Les actualités politiques du Parti de l'authenticité et de la modernité prédisent que le PAM passe lui aussi, à l'instar de plusieurs formations politiques marocaines, par une crise interne. Des querelles intestines sous forme d'accusations, de démentis et de guerres de communiqués. Décryptages d'Omar Cherkaoui, Mohamed Zineddine et Abdessamad Belkebir. Le Parti de l'authenticité et de la modernité (PAM), deuxième formation politique en termes de nombre de sièges au sein de la deuxième chambre du Parlement, est-il secoué par une crise interne après le départ d'Ilyas El Omari ? Cette semaine, Hakim Benchemmas et Hassan Benaddi ont affirmé dans des déclarations publiques que la situation interne du Tracteur a été fortement impactée par un bras de fer entre différents courants, à la veille de la prochaine session ordinaire du Conseil national du PAM prévue le 21 octobre à Skhirat. Lundi, le PAMiste et président de la Chambre des conseillers, Hakim Benchemmas a choisi Hespress pour répondre à ses détracteurs, qui l'accusent d'avoir «acquis une villa à travers un enrichissement illégal». Quelques jours auparavant, plusieurs médias reprenaient en chœur cette accusation formulée par des sources au sein du PAM. Le jour même, l'ancien secrétaire général du PAM et actuel patron de son académie, Hassan Benaddi a quant à lui démenti les informations selon lesquelles il serait la source de certains médias qui accusent des leaders du Tracteur de corruption. Omar Cherkaoui : «Toutes les armes deviennent permises» Contacté par Yabiladi ce mercredi, le politologue et professeur universitaire Omar Cherkaoui estime que «lorsqu'un parti est dans une situation anormale, toutes les armes deviennent permises». «On ne peut pas émettre des conclusions sans savoir qui a orchestré ces actualités. A un certain stade de la crise, il est difficile d'émettre une analyse correcte», reconnaît-il. «Il n'y a pas de partis sans problèmes internes. Mais il n'y a pas d'affrontements, d'échanges d'accusation, de rumeurs ou de manipulation. A l'ère des crises et des courses pour le pouvoir au sein d'un parti politique, il est tout à fait normal de faire appel à des armes permises ou non dans l'échiquier politique. Parmi les armes les plus puissantes, l'accusation de s'enrichir sur le dos de la politique ou de manquer d'éthique. Ce sont des sujets qui peuvent anéantir un rival.» Pour Omar Cherkaoui, «tant que le PAM vivra cette confusion et cette absence de visibilité pour son avenir, sa gestion connaîtra des problèmes, des crises ainsi qu'un ensemble de phénomènes anormaux. C'est tout à fait normal et prévisible». Il nous explique aussi qu'il est «normal que lorsqu'un parti politique vit cette situation et fait face à des problèmes internes de ce genre, cela affecte l'exercice politique au Maroc». «C'est un parti qui mène l'opposition, cela entraînera donc la fin de ce qui reste de la mission de l'opposition sous la coupole. N'importe quel régime politique ne pourra pas vivre sans opposition.» Il nous rappelle aussi l'expérience de l'USFP avec notamment le bras de fer entre le courant de feu Ahmed Zaidi et celui de Driss Lachgar. «Le groupe parlementaire du parti s'est complètement effondré et ne remplissait plus ses missions», déclare-t-il, avant d'affirmer que cela ressemble aussi à «ce qui se passe au sein du Parti de l'Istiqlal, qui n'arrive pas à se positionner dans l'échiquier politique marocain». Mohamed Zineddine : «L'Etat restructure certains partis politiques» De son côté, Mohamed Zineddine, professeur de droit constitutionnel et de sciences politiques à l'université Hassan II de Casablanca, fait d'abord savoir que «la démission d'El Omari est un fait politique de premier rang, vu les conditions ayant marqué ce retrait, surtout le discours royal de la fête du Trône». Pour lui, ce qui se passe aujourd'hui au sein du PAM est une «tentative de 'dé-sassemblement' du PAM en visant principalement le courant pro-El Omari». «On parle notamment de Hakim Benchemmas et d'autres leaders qui tournent autour de l'ancien patron du Tracteur. La question qui se pose, c'est de savoir si cela entraînera-t-il la destruction de ce courant seulement ou s'agit-il d'un premier pas vers la dissolution de toute la formation politique ?», s'interroge-t-il. Une question qu'il laisse sans réponse. Mais il fait savoir qu'un «autre courant» au sein du PAM est, lui, «épargné et à l'écart de ces bras de fer et ces manigances politiques». Le professeur universitaire estime ensuite que le PAM n'a eu «qu'un rôle timide et très limité face au PJD» et qu'il a aussi échoué dans sa mission de médiation, notamment avec le Hirak du Rif. «Donc la dissolution d'un courant au sein du PAM n'est pas un mythe surtout compte tenu des actualités de l'échiquier politique marocain. Cela ne concerne pas le Tracteur mais aussi le PJD et le Parti de l'Istiqlal. Même si les contextes, les conditions et les défis diffèrent, le seul but reste la restructuration de ces partis politiques pour servir les agendas de l'Etat. Et cette restructuration va de pair avec les grandes lignes du discours du Roi à l'occasion de la Fête du Trône.» Abdessamad Belkebir : «Une crise de l'administration» Pour sa part, l'universitaire, politologue et ancien parlementaire Abdessamad Belkebir apporte une troisième analyse. «La crise a débuté depuis le 7 octobre. C'est un parti qui sert des agendas, notamment de l'administration marocaine et plusieurs avaient foi en lui, comme c'était le cas pour le Front pour la défense des institutions constitutionnelles, le RNI, l'UC et le Mouvement populaire», rappelle-t-il. Toutefois, le PAM aurait «déçu les agendas qu'il sert» pour reprendre les mots du politologue. «Même après avoir présenté toutes les conditions nécessaires pour la réussite de ce projet, le PAM a échoué et c'est une première dans l'histoire politique du Maroc», poursuit-il. «Je crois que c'est une période d'autodétermination et le bras de fer actuel concerne justement ce changement encore flou. De plus, ce ne sont pas les gens qu'on cite qui sont à l'origine des problèmes. Ils ne sont que des outils dans les mains d'une force au sein de l'Etat ou à l'extérieur. Et avec d'autres forces, chacune tente de contrôler les autres. Cela est visible grâce notamment à la bataille des assiettes au congrès du parti de l'Istiqlal mais la crise n'est pas istiqlalo-istiqlalienne.» Pour Abdessamad Belkebir, la crise réside plutôt «au sein de l'administration et qui se répercute sur la Balance et le PAM». «Il y a des courants convaincus qu'ils doivent remonter les bretelles à la première et lui enlever son venin. Ce qui arrive donc à l'Istiqlal arrive aussi au PAM avec un changement dans les apparences», enchaîne-t-il. Et le politologue d'affirmer que «toutes ces crises des partis reflètent finalement la crise de l'administration et de l'Etat». «Au sein de l'Etat lui-même, il y a des contradictions, des courants et des affrontements, certains sont visibles et d'autres ne le sont pas. L'essentiel, c'est que le but reste le pouvoir», conclut-il.