Les partisans d'Abdelilah Benkirane, de Driss Lachgar et de Hamid Chabat sont à couteaux tirés au lendemain de l'annonce de la composition du nouveau gouvernement et à la veille de leurs congrès nationaux. Les raisons, les causes et les répercussions expliquées par Omar Cherkaoui, politologue et professeur à l'Université Mohammed V de Rabat. C'est au lendemain de l'annonce de la coalition gouvernementale et la composition du nouveau gouvernement, dirigé par Saâdeddine El Othmani que plusieurs crises internes ont éclatées au sein de certains partis politiques. D'abord, au sein du Parti de la justice et du développement (PJD) qui dirige l'actuel gouvernement, le mécontentement quant aux concessions présentées par le nouveau chef du gouvernement ont irrité les «frères» et «sœurs» au point que certains appelent à une manifestation contre El Othmani ce jeudi à Rabat. D'autres ont exigé la tenue d'une session extraordinaires pour éclaircir les raisons derrières la série de compromis. Le Parti de l'Istiqlal, qui ne fait pas partie de l'actuelle coalition mais dont la position au sein de la Chambre basse reste à déterminer, n'est pas non plus épargné. Le bras de fer entre les partisans de l'actuel secrétaire général et le courant anti-Chabat, mené par Hamdi Ould Rachid, Yasmina Baddou et Karim Ghallab, entre autres, a tellement évolué au point de se transformer en affrontements à Bab Al Azizia, appelation favorite du siège du parti à Rabat. Et depuis quelques jours, l'Union socialiste des forces populaires est secouée par une crise interne qui a éclaté suite à la nomination du nouveau gouvernement et la liste des ministrables du parti dirigé par Driss Lachgar. Une réunion «secrète» d'une dizaine de membres du bureau politique dimanche à Casablanca et la publication d'un communiqué destiné aux USFPistes et à l'opinion publique n'ont pas arrangé les choses. Bien au contraire, cette tentative n'a fait que souffler sur les braises et rappeler à certains que ceux qui critiquent la situation interne de la Rose sont des Pro-Lachgar ayant validé avec lui la liste des ministres présents au gouvernement El Othmani. Des crises dictées par les intérêts politiques et personnelles Le timing de ces frondes internes est-il normal à l'approche des congrès nationaux des trois formations politiques ? C'est la question que nous avons posée au politologue et professeur universitaire Omar Cherkaoui, qui n'y voit pas qu'une simple coïncidence. «Le timing est tout à fait normal pour qu'il y ait des frondes et des crises internes. C'est un timing politique révélateur puisqu'il est lié à deux événements : Les rebondissements de la formation du gouvernement et les préparatifs des congrès nationaux», nous déclare-t-il. Mais il ne s'agit que de crises «circonstancielles dictées par des événements politiques», loin de tout différend conceptuel ou idéologique. Plus prosaïquement, «cela concerne les acquis et les intérêts politiques et personnels», nous répond l'enseignant-chercheur. Autrement dit, la distribution du butin. «Par exemple, les réactions de certains membres au sein de l'USFP sont directement liées aux résultats des tractations. Il s'agit d'une colère pour faire pression sur la prochaine phase. C'est une tentative pour gagner des avantages surtout qu'il y a d'autres opportunités de redistribution des postes et des intérêts politiques et que presque 11 hautes institutions consultatives doivent renouveler leurs membres prochainement.» La deuxième remarque faite par notre interlocuteur est que «ces frondes n'ont pas de bases idéologiques et donc peuvent être surmontées». Toutefois, selon lui, cela peut différer d'un parti à l'autre. «Les répercussions dépendent de la force organisationnelle de chaque formation et si l'organisation du parti peut encaisser des chocs», nous explique-t-il. Le PJD et le PI pourront surmontert leurs crises contrairement à l'USFP L'enseignant-chercheur à l'Université Mohammed V de Rabat estime que le PJD dispose d'une organisation solide qui «peut supporter ces chocs sans incident majeur». Le Parti de l'Istiqlal et même s'il s'avère «qu'il y ait une dissidence assez visible qui mènera peut-être au renversement de Hamid Chabat», peut aussi survivre à son actuelle crise. «Je ne crois pas que cela entrainera une scission du parti. L'histoire de l'Istiqlal nous rappellera que les différends restent toujours dans la maison interne de cette formation politique.» Selon Omar Cherkaoui, le parti de la Balance «a donc aussi une capacité à surmonter la crise même si ce n'est pas le même niveau que le PJD, car il garde des ingrédients organisationnels pour cela», poursuit-il. Il estime qu'entre les Pro-Chabat et les anti-Chabat, un troisième courant «pourra être le grand gagnant». Quant au parti de la Rose, son histoire fait que la formation politique est habituée aux scissions. «Le courant de feu Ahmed Zaidi avait tenté auparavant de former un nouveau parti. L'USFP, elle, n'a pas cette capacité de supporter ce genre de crise qui aura probablement des répercussions lors du Congrès national.» Une dernière remarque formulée par l'enseignant-chercheur à propos des répercussions de ces crises sur la société. «Ces crises révèlent qu'on a un vrai problème s'agissant de la démocratie interne au sein de nos partis politiques et de sérieuses difficultés quant à la rotation et le renouvellement des élites», nous déclare-t-il. Pour lui, «toute crise en interne impactera le rendement des représentants de ces partis (USFP et le PJD, ndlr) au sein de l'Exécutif et les bases et ces crises sont généralement exportées de l'intérieur vers l'extérieur donc la société». Ces frondes auront aussi «un impact négatif sur l'image des partis, déjà bien amochée par la mauvaise gestion de la chose politique», conclut-il.