Alors que le ministre de la Justice a déclaré ce lundi qu'aucune nouvelle affaire de spoliation immobilière n'a été enregistrée depuis les mesures prises par son département, l'ADJM et l'AVS s'inscrivent en faux, affirmant que le fléau est loin d'être éradiqué. «Aucune nouvelle affaire de spoliation immobilière n'a été enregistrée depuis le début de la mise en œuvre des décisions et recommandations de la Commission chargée du suivi de ce dossier». C'est ce qu'a déclaré ce lundi à Rabat le ministre de la Justice Mohamed Aujjar, lors d'une réunion de ladite instance. Cité par l'agence MAP, le ministre a ajouté que «les mesures prises depuis la mise sur pied de la commission ont permis d'endiguer le phénomène de spoliation et d'en prévenir la recrudescence». Après avoir passé en revue les différentes mesures entreprises au plan législatif pour mettre fin à la spoliation des biens immobiliers, notamment la révision de l'article 4 du Code des droits réels en vertu de la loi 69.16, Mohamed Aujjar a indiqué que les projets de loi présentés au Parlement pour approbation contribueront «sans doute à préserver des biens immobiliers et à combler les lacunes juridiques susceptibles d'être exploités par des spoliateurs potentiels». «Tout en se réjouissant des résultats probants réalisés à cet égard, les membres de la commission chargée du suivi du dossier de spoliation des biens immobiliers ont relevé, de leur part, l'impératif de poursuivre la mobilisation afin de parachever la mise en œuvre de toutes les mesures proposées pour lutter contre ce phénomène», conclut la MAP. L'ADJM «surprise» par les déclarations d'Aujjar Mais la déclaration du ministre de la Justice reste un brin optimiste s'agissant d'un phénomène qui sévit depuis plusieurs années dans le royaume et qui avait fait l'objet d'une lettre adressée par le roi Mohammed VI audit département en 2016. Ses propos sont surtout contredits par des associations de victimes de spoliation immobilière au Maroc. Contacté par Yabiladi ce lundi, l'Association pour le droit et la justice au Maroc (ADJM) se dit «surprise par les faits annoncés par Monsieur le Ministre». Son secrétaire général, Stéphane Vabre, «étonné» par les propos du ministre, nous déclare ce lundi ne pas être «tout à fait d'accord» avec Mohamed Aujjar. «Nous avons un rendez-vous prévu tous les trois mois et nous allons lui faire parvenir une centaine de dossiers supplémentaires avec les références et il en a d'autres qui arrivent», nous confie-t-il. Une méthode de travail décidée lors d'une réunion entre le ministère et l'association le 4 juin dernier. «Non, il n'y a aucune baisse. Je ne sais pas sur quelle base le ministre dit qu'il n'y a pas eu d'enregistrement de nouvelles affaires, mais il y a des affaires qui sont en cours. Ce que je sais c'est qu'il y a beaucoup de gens qui nous ont contacté.» Stéphane Vabre, secrétaire général de l'ADJM L'AVS a encore de nouveaux dossiers Un divergence de point de vue a eu lieu en juin dernier lors de la rencontre entre les deux parties. Le ministère avait alors demandé à l'ONG ayant évoqué 488 sollicitations pour des cas de spoliation immobilière, de «faire le tri». «Aujourd'hui, nous avons une centaine que nous nous proposons de faire parvenir au ministère dès que nous aurons la chance de rencontrer le ministre», conclut Stéphane Vabre. Pour sa part, Mohamed Moutazzaki, président de l'Association des victimes de la spoliation (AVS) rappelle qu'il y a «différents types et méthodes de spoliation». «Ce phénomène est un crime à base de documents administratifs et judicaires donc un processus difficile à démanteler», abonde-t-il. «Aujourd'hui, les mesures annoncées sur le plan législatif et de la justice, comme l'article sur les procurations sont louables. Mais nous avons de nouveaux dossiers, sachant que la mafia est aussi très active au-delà de Casablanca et notamment dans le sud du Maroc.» Mohamed Moutazzaki, président de AVS Il rajoute que «des plaintes continuent d'être déposées parce qu'il s'agit d'un fléau et la lettre royale n'a pas parlé de quelques cas mais bien de la prolifération», rappelle-t-il. Mohamed Moutazzaki dit surtout regretter le retard dans le traitement des affaires ainsi que la non-abrogation de l'article 3 de la loi 39-08, dit «l'article spoliateur». «Cela n'existe nulle part dans le monde et même la solution de dédommager la victime au lieu de le dédommager l'acheteur de bonne foi n'arrange personne. Une victime doit récupérer son bien spolié», conclut-il.