Maroc-USA : zone de libre-échange Est-il judicieux pour le Maroc de ne privilégier dans ses relations commerciales que la seule Union européenne, avec laquelle il effectue plus de 70 % de ses échanges ? Les concertations entamées entre le Maroc et les Etats-Unis d'Amérique pour examiner l'opportunité de l'établissement d'une zone de libre-échange (ZLE), si elles aboutissaient, permettraient au Royaume de diversifier ses partenaires. Le Centre marocain de conjoncture (CMC), dans son analyse, apporte une foule de raisons de concrétiser ce projet. C'est quoi, au juste, le libre-échange ? C'est un modèle qui envisage un monde de concurrence, de plein emploi et d'équilibres monétaires. Il n'exclut pas la possibilité de pratiques restrictives, mais les considère comme des anomalies génératrices de pertes économiques. En théorie pure, l'idée de base est l'existence d'avantages comparatifs. Tout pays en dispose pour certains biens et peut tirer un gain de l'échange de ces biens contre d'autres offerts par des pays tiers. Là s'arrête la théorie. Qu'en est-il pour le Maroc concernant l'opportunité d'une ZLE avec les Etats-Unis d'Amérique ? “Le Maroc ne jouit plus d'un accès préférentiel au marché européen. Le poids de l'Europe est trop prégnant. Les exportations agricoles, pour lesquelles le Maroc a un avantage comparatif, sont sujettes à des restrictions. Par ailleurs, l'Europe élargit son approche libre-échangiste au-delà de la zone méditerranéenne et établit des accords de coopération avec d'autres partenaires, tels le Mexique et l'Afrique du Sud”, analyse le CMC, dans sa lettre du numéro 119. En effet, compte tenu du prochain élargissement de l'UE, le Maroc a toutes les raisons de cibler d'autres marchés pour ne plus compter seulement sur ce seul débouché. Pour limiter les effets que peut engendrer cette quasi-dépendance, une zone de libre-échange avec le deuxième plus grand marché mondial (USA) ne pourrait être que bénéfique pour l'économie nationale. Pour les analystes du CMC, le Maroc cherche avant tout à drainer l'investissement étranger pour contribuer au financement de sa croissance. Les Etats-Unis sont au deuxième rang, après la France, des émetteurs d'investissements à destination du territoire national. Toutes ces raisons montrent combien est utile pour le Maroc l'instauration d'une ZLE avec la première puissance mondiale. Un client de première importance Dans le cadre des échanges entre les deux pays, il faut souligner que les Etats-Unis ne sont pas un client de première importance pour le Royaume. En effet, le marché d'outre-Atlantique n'absorbe que 3,4 % des exportations nationales. Dans le total des importations alimentant la demande nationale, 6,5 % seulement proviennent des Etats-Unis, ce qui représente un pourcentage insignifiant des exportations globales de l'Oncle Sam : à peine 0,08%. La part la plus importante revient aux céréales, aux oléagineux, au tabac, aux machines et pièces de rechange, au matériel informatique, aux véhicules et aux avions. De l'autre côté, les importations américaines en provenance du Maroc représentent une tout aussi petite proportion des importations totales américaines (0,04 %). Les produits les plus vendus sont principalement l'agar-agar, les produits de la mer, le phosphate brut et transformé, les vêtements pour femmes, les semi-conducteurs et les circuits électriques intégrés. En dépit de la modestie des échanges actuels, c'est dans les secteurs de l'agriculture et des services, qu'une zone de libre-échange avec les USA aurait une portée plus étendue, comme le souligne la lettre du CMC. Pour ses analystes, le projet de ZLE serait une entreprise plus audacieuse que l'accord avec l'UE. Sa finalité serait en effet d'élargir les relations économiques entre les deux pays dans le respect des règles de transparence commerciale. De telles règles sont loin d'être respectées entre le Maroc et l'UE, quand on se réfère à l'épineux dossier agricole et à celui de la pêche.