A sa manière, Brahim Ghali se prépare au prochain congrès du Polisario par des arrestations dans les rangs de ses opposants. Une opération à même de lui permettre, ainsi qu'à la vieille garde du Front, de se maintenir encore des années aux commandes. Après trois jours de silence, la direction du Polisario a fini par reconnaître, hier soir, les arrestations de trois activistes : Moulay Abba Bouzid, Fadel Brika et Mahmoud Zeidan. Tous sont membres de l'Initiative sahraouie pour le changement. Ils sont poursuivis pour «crimes» de «diffamation, injures, incitation à la désobéissance et humiliation», indique un communiqué du «procureur général» du Front relayé par la SPS. Un texte qui apporte un sérieux démenti aux déclarations, la veille, du «ministre de l'Intérieur» à la famille d'Abba Bouzid. Les trois détenus risquent de lourdes peines si la procédure enclenchée contre eux se concluait par la tenue d'un procès devant un tribunal. Reste à savoir si Brahim Ghali et les siens souhaitent réellement une telle issue ? Faire le ménage avant le congrès «Ces arrestations s'inscrivent dans un contexte particulier pour le mouvement séparatiste. Elles sont opérées à seulement quelques mois de l'organisation du prochain congrès du Polisario dont la date n'a pas encore été officiellement annoncée», nous confie une source proche du dossier. Pour mémoire Brahim Ghali avait installé, en mars dernier, un comité préparatoire de ce conclave, largement dominé par la vieille garde issue de la tribu des Rguibates. Les autres, y compris le «Premier ministre», en avaient été écartés. En voici quelques noms très connus du grand public marocain : Hama Salama, l'éternel n°2 du Front, Khatri Addouh, le «président du Parlement sahraoui», Bachir Mustapha Sayed, Abdelkader Taleb Oumar, le représentant à Alger, Abdellah Lahbib, le «ministre de la Défense», et son prédécesseur à ce poste Mohamed Lamine El Bouhali. Des noms qui, sans doute, seront aux commandes du Front au lendemain du 15e congrès. «Cette échéance est cruciale pour l'avenir de l'actuelle direction qui malgré l'âge très avancé de ses membres, s'accroche toujours au pouvoir. Elle n'a nullement l'intention de céder le témoin aux jeunes nés dans les camps de Tindouf», ajoute-t-elle. Des jeunes très actifs sur les réseaux sociaux et qui n'hésitent pas à pointer du doigt les détournements des aides humanitaires – les manifestations devant le siège de la représentation du HCR dans les camps en est le parfait exemple –, la corruption et autres trafics de drogue et de contrebande. Faire taire ces voix de contestation permet en effet à la direction de préparer le prochain congrès dans le «calme». Les jeunes interpellés appartiennent à l'aile radicale du Polisario qui rejette tout compromis avec le Maroc. D'ailleurs, dans le communiqué du «procureur général», les accusations de «trahison» ou d'«intelligence avec une puissance ennemie» ne figurent pas. Le 15e congrès du Front, initialement programmé fin 2018, a été reporté à 2019.