La rentrée politique s'annonce difficile avec au menu plusieurs dossiers chauds et plusieurs polémiques. Driss Lagrini et Abderrahim Elaalam nous parlent des défis des acteurs politiques dans le contexte politique actuel. Service militaire obligatoire, débat sur la darija dans l'enseignement, projet de loi de finances 2019, rentrée scolaire, réforme des centres régionaux d'investissement. Autant de dossiers chauds pour cette rentrée politique qui s'annonce difficile pour le gouvernement El Othmani et le Parlement. A cela s'ajoute la crise qui oppose le PJD, principal parti politique à la tête de la majorité gouvernementale et le PPS, son principal allié depuis 2011. Quels sont les défis de cette rentrée de tous les dangers ? C'est la question que nous avons posée au politologue et enseignant-chercheur à l'Université Cadi Ayyad de Marrakech, Driss Lagrini. Le rendement politique et les secteurs sociaux «Dernièrement, des messages clairs ont été envoyés aux différents acteurs politiques pour surmonter les discussions inutiles et les calculs politiques qui n'ont causé que le gaspillage du temps et des moyens. Aujourd'hui, il faut traiter les différentes problématiques avec efficacité, ce qui nécessite de hausser le niveau de débat», nous confie-t-il. Pour Driss Lagrini, «ce n'est plus acceptable de trouver des discours d'opposition dans les rangs de la majorité, ce qui révèle de tentatives pour se décharger de ses responsabilités. Nous avons aussi besoin d'une opposition active et efficace qui aborde les problématiques avec objectivité et qui met le doigt sur les vrais défis, loin des calculs politico-politiques». «Le social et les différentes manifestations ayant eu lieu au Maroc et qui témoignent d'un mécontentement de la population quant aux politiques publiques entreprises par plusieurs acteurs sont aussi à prendre en compte. Cela questionne l'acteur politique local mais aussi les autres départements ministériels appelés à trouver des solutions réelles et stratégiques, notamment pour les investissements, le soutien à l'entreprise, le développement des infrastructures et la présence de la dimension sociale dans ces politiques,…» Driss Lagrini Notre interlocuteur ne manque pas de pointer du doigt «l'absence d'homogénéité au sein du gouvernement». «Cela a coûté cher au Maroc et il a fallu que les partis politiques apprennent de tous les événements ayant suivi les législatives de 2016», estime-t-il. Tout en rappelant que «l'actuel gouvernement n'est pas basé sur des coalitions et des alliances fortes», notre interlocuteur cite l'alliance PJD-PPS qui parait «fragile». «Mais la coalition a toujours le temps de surmonter ces difficultés et tourner la page pour se concentrer sur les priorités tout en mettant en avant les intérêts de la nation», conclut-il. Emploi et homogénéité au sein de la coalition De son côté, le professeur de sciences politiques à l'Université Cadi Ayyad de Marrakech, Abderrahim Elaalam considère que le défi le plus important est celui de l'emploi. «Aujourd'hui, 1,7 million de jeunes, âgés de 18 à 24 ans ne font rien de leurs vies et se trouvent dans les rues et c'est un vrai défi pour le gouvernement», nous déclare-t-il. Evoquant aussi la problématique du recrutement par contrat au sein du département de l'Education nationale, il affirme que s'il n'aide pas à régler le problème, ce recrutement risque de «créer une crise supplémentaire au sein du secteur de l'enseignement». «Ces employés demandent à être titularisés et continuent de menacer. Donc l'année risque d'être marquée par des manifestations et des grèves qui pourraient paralyser ce secteur», enchaîne-t-il. Deux défis qui s'ajouteront, toujours selon Abderrahim Elaalam, aux «aux défis classiques, comme le développement du secteur de la santé et l'investissement». «Il y a aussi le défi de l'harmonie au sein du gouvernement. La coalition est très fragile et hétérogène puisque ses ministres, ses partis et ses députés divergent sur plusieurs questions. Ce manque de d'homogénéité risque de secouer l'exécutif qui n'est pas une coalition naturelle mais des cartels intéressés par les intérêts personnels et les postes.» Abderrahim Elaalam Le professeur des sciences politiques rappelle aussi le débat concerne les secrétariats d'Etat. «El Othmani a reconnu avoir pensé à annuler ces postes mais la majorité des secrétaires d'Etat sont des femmes. De plus, avec ce qui se passe actuellement dans le secteur du Transport, la vague des limogeages risque même de concerner des ministres du PJD», explique-t-il. Quant au Parlement, Abderrahim Elaalam ne manque pas de pointer du doigt le bilan «maigre» de l'hémicycle. «Les textes ratifiés jusque-là par le Parlement restent faibles. Qu'a-t-il fait dans le cadre du débat sur le contrôle des autorités lors des manifestations ou le débat sur l'amnistie générale ? Où est le nouveau code pénal ?», s'interroge-t-il, avant de conclure qu' «il y a plusieurs projets lois qui n'ont toujours pas été approuvés par le Parlement».