En déclarant que son parti ne se rapproche pas du PJD et en couvrant d'éloges le RNI, Mohamed Cheikh Biadillah tente de cacher le soleil avec un tamis. Il s'agit plutôt d'une opération destinée à «construire sa légitimité» à la tête d'une formation, qui comme d'autres partis politiques marocains, souffre d'instabilité. Mohamed Cheikh Biadillah a bien marqué les esprits dans ses différentes sorties médiatiques, la semaine dernière. Rompant avec les pronostics d'un rapprochement entre le PAM, qu'il se prépare à diriger s'il est élu secrétaire général, et le PJD, il n'est pas allé par quatre chemins. «Le PAM veut éviter au Maroc le mal des Frères musulmans», a-t-il lâché. Et de souligner que «parler d'un rapprochement entre le PAM et le PJD est précoce». Pour entériner cette position, il n'a pas tari d'éloges sur le RNI et son président Aziz Akhannouch, rappelant l'«amitié» entre le Tracteur et la Colombe, et qualifiant le président du RNI de «nationaliste». Le PAM, le PJD et cette «crainte du futur» Les propos de l'ancien secrétaire général du PAM qui veut succéder à Hakim Benchamach contrastent toutefois avec les faits. Le rapprochement entre la Lampe et le Tracteur, à Marrakech et à Tanger, est un secret de polichinelle. «Le discours de l'acteur politique ne peut être la base des scénarios futurs. Une partie de ces scénarios se base sur l'élément de la surprise et le contexte», nous rappelle le politologue et professeur universitaire Omar Cherkaoui. «Il est donc difficile qu'un parti politique prédit d'ores et déjà ses alliances, car nous ne sommes pas dans un pays comme la France ou la Grande-Bretagne où les pactes sont décidés bien en amont», explique-t-il. «Aujourd'hui, nous avons des discours électoraux d'échauffements. Cela inclut le discours de Mohamed Biadillah qui tente de construire sa légitimité pour arriver à la tête du PAM en rappelant le référentiel historique de son parti ; celle de bloquer les islamistes, même si la réalité dit le contraire. En effet, il y a des alliances locales entre les deux formations politiques.» Omar Cherkaoui Pour le politologue, «Biadillah n'a pas d'autres choix, car il ne peut pas, non plus, adopter un discours ferme». «Il est connu pour être l'homme des équilibres politiques et quelqu'un qui peut s'allier à n'importe quelles forces politiques de l'échiquier», abonde-t-il. «Aujourd'hui, il y a deux craintes : Une chez le PAM et l'autre chez le PJD», analyse-t-il. Et d'expliquer que la Lampe joue la carte du Tracteur pour «sortir de l'actuel ou futur isolement» et «rappeler que dans le cadre de révisions politiques, le PJD peut tendre la main au PAM». Quant au PAM, «il craint la dissolution et n'avoir plus aucun rôle sur l'échiquier politique marocain, jouant ainsi la carte du PJD pour retrouver son reflet irisé qu'il a perdu à cause de l'absence d'Ilyas El Omari», précise Omar Cherkaoui. La situation des autres partis politiques n'est pas meilleure Une idée qu'il partage avec Abdessamad Belkebir. «Celui qui unissait le PAM et faisait l'unanimité en son sein était la personne d'Ilyas El Omari. Le parti lui était taillé sur mesure», rappelle le politologue, universitaire et ancien député de la Rose. «L'avenir du PAM dépend désormais de plusieurs facteurs», ajoute-t-il. Tout d'abord le politologue Mohamed Zinedine estime qu'il faut «attendre le prochain congrès du PAM pour connaître le courant qui assurera la présidence du Tracteur». Pour lui «parler de l'alliance avec le PJD est, effectivement, précoce». Et d'ajouter que «l'autre facteur réside dans la faiblesse marquant la plupart des formations politiques, que ce soit dans l'opposition ou la majorité». «Ces partis ont toujours besoin de compter sur un autre», explique-t-il. Abdessamad Belkebir et Mohamed Zinedine reviennent ainsi sur l'état des lieux de l'échiquier politique marocain. «Rien n'est stable pour le moment. Nous n'avons pas de vision sur l'USFP, l'Istiqlal semble être prêt mais le RNI a démontré que son président n'est pas en mesure de mener à bien sa mission. La situation au sein du PJD n'est pas, non plus, stable», nous déclare le premier. «Le PJD est affaibli par les sept ans passés au pouvoir, il tente donc de trouver de nouveaux alliés, surtout vu l'échec de son alliance avec le RNI et l'USFP», complète le deuxième. Encore faut-il rappeler qu'au Maroc, «les vraies alliances sont toujours post-électorales et c'est donc en fonction des résultats et non de l'idéologie ou le programme que les partis marocains décident de leurs alliances», ajoute Mohamed Zinedine. Pour l'instant, «ces discours n'ont pas d'impacts sur la décision et sont destinés à la consommation politique», fait savoir Omar Cherkaoui pour qui «l'acteur politique sait qu'il n'est pas capable, à lui seul, de dessiner la prochaine scène politique». «Il joue ainsi ses cartes, dans la mesure du possible, mais un cadre limité», conclut-il.