El Houari Ghoubari revient avec «Salat al-Kha'ib», prière poétique entre errance et lumière. Quinze poèmes où la langue guérit, juge et aime, vingt ans après L'eau m'a raconté. Un souffle intact. Suivez La Vie éco sur Telegram À une époque où les mots se tordent pour devenir image, hashtag ou «trend» liké à la va-vite, El Houari Ghoubari, poète marocain échoué à Liège, revient avec «Salat al-Kha'ib (Prière du déçu)» et semble murmurer : «La patience ? Pas une vertu, une urgence poétique». Vingt ans après «L'eau m'a raconté», son premier recueil, ce nouvel opus s'élève comme une prière chuchotée, traversée d'un vacarme intime. Une voix née des abysses de l'exil, où la langue n'est plus seulement un bagage, mais un sortilège, une lame, une toque masquant ce qu'on devine et ce qu'on tait. Ghoubari, cinéaste aux courts-métrages acclamés (L'affaire dans le Bonnet, Mémoire pour l'oubli), tricote une poésie saturée de scénographie. Les quinze poèmes de «Salat al-Kha'ib» ne se contentent pas de chanter : ce sont des plans-séquences, des jeux d'ombre et de lumière où se croisent désillusion et attente, migration et patrie toujours en sursis. Dans «Ruqya poétique», il ordonne de lire «au nom de l'horizon de lumière», comme si le verbe était une amulette contre la honte de ceux qui «ont raté l'examen du pays». Ghoubari ne regarde pas en spectateur : il accuse, bannit, puis serre dans ses bras. Le recueil balance entre une ironie qui pique et une fragilité à vif. La migration rôde, fantôme tenace, mais loin d'être une plainte larmoyante, elle se mue en matière brute, sculptée, interrogée. «Aux pas voilés / car je porte le secret de cette nuit», écrit-il, errant sur une route sans bordures, lesté d'une langue qui dévore et nourrit. Et l'amour, alors ? Une rue dans le cœur, quémandée par l'aimée ; lui répond qu'elle lui a donné «une raison crédible de vivre». Poète et cinéaste, Ghoubari tend des passerelles de mots, jonglant comme un mage ou marchant comme un exilé rêvant d'un éden au coin de la rue. Ne vous méprenez pas : «Salat al-Kha'ib» n'est pas une oraison funèbre au désespoir. C'est la prière de celui qui transforme la chute en premier vers. Quand les livres pleuvent comme des produits en série, lui a pris son temps, aiguisé son souffle, revenant avec une voix intacte, verdie par l'entre-deux – Maroc et Belgique, mémoire et ailleurs. Le Salon international de l'édition et du livre de Rabat (avril 2025) saluera ce recueil, hommage – en retard ou juste à point – à une diaspora marocaine qui écrit des poèmes qu'on ne lit pas, qu'on habite. Si la poésie guérit, Ghoubari la distille en gouttes exactes, assez pour secouer l'âme et l'esprit d'un seul élan.