde-fous, à même d'amortir les chocs éventuels de l'ouverture. Il en est ainsi, à titre d'exemple, de la mise en place de l'Assurance maladie obligatoire (AMO), de la refonte du Code du travail, ou encore de l'adoption de la loi sur la défense commerciale. Parallèlement, un effort de réaménagement institutionnel a été mené. Ainsi en est-il de la création récente de l'Observatoire du commerce extérieur. Les autorités publiques ont ainsi accompagné l'instauration de la ZLE d'une panoplie de mesures sociales, et ce, dans une perspective intégrée, où les champs, économique, social et politique vont de pair. La nouvelle ZLE s'insère toutefois dans le cadre d'une vision géopolitique : la fondation d'un espace de paix et de prospérité, partagé entre l'UE et les pays du sud de la Méditerranée. C'était en effet l'un des objectifs du processus de Barcelone lancé en novembre 1995. C'est à cette date que l'Accord d'association entre le Maroc et l'UE a été conclu, puis signé en 1996, pour n'entrer en vigueur que le 1er mars 2000. C'est également à cette date que le roi Mohammed VI avait fait son plaidoyer, au cours d'une visite d'Etat en France, pour obtenir de l'UE, un statut plus poussé que l'association, mais moins que l'adhésion. Huit ans plus tard, le « statut avancé » a été accordé au Maroc par l'UE, en reconnaissance, d'une part, des avancées sociales et politiques réalisées par le Maroc au cours de la dernière décennie, et d'autre part, parce que tout simplement le Maroc se révèle être un partenaire économique de choix, dans la mesure où le royaume a adapté son corpus juridique aux impératifs dictés par l'économie de marché, et que la stabilité économique le caractérisant n'est que la continuation d'une stabilité politique séculaire. A partir donc du 1er mars 2012, les entreprises marocaines peuvent accéder, sur un pied d'égalité, en franchise de droits, au marché communautaire. Cette franchise de droits ne court toutefois que pour les produits industriels. Quant aux produits agricoles, ils ont fait l'objet d'un accord spécifique entériné par le Parlement européen en février 2012. Cet accord a toutefois augmenté sensiblement les quotas impartis aux exportateurs marocains. Pour ce qui est des services, des négociations vont être lancées prochainement entre les deux parties. Est également envisageable, la conclusion d'un accord sur le droit d'établissement. La ZLE ainsi mise en place ne sera qu'une étape avant d'aboutir à un Accord de libre-échange global et approfondi (ALEGA). Et cet accord n'est lui-même qu'une phase intermédiaire devant conduire, à long terme, à la mise en place d'un Espace économique commun (EEC). Au fond, l'idée est de permettre aux entreprises marocaines d'adhérer au marché intérieur européen. L'enjeu est donc de taille. Pour ce faire, les entreprises exportatrices marocaines doivent répondre à des normes techniques, sanitaires et phytosanitaires draconiennes avant d'espérer bénéficier des quatre libertés fondant le marché intérieur de l'UE : libre-circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes. Parmi les réalisations s'inscrivant dans ce sens, notons la création en 2009 de l'office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires. La ZLE établie entre le Maroc et l'UE, tout en amenant de nouveaux défis aux secteurs productifs marocains, offrira d'énormes opportunités aux entreprises d'exportation, notamment dans le domaine du textile, celui de l'agriculture, de l'agroalimentaire ou de l'agro-industrie. En ce sens, elle conforte certains plans sectoriels comme le Plan Emergence, le Plan Maroc Vert, ou encore le Plan Maroc Export Plus. Toutefois, des restrictions ou des limitations continueront de frapper certains produits importés, comme par exemple les voitures d'occasion. De même, les produits importés de l'UE resteront assujettis à la TVA (environ 20%) et à la taxe parafiscale à l'importation. Une nouvelle étape s'ouvre donc dans les relations commerciales entre le Maroc et l'UE. Afin de tirer profit des nouvelles opportunités nées de la nouvelle ZLE, les entreprises exportatrices du royaume devront améliorer sensiblement leur compétitivité. A l'heure actuelle, les autorités marocaines encouragent les entreprises d'exportation à se regrouper dans le cadre de consortiums d'exportation. En outre, les entreprises marocaines gagneront à agir de concert avec des opérateurs relevant de la zone de libre-échange envisagée dans le cadre de l'Accord d'Agadir. En effet, cet accord admet le cumul diagonal de l'origine dans l'optique des échanges euro-méditerranéens, ce qui est de nature à renforcer l'intégration sud-sud. En somme, l'entrée en vigueur de la ZLE euro-marocaine fait partie d'une stratégie globale de diversification des partenaires commerciaux du Maroc. Elle conforte par ailleurs les multiples stratégies de développement sectoriel mises en route, et ouvre le marché économique à une multitude d'acteurs nouveaux, transcendant le principe de libre concurrence au niveau national, pour l'étendre à la zone maroco-européenne. *Professeur à la faculté de droit de Rabat-Agdal Conseiller auprès du Centre d'Etudes Internationales