Ségolène Royal -Nicolas SarkozyPour Nicolas Sarkozy, en position inconfortable de favori, le débat avec Ségolène Royal peut être l'occasion de confirmer son entêtante avance dans les sondages. S'il fallait une preuve supplémentaire de l'intérêt planétaire suscité par ces présidentielles françaises, la multidiffusion inédite sur de nombreux bouquets de télévisions à travers le monde du débat Sarkozy-Royal en est une, vivante et indéniable. Ségolène Royal croise le fer avec Nicolas Sarkozy sur un plateau de télévision, dans le seul moment crucial de l'entre deux tours, celui qui vient synthétiser devant les Français encore hésitants, ou prompts à changer d'avis, la quintessence de cette campagne électorale. Ultime combat donc de la belle et la bête. Affrontement sans merci entre la belle Ségolène qui a su au fil d'un long chemin de sélection et d'élimination imposer, aux siens d'abord et la France entière ensuite, l'extraordinaire nouveauté de sa démarche et de sa posture de Première dame socialiste briguant, avec une audace non dénuée d'une certaine candeur, la magistrature suprême. Et la bête de scène, de communication et de show politique qu'est devenu Nicolas Sarkozy qui, au fil d'un parcours sinueux fait de coïncidences favorables, s'est imposé comme l'incontestable champion de la droite pour cette course présidentielle. Pour l'une comme pour l'autre, les enjeux sont énormes pour l'issue décisive. Il s'agit pour Ségolène Royal, en position de challenger, de confirmer ses prétentions à devenir la présidente de tous les Français, elle, dont les farouches et machiavéliques adversaires se sont échinés à mettre en valeur les vertus de la féminité pour mieux pointer ses incompétences structurelles et lui dénier des capacités propres à briguer l'Elysée. Une candidature de communication, un coup de pub de l'appareil socialiste en panne d'idées originales, une bulle artificielle sans contenu sérieux… telles étaient les allusions qui émaillaient l'argumentaire-réquisitoire contre Ségolène Royal au fil de son ascension et qui plombe son envolée dans les sondages. Et comme pour se donner du courage avant de rentrer sur le ring, la candidate socialiste affirme : «J'ai mon expérience politique de longue date. Je suis au contact des problèmes qu'il y a à régler en France. J'ai été la première à comprendre la profondeur de la crise démocratique. J'ai mené pendant de longs mois une campagne participative. Je sais quelles sont les inquiétudes des Français, quels sont leurs espoirs». Bref, elle dit ne pas être «inquiète en quoi que ce soit» et être «prête par définition». Pour Nicolas Sarkozy, en position inconfortable de favori, ce débat peut être l'occasion de confirmer son entêtante avance dans les sondages. Avec son bagout naturel, sa parfaite maîtrise du phrasé politique, sa virtuose connaissance de l'outil de télévision peuvent l'aider à faire la différence. Mais, une fois accusé par ses adversaires d'être «l'homme du passif et du passé» avec tout l'argumentaire de la culpabilisation et de la responsabilité, Nicolas Sarkozy subira la difficile épreuve de devoir se démarquer du bilan des années Chirac après avoir été une pièce maîtresse de son dispositif gouvernemental. Voilà en tout cas comment il se définit à la veille de ce débat crucial : «j'ai voulu être le candidat d'une droite républicaine enfin décomplexée de ne pas être la gauche, d'une droite sûre de ses valeurs: le travail, l'autorité, la primauté de la victime sur les délinquants, l'effort, le mérite, le rejet de l'assistanat, de l'égalitarisme et du nivellement par le bas. Cela fait-il de moi un homme de la droite dure?» Mais l'écurie présidentielle de Sarkozy est hantée par une autre obsession, celle de voir son champion céder à la moindre provocation, sortir de ses gonds, perdre les nerfs, redevenir devant des millions de téléspectateurs, le Sarkozy craint, irresponsable, autoritaire, cassant, menaçant, bref le Sarkozy qui fait peur à la gauche sans rassurer la droite. Instant décisif de cette campagne, révélateur de caractères, ce débat comme tous ceux qui l'ont précédé, ne manquera pas d'étincelles. Le combat se livre entre deux projets de société contradictoires, deux tempéraments marqués par une inextinguible ambition, travaillée en profondeur par la hargne de gagner et la rage de faire perdre l'adversaire. Un cocktail qui promet un feu d'artifice d'une grande intensité.