«Recours excessif à la force», restrictions des activités d'ONG ou encore absence d'enquête sur les allégations de violations des droits de l'homme… Human Rights Watch a rendu public jeudi son rapport sur la situation des droits de l'homme au Maroc et au Sahara durant l'année dernière. L'ONG internationale Human Rights Watch (HRW) a rendu public jeudi son rapport mondial 2019 sur la situation des droits de l'Homme dans le monde. Un document qui consacre une partie au Maroc et au Sahara. Pour HRW, le Maroc fait «preuve de plus en plus d'intolérance à l'égard de la contestation publique». Elle rappelle, au tout début de son chapitre consacré au royaume, la réaction des autorités marocaines, en mars 2018, lors de la manifestation dans la ville minière de Jerada, qui s'est soldée «par des semaines de répression». Les autorités ont «fait usage d'une force excessive contre les manifestants et [ont arrêté] des responsables de la manifestation, qui ont ensuite été condamnés à des mois de prison», poursuit le rapport. Passant en revue le verdict, rendu en juin dernier par la Chambre criminelle près la cour d'appel de Casablanca à l'encontre des leaders du Hirak du Rif, l'ONG fait également état de restrictions quant aux activités d'autres associations, notamment «la plus grande organisation indépendante de défense des droits humains au Maroc», en l'occurrence l'Association marocaine des droits de l'homme (AMDH). «Recours excessif à la force» et «lois discriminatoires» Sur la partie relative à la liberté de réunion, aux violences policière et au système pénal, Human Rights Watch rappelle avoir «documenté plusieurs cas de recours excessif à la force pour disperser des manifestations, ainsi que des arrestations de manifestants pacifiques pour des motifs tels que manifestation sans autorisation et agression de policiers». L'occasion de rappeler deux affaires marquantes : celle des tirs des garde-côtes marocains, le 25 septembre, ayant causé la mort à l'étudiante Hayat Belkacem, 20 ans, et le verdict du 17 octobre du tribunal de première instance de Tétouan, condamnant Soufian al-Nguad, 28 ans, à deux ans de prison pour incitation à l'insurrection, propagation de la haine et insulte au drapeau et aux symboles du Maroc. Un jugement qui intervient après que ce Marocain a «critiqué les circonstances du décès de Belkacem sur Facebook et encouragé à manifester en protestation». L'occasion aussi de citer, pour le cas de la liberté d'expression, le cas d'Elmortada Iamrachen, 32 ans, l'un des principaux porte-parole du mouvement de protestation «Hirak» du Rif, dont la peine en première instance a été confirmée le 14 novembre par la cour d'appel de Salé. L'ONG internationale rappelle aussi le cas du journaliste Hamid El Mahdaoui, condamné le 28 juin, à une peine de trois ans d'emprisonnement «pour avoir omis de signaler une menace sécuritaire». HRW aborde aussi la «répression à grande échelle de milliers de migrants, demandeurs d'asile et réfugiés subsahariens sans procédure régulière», signalée en septembre par Amnesty International, fustigeant les «raids» effectués dans plusieurs villes des provinces de Tanger, Nador et Tétouan, dans le nord du pays contre des migrants, «rassemblés [puis] emmenés dans des villes de l'intérieur». Human Rights Watch critique au passage les «dispositions discriminatoires pour les femmes» dans le Code de la famille de 2004, l'impact «discriminatoire» de la pénalisation de l'adultère et des relations sexuelles entre personnes non mariées, ou encore l'article 489 du Code pénal condamnant les personnes LGBT. «Rassemblements empêchés» et «répressions» au Sahara Le rapport consacre également une partie au Sahara occidental, dans laquelle HRW rappelle que le processus de négociation sous l'égide de l'ONU est «resté bloqué malgré les visites dans la région de Horst Kohler, envoyé du secrétaire général des Nations unies». L'ONG aborde plus loin la grève de la faim menée, «pendant plusieurs semaines en mars et en avril, puis de nouveau entre septembre et novembre», par quatre prisonniers du groupe de «Gdeim Izik». «Leur demande n'était pas encore satisfaite au moment de la rédaction du présent document», constate-t-elle avant de rappeler que les accusés de ce procès avaient «désavoué [leurs] aveux et affirmé les avoir signés sous la torture sans avoir été autorisés à les lire». «Au Sahara occidental, les autorités marocaines ont systématiquement empêché les rassemblements en faveur de l'autodétermination, et ont fait obstruction au travail de certaines ONG locales des droits humains, notamment en bloquant leur enregistrement légal. Elles ont aussi parfois battu des activistes et des journalistes, en détention ou dans les rues.» Rapport de HRW Le rapport passe en revue plusieurs dates, comme la manifestation du 28 juin, qui aurait été «réprimée» par la police à Laâyoune sans qu'une enquête ne soit ouverte malgré la plainte déposée par l'Association sahraouie des victimes de graves violations des droits de l'homme (ASVDH), ou encore l'arrestation de deux journalistes travaillant pour le compte d'une chaîne du Polisario.