Du néerlandais, un peu de darija, une pincée de langue amazighe. Tel est le cocktail élaboré par les jeunes néerlandias d'origine marocaine qu'ils utilisent dans leur vie quotidienne. Un multilinguisme né à partir d'une culture foisonnante et qui a donné naissance à une scène artistique aussi riche. Les jeunes maroco-néerlandais ont créé leur propre langue. «Une langue hybride prouvant leur richesse culturelle», affirme Habib El Kaddouri, ancien porte-parole de la Fondation pour les Néerlando-marocains. En effet, à lire ou entendre les jeunes marocains résidant aux Pays-Bas, on entend souvent un mélange d'arabe, de néerlandais auxquels s'ajoutent le Rifain. «Wahed en arabe (un), izjen en rifain (un), bhal (comme) ou encore Wach (Est-ce) sont souvent insérés à tout bout de champ dans les conversations», nous explique-t-il. Un aspect qui a déjà fait l'objet d'une étude intitulée «Utilisation des mots fonctionnels "marocains" dans le discours internet des Néerlandais», élaborée par le professeur d'études berbères à l'université de Leiden, Maarten Kossmann et publiée l'année dernière. Une étude dans laquelle ce professeur souligne les «phrases trilingues», mêlant néerlandais, rifain et arabe, utilisées par ces jeunes. L'attachement aux langues et cultures marocaines Il s'agit donc d'un «multilinguisme», prouvant une «utilisation consciemment cultivée», a expliqué le chercheur au média néerlandais NRC en août dernier. Les mots empruntés ont la particularité d'être «des mots grammaticaux qui ne sont ni des noms, ni des adjectifs ni des verbes», ajoute-t-il, précisant qu'il ne s'agit pas «d'une communication de code ordinaire». En effet, «le multilinguisme marocain – où certains parlent le berbère, d'autres l'arabe - rend les Marocains tributaires du néerlandais sur internet». De plus, afin de s'approprier cette langue en quelques sortes, «ils lui donnent leur couleur en ajoutant aux conversations ces petits mots», poursuit-il. L'ajout de ces «particules», comme désigné en linguistique, atteste d'un «attachement à notre culture et à notre langue, qui est toujours transmise par nos aïeux», nous confie pour sa part l'ancien porte-parole de la Fondation pour les Néerlando-marocains. De plus, Habib El Kaddouri considère qu'«il s'agit bien d'une langue à part entière qui est née à travers la culture urbaine qui, elle aussi, est foisonnante». En effet, ce multilinguisme a été même transplanté au-devant de la scène, que ce soit dans le monde de la musique avec de nombreux chanteurs et rappeurs néerlandais d'origine marocaine mêlant néerlandais et arabe dans leurs textes et paroles, ou encore dans le monde du cinéma.