Human Rights Watch dénonce dans un rapport publié aujourd'hui «l'usage excessif de la force» contre les manifestants de la ville de Jerada, lors de leur arrestation et leur dispersion. Human Rights Watch (HRW) a publié, ce lundi 4 juin, un rapport où elle revient sur tous les événements qui se sont succédé à Jerada et délivre les dessous de son enquête dans la ville minière de l'Oriental. HRW dénonce notamment l' «usage excessif de la force contre les manifestants» de la part des forces de l'ordre qui ont blessé grièvement un garçon de 16 ans «percuté par une fourgonnette de police» et l'arrestation des leaders du mouvement qui auraient été ensuite «maltraités en détention». La même source qualifie de «campagne de répression» l'action entreprise par les autorités marocaines pendant plusieurs semaines dans Jerada suite aux manifestations en mars 2018. «La répression à Jerada est allée bien plus loin qu'un simple effort visant à traduire en justice des manifestants prétendument violents», déclare Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à HRW. Et d'ajouter : «Il semble qu'elle visait plutôt à réprimer le droit de manifester pacifiquement contre la situation socio-économique de la région.» Réponse officielle L'ONG fait également un rapprochement entre la réaction des autorités à Jerada, à celle adoptée lors du soulèvement du Hirak du Rif, citant à titre d'exemple l'arrestation de plusieurs manifestants, motivée par le fait «qu'ils étaient devenus violents et avaient endommagé des biens». Mais selon la même source, «cela ne justifie pas pour autant le recours à une force aveugle et excessive, ni les arrestations qui avaient commencé avant cette date. Cela ne justifie pas non plus la répression de manifestations pacifiques, ou les abus allégués contre des personnes en détention». La Délégation interministérielle aux droits humains (DIDH) a adressé un courrier à Human Rights Watch, le 30 mai dernier, pour donner plus de détails concernant les pertes matériels et les blessés lors des manifestations de Jerada. Selon l'organisme marocain, «six voitures avaient été incendiées (…) 280 membres des forces de l'ordre avaient été blessés». Un chiffre contesté vivement par Jawad Tlemsani, président de la section d'Oujda de l'Association marocaine des droits humains (AMDH) qui déclare que le nombre de blessés dans le rang des forces de l'ordre est «très exagéré». Il précise que du côté des manifestants, certains blessés ne se sont pas rendus à l'hôpital de peur d'être arrêtés. Suite aux affrontements du 14 mars, les forces de l'ordre ont procédé à l'arrestation de 88 personnes, dont 8 mineurs. Dix d'entre eux ont été condamnés, quatre à des peines de six mois à un an de prison ferme et les six autres à des peines de six mois à un an de prison avec sursis. Un usage excessif de la force Le garçon de 16 ans, «percuté par la fourgonnette de police» est dénommé Abdelmoula Zaiqer, précise l'organisation internationale. Sur une vidéo, authentifiée par HRW, devenue virale sur les réseaux sociaux, des fourgonnettes de police slalomaient entre les manifestants, avant d'en heurter au moins un qui tombe à terre. Le jeune homme a souffert de multiples blessures dont «des traumatismes à la tête, aux hanches, aux pieds et à la colonne vertébrale», ajoute la même source. Pour sa part, la DIDH a déclaré que Abdelmoula Zaiqer a été «blessé accidentellement» mais sa mère a confié que les autorités lui ont fait pression pour qu'elle ne parle à aucun journaliste ni militant et «qu'elle avait été suivie plus d'une fois par des hommes en civil qu'elle soupçonne d'être de la police». Par ailleurs, elle affirme que les médecins ne sont «pas encore en mesure de déterminer si Zaiqer pourra de nouveau marcher un jour», continue le rapport de HRW. Les équipes de Human Rights Watch se sont rendus à Jerada, en avril dernier, et ont interrogé plusieurs activistes et Abdelhak Benkada, avocat de plusieurs manifestants. Ces derniers ont affirmé que suite aux événements du 14 mars, «des agents de police ont forcé les portes et brisé les fenêtres de plusieurs maisons à Jerada, frappant et interpellant plusieurs hommes sans présenter de mandats d'arrêt ni de perquisition». Selon l'avocat, deux des leaders des manifestants ont été «maintenus en isolement depuis plusieurs mois» et la police a «fait un usage excessif de la force» lors des arrestations. Mohamed et Abdessamad Habachi ont déclaré que «les forces de sécurité avaient enfoncé la porte de leur domicile avant de les arrêter et de les passer à tabac». Tahar Kihel a affirmé avoir un bandage sur la tête dû à une blessure infligée par la police. Khalid Aït El Ghazi a confié que les policiers l'avaient frappé à la tête au moment de son arrestation. Abdelaziz Bouddiche et Tarik El Amri, arrêtés en mars dernier, «sont enfermés dans leurs cellules 23 heures par jour», indique, pour sa part Abdelhak Benkada.