L'ONG a pointé du doigt les condamnations de plusieurs journalistes, notamment ceux ayant couvert les manifestations du Hirak du Rif. Elle a souligné toutefois des avancées en matière de protection des femmes et des travailleurs domestiques. L'ONG Amnesty International, basée à Londres, a publié mardi 26 février son rapport intitulé «Les droits humains au Moyen-Orient et en Afrique du Nord», au titre de l'année 2018. «Dans toute la région, les autorités ont eu recours à la détention arbitraire, à une force excessive contre les manifestants et à des mesures administratives pour limiter les activités de la société civile», souligne-t-elle dès les premières lignes. «Malgré la répression, l'année 2018, comme 2017, a connu quelques évolutions positives sur les plans législatif et institutionnel en matière de droits des femmes et de lutte contre la violence à leur égard», nuance-t-elle. Au Maroc, Amnesty International souligne que «les droits à la liberté d'expression et de réunion ont fait l'objet de lourdes restrictions», en référence aux manifestations survenues dans le cadre du Hirak d'Al Hoceima et de Jerada. Elle ajoute que «des tribunaux ont condamné des journalistes, des manifestants et des défenseurs des droits humains à de longues peines de prison à l'issue de procès d'une iniquité flagrante». En matière de liberté d'expression, l'ONG rappelle les condamnations de l'avocat Abdessadak El Bouchtaoui (vingt mois de prison et une amende) ; la militante du Hirak Nawal Benaissa (dix mois avec sursis et une amende) ; le journaliste Rabie Lablak et les journalistes citoyens Mohamed El Asrihi, du site Rif24.com, et Fouad Essaidi, qui poste des publications sur la page Facebook d'Awar TV (cinq ans de prison) ; le journaliste Hamid El Mahdaoui, directeur du site Badil.info (trois ans de prison) et la figure salafiste du Hirak El Mortada Iamrachen (cinq ans de prison). La liberté d'association restreinte D'autres condamnations ont été prononcées «à l'issue de procès manifestement iniques», déplore l'ONG. Ainsi, au cours du procès du Hirak du Rif, «le tribunal (de Casablanca, ndlr) a retenu à titre de preuves des éléments qui auraient été obtenus sous la torture ou au moyen d'autres mauvais traitements et a refusé d'entendre plus de 50 témoins à décharge». Amnesty International fustige par ailleurs qu'«à la fin de l'année [2018] les autorités n'avaient toujours pas mis en place le mécanisme national de prévention de la torture prévu par la loi sur la réorganisation du Conseil national des droits de l'homme (CNDH) (…) et par le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture (…)». Un retard auquel il faut ajouter, dans un autre registre, «des restrictions à la liberté d'association» et l'annulation «d'au moins cinq activités liées à l'éducation aux droits humains et organisées par l'Association marocaine des droits humains (AMDH)», dont la tenue a été empêchée par les autorités marocaines. Plus récemment, le 26 décembre, l'ONG rappelle que «les autorités ont prononcé la dissolution de Racines, une association culturelle basée à Casablanca, après qu'elle eut accueilli dans ses bureaux l'enregistrement de trois épisodes d'une émission-débat controversée diffusée sur Internet et intitulée 1 dîner, 2 cons». Le chapitre du rapport d'Amnesty International sur le Maroc consacre également une part importante aux droits des personnes migrantes, demandeuses d'asile ou réfugiés. L'association pointe du doigt la «vaste campagne de répression discriminatoire contre des milliers de personnes migrantes, demandeuses d'asile ou réfugiées originaires d'Afrique subsaharienne», lancée dès juillet 2018. Elle évoque aussi les «descentes» effectuées dans des quartiers où vivaient ces personnes, rappelant l'arrestation de femmes enceintes et de mineurs et leur reconduite «dans des zones isolées du sud du pays ou à proximité de la frontière avec l'Algérie». Des efforts en matière de protection des femmes et des travailleurs domestiques En revanche, les observations d'Amnesty International sur les droits des femmes et des travailleurs domestiques contrastent quelque peu avec ce bilan. Sur la loi contre les violences faites aux femmes, entrée en vigueur en septembre 2018, l'ONG indique qu'elle «introduit de nouvelles infractions et alourdit les peines existantes dans les cas de violences conjugales ou familiales. [Le texte] propose de nouvelles mesures pour protéger les victimes de violence pendant la procédure judiciaire et par la suite, et établit de nouveaux organes chargés de coordonner et de compléter les efforts des autorités judiciaires et gouvernementales afin de combattre la violence contre les femmes». Enfin, elle relève la nouvelle loi sur le travail domestique, rappelant qu'elle «prévoit l'établissement de contrats écrits, un nombre maximum d'heures travaillées, des jours de repos, des congés rémunérés et un salaire minimum. [Le texte] fixe également à 18 ans l'âge minimum des employés de maison mais instaure une période de transition de cinq ans durant laquelle des mineurs de 16 ou 17 ans pourront travailler». L'ONG déplore toutefois «une protection plus faible que celle du Code du travail marocain, qui ne mentionne pas les employés de maison». Citées par l'agence MAP, les autorités marocaines ont rejeté les accusations contenues dans le rapport d'Amnesty International. Elles ont souligné que l'ONG est restée à la même approche basée sur des «conclusions arbitraires», dépourvues de toute objectivité, en évoquant des cas isolés, tout en les présentant comme étant une règle générale et en se limitant à reproduire des allégations, des rumeurs et des informations fausses.