Alors que sa décision de quitter le navire gouvernemental et rejoindre le Parti de l'Istiqlal et le PAM dans l'opposition attend le feu vert de sa commission centrale, la décision du PPS aura des répercussions sur l'avenir de l'ex-parti communiste. Omar Cherkaoui, Abdessamad Belkebir et Abderrahim Alam analysent pour Yabiladi l'impact d'une décision prise à la veille de l'annonce du nouveau cabinet de Saâdeddine El Othmani et les options dont dispose le parti du Livre. Après plus de vingt et un ans de présence dans les gouvernements qui se sont succédé depuis l'Alternance au Maroc, le Parti du progrès et du socialisme (PPS) a annoncé hier qu'il claque la porte de la coalition. Un basculement dans les rangs de l'opposition, en attente du feu vert de Commission centrale du parti du Livre, qui intervient alors que Saâdeddine El Othmani s'apprête à annoncer la composition de son nouveau cabinet. Pour Omar Cherkaoui, politologue et professeur universitaire des sciences politiques et du droit constitutionnel à l'Université Mohammed V de Rabat, cette décision du PPS reste «liée au processus de la formation du nouveau gouvernement». «Le parti tente ainsi une couverture pour faire passer cela en tant que décision politique. Mais, dans le fonds, il est clair qu'il s'agit d'une sorte de colère suite au partage des portefeuilles ministériels, le fait de l'avoir été privé de certains ministères, comme celui de la Santé, ou le fait d'avoir hérité un département moins important», nous explique-t-il. Le politologue et professeur universitaire dit aussi penser que cette décision sera «difficile à être approuvée par la commission centrale du parti qui doit se réunir cette semaine. «Même si elle a fait l'objet de l'unanimité au sein du bureau politique, il y a des militants qui ne sont pas d'accord avec Mohamed Nabil Benabdallah et sa décision de se retirer de la coalition, surtout les élus, les ex et les actuels ministres et certains notables qui penseront qu'un départ du gouvernement peut affecter leurs intérêts», ajoute le professeur universitaire des sciences politiques et du droit constitutionnel. «Je pense que le PPS a compris qu'il a payé cher sa participation aux gouvernements depuis 1998. Sa taille politique s'est aussi réduite au fil du temps. Mais il est difficile pour cette formation politique de faire de l'opposition. Le parti va-t-il s'opposer à un programme gouvernemental auquel il a lui-même contribué?» Omar Cherkaoui Et de considérer qu'«il sera difficile pour le parti de s'adapter avec le discours de l'opposition après 20 ans de gestion gouvernementale». Tenter l'opposition après avoir été affaibli par l'expérience gouvernementale ? De son côté, le politologue et professeur universitaire Abdessamad Belkebir reconnait que le Livre «va perdre des choses mais en gagnera d'autres». «Je pense qu'il se souviendra de l'expérience de l'opposition, ce qui lui permettra se reproduire ainsi dans des termes non gouvernementaux», analyse-t-il. «La question ne réside pas ici, car l'entrée ou la sortie du parti du gouvernement fait partie d'une stratégie plus grande que lui», ajoute-t-il. Son camarade à l'Université Cadi Ayyad de Marrakech et professeur de Sciences politiques, Abderrahim Alam rappelle que sur le plan politique, le PPS a «montré une capacité remarquable à endurer certains défis, tel que le limogeage de ses ministres du gouvernement». «Cela était attendue, car il n'a pas grand-chose à perdre. La formation politique gère des secteurs sociaux qui ne servent pas la popularité du parti est faible; le secteur de la Santé étant souffrant de problèmes tout comme celui de l'Urbanisme. Aujourd'hui, il estime que s'il quitte le gouvernement dans une atmosphère de colère apparente et concrète et s'il retourne à l'opposition, cela pourrait renforcer son image populaire.» Abderrahim Alam Le professeur de Sciences politiques à l'Université Cadi Ayyad de Marrakech rappelle que «le parti du Livre a misé sur la participation au gouvernement mais cela l'a affaibli. C'est pour lui le moment opportun pour essayer l'option de l'opposition». Vers une reconstruction de la gauche marocaine ? Avec le PPS dans l'opposition, l'USFP restera la seule formation politique de gauche au gouvernement et rapprochera davantage le Livre des autres formations de gauche. D'ailleurs, pour Abdessamad Belkebir, «c'est depuis un bail maintenant qu'on tente de pousser le PPS vers la porte gouvernementale, dans le cadre d'un nouveau scénario pour unir la gauche marocaine». Notre interlocuteur évoque ainsi l'objectif de «constituer ainsi une colonne vertébrale d'une nouvelle unité nationale, semblable à celle de la Koutla démocratique pour arriver aux prochaines élections avec la possibilité d'une alliance entre les libéraux et la gauche et non les islamistes». «L'Etat travaille maintenant sur la formation d'une nouvelle carte politique, car l'opération politique au Maroc est tellement complexe qu'il ne faut pas analyser que les apparences. L'Etat pense à son présent et à son avenir et utilise tous ses éléments, y compris les partis et les syndicats, pour le servir.» Abdessamad Belkebir Pour sa part, Abderrahim Alam considère toutefois qu'une alliance avec la FGD «n'est pas une option». «Le PPS souhaite participer encore au jeu politique dans les limites des concessions. Une alliance avec la FGD l'obligera peut-être à changer ses positions et en adopter des positions nouvelles», explique-t-il. Mais il n'exclut pas «une alliance de principe, tacite et non formelle» entre ces deux formations politiques, d'autant plus que le PPS pourra même «gratté des électeurs qui votaient autrefois pour le PSU».