Quel point commun entre les 10 plaies d'Egypte et les 10 plaies de Casablanca ? Si on écoute de nombreux Casablancais, la réponse est évidente : l'apocalypse. La ville ogresse n'a jamais laissé indifférente ses habitants, mais ces dernières années, beaucoup de voix appellent à un peu plus de douceur pour que Casa redevienne la Blanche. Cette série d'articles propose une plongée dans les méandres d'une cité partagée entre crimes et châtiments. Avec les nombreux effondrements survenus dans la médina de Casablanca, c'est tout un pan de l'histoire de la ville qui part lui aussi en fumée. Il faut dire que les lieux confèrent peu à la tranquillité tant ils ne répondent plus aux normes en vigueur, notamment au regard de la vétusté du réseau de l'eau et de l'assainissement, et le manque d'entretien des constructions. En août 2010, une convention avaient été signée entre partenaires publics et associations locales pour la réhabilitation de l'ancienne médina de Casablanca. 300 millions de dirhams avaient alors été alloués à la réalisation de cet ambitieux programme, qui comprend notamment une mise à niveau du réseau d'assainissement, la construction de centres culturels, sportifs et de santé, ainsi que le renforcement des infrastructures. Presque dix ans plus tard, l'ancienne médina est pourtant toujours brinquebalante. Petit lot de consolation : la réhabilitation réussie de la Maison de l'union dans l'ancienne médina, aujourd'hui somptueuse. Réhabilitation de la Maison de l'union dans l'ancienne médina de Casablanca. / Ph. Twitter Karim Rouissi «Globalement, la vétusté de la médina est liée à un défaut d'entretien des habitations. Les eaux pluviales et usées s'infiltrent partout…», note Ahmed Hamid Chitachni, coadministrateur de la page Facebook «Save Casablanca». Et d'ajouter : «A l'époque de sa construction, il n'y a pas eu de plan d'aménagement esthétique, d'où tous les problèmes de la médina : la circulation, la densité d'occupation, l'absence d'espaces verts, de grandes artères… La voiture n'étant pas du tout démocratisée à l'époque, les urbanistes n'ont pas anticiper les voiries, par exemple.» Gentrification Surtout, Ahmed Hamid Chitachni tient à souligner que l'ancienne médina n'a pas le monopole des habitats menaçant ruine. «Au vu des bas loyers de certains logements, ce n'est pas étonnant que les propriétaires n'entretiennent pas leurs biens.» La faute aux sous-locations et aux fameux pas-de-porte, croit-il savoir : «Ils ne sont généralement pas déclarés. C'est là tout le problème de ce genre d'occupations et de cessions illégales… Malgré les revalorisations que prévoit la loi, si vous augmentez un loyer de 500 dirhams de 10% tous les 3 ans, ça reste dérisoire.» Ahmed Hamid Chitachni préconise notamment de «revenir à un système de syndicat de propriétaires et donner la possibilité à ces derniers de se constituer en association à but non lucratif et d'intérêt public». Autre problématique : la délocalisation du centre-ville, qui s'est peu à peu déplacé vers le Maarif. «Le centre-ville se meurt ! Il faudrait trouver un juste milieu entre la gentrification et les rénovations nécessaires pour faire revenir les gens, faire tourner les commerces… Ce n'est que comme ça qu'on pourra dégager des loyers pour que les propriétaires puissent entretenir leurs logements.» Et que l'authenticité d'antan du centre-ville historique, médina comprise, renaisse de ses cendres.