En France, les hommes nés de parents immigrés du Maroc, d'Algérie ou de Tunisie sont exposés 1,7 fois plus à la surmortalité que les populations non-migrantes. Ce sont les résultats d'une étude inédite de l'Institut national d'études démographiques (INED), qui évoque notamment l'impact des disparités sociales sur la qualité de vie et la santé des personnes. Publiée ce jeudi, une étude de l'Institut national d'études démographiques (INED) montre que les citoyens issus de la migration nord-africaine (Maroc, Algérie et Tunisie) ont plus tendance à mourir avant l'âge de 65 ans, en comparaison avec les populations non-migrantes ou issues du sud de l'Europe (Italie, Espagne, Portugal). Pour examiner ce phénomène, les auteurs de cette étude expliquent avoir eu recours à un «échantillon représentatif au niveau national d'individus âgés de 18 à 64 ans en 1999, suivi de la mortalité via des enregistrements de décès couplés jusqu'en 2010». Les niveaux de mortalité des immigrés de deuxième génération ont ensuite été comparés à ceux de la première génération et à l'échantillon de référence, sur la base des ratios de risque de mortalité et de probabilités de décès entre 18 et 65 ans. Selon la même source, les ratios de risque tiennent compte également du niveau de scolarité. Les discriminations creusent le faussé En plus de l'absence de cette surmortalité chez la deuxième génération d'origine sud-européenne et chez les hommes de première génération d'origine nord-africaine, l'INED constate que ce taux reste important même lorsque le niveau d'instruction et la qualité de vie se rapproche de celui des non-immigrés. En chiffres, la probabilité de décès entre 18 et 65 ans s'élève à 162/1000 pour les hommes de la population de référence, tandis qu'elle est de 276/1000 pour les hommes nés en France de deux parents immigrés d'Algérie, du Maroc ou de Tunisie. Les résultats concernant les femmes ne relèvent pas de «différences statistiquement significatives», tandis que cette surmortalité significative s'estompe chez les hommes nés en France dont un seul parent a immigré d'Afrique du Nord. Malgré la rareté de telles recherches, les chercheurs notent que les générations d'immigrés sont les plus marquées par d'importantes inégalités en matière d'accès à la santé dans les pays de l'UE, avec des inconvénients apparents en termes de mortalité pour certains sous-groupes de la deuxième génération». Pour le cas de la France, il est cependant «peu probable que la différence d'accès aux soins de santé soit un élément important car les études n'ont montré aucune différence dans l'utilisation des soins» entre les groupes étudiés. Toujours est-il que les répercussions sont autres. Celles-ci s'illustrent notamment par un statut socioéconomique inférieur, des comportements préjudiciables à la santé ainsi qu'un stress chronique résultant d'une discrimination ressentie au quotidien, mais aussi l'alcool et le tabagisme, ce qui impacte considérablement la qualité de vie de cette génération et influe sur sa santé, à moyen comme à long terme. Sur la marché du travail, les disparités impactent également les hommes issus de la deuxième génération, à travers la «détérioration du fonctionnement psychosocial». Une étude sur un terrain vierge «Les résultats suggèrent que cette surmortalité ne s'explique pas simplement par les différences de niveau d'éducation, mais par un ensemble de désavantages, notamment sur le marché du travail et sur le niveau des revenus», affirme l'étude en évoquant «une dimension de santé publique». Cette étude fournit les premières estimations de la mortalité adulte chez les immigrants de deuxième génération en France, rappellent ses auteurs en mettant en avant le peu de données sur la question. Elle se base sur un constat de la Commission européenne, soulignant en 2017 les «conditions d'emploi défavorables qui ne s'expliquent pas par des différences d'âge, de formation et de compétences» auxquels se confrontent des adultes en France. Dans le temps, le conseil a recommandé «des mesures contre les pratiques discriminatoires affectant l'embauche d'immigrés nés en Europe et de seconde génération». Par ailleurs, «des schémas de mortalité similaires ont été observés chez les hommes de deuxième génération d'origine nord-africaine ou du Moyen-Orient dans d'autres pays européens, notamment en Belgique et en Suède», explique encore l'INED. L'institution rappelle que la France compte la plus grande population de descendants d'immigrés de deuxième génération au sein de l'Union européenne. En 2014, les naissances en France avec au moins un parent immigré ont été de 9,5 millions, soit 14,3% de la population totale vivant dans le pays. Article modifié le 2019/06/27 à 21h44