L'Espagne demande la réactivation d'un accord bilatéral avec le Maroc pour expulser des mineurs étrangers non accompagnés, alors que les conditions de leur retour ne sont pas toujours garanties. Le droit international l'exige pourtant. Le gouvernement de la communauté autonome d'Andalousie va intensifier la pression sur l'exécutif de Pedro Sánchez pour tenter de trouver des solutions aux problèmes engendrés par la tutelle de plus de 2 500 mineurs étrangers non accompagnés (MENA), indique El País. Les centres d'accueil andalous sont en effet débordés par l'arrivée de ces jeunes migrants. Le gouvernement régional de Susana Díaz réclame notamment que l'exécutif central insiste sur le volet diplomatique avec le Maroc, pour que ce dernier collabore au rapatriement de ces mineurs. En effet, sur les 7 000 mineurs étrangers non accompagnés qui bénéficient de la tutelle de la communauté autonome andalouse, près de 70% sont originaires du Maroc. Le protocole de renvoi, s'il est prévu dans la loi sur les étrangers (Ley de Extranjería), est rarement mis en pratique en raison de l'absence de coopération de la part des autorités marocaines et de celles des autres pays dont sont issus les MENA. Les conditions de rapatriement ne sont pas toujours garanties Pour en pallier l'inapplication, l'Andalousie souhaite réactiver un accord bilatéral de 2007 stipulant que les autorités marocaines s'engagent à collaborer à l'identification du mineur et de sa famille afin de le renvoyer chez lui ou de le placer au sein d'un réseau d'accueil local. Entré en vigueur en octobre 2012, il n'a en réalité jamais été appliqué. «Le gouvernement doit assurer toutes les garanties [de cet accord] avec le Maroc et le parquet», a déclaré Susana Díaz, dont le gouvernement dépense déjà 45 millions d'euros par an pour gérer 208 centres d'accueil. La décision de rapatriement relève effectivement toujours du procureur en charge du dossier. «Si les autorités marocaines garantissent que l'enfant évoluera dans un environnement sain et sécurisé, le procureur ne s'opposera pas à son retour», confirme à El País un procureur chevronné à ce type de dossiers. Selon le droit international, un mineur non accompagné «ne peut être renvoyé que si cette démarche est accomplie dans l'intérêt supérieur de l'enfant et si une protection appropriée est disponible». Or, c'est justement ce prérequis qui inquiète l'ONG Save The Children. Elle craint que la proposition de l'exécutif de Susana Díaz de réactiver ce protocole bilatéral facilite l'expulsion des migrants mineurs alors que les conditions de leur retour ne sont pas garanties. «Beaucoup de ces enfants vivaient déjà dans la rue au Maroc. D'autres ne peuvent être accueillis par leurs familles en raison du manque de ressources», a déclaré le directeur de Save The Children en Espagne, Andrés Condé. «Il est nécessaire de garantir que chaque cas sera étudié individuellement», a-t-il ajouté. La France ne fait pas exception En 2008 déjà, Human Rights Watch épinglait les autorités espagnoles qui, observait-elle, poussaient au rapatriement de mineurs non accompagnés en l'absence de garanties. Dans un rapport, elle faisait état d'«un défaut fondamental dans le rapatriement par l'Espagne des enfants migrants et réfugiés non accompagnés : l'incapacité du gouvernement à fournir aux mineurs un représentant légal indépendant pendant les procédures de rapatriement. Cette lacune dans leur protection laisse les enfants dans l'incapacité de faire appel de décisions qui affectent leur vie de façon capitale et peuvent entraîner leur renvoi dans des situations où leur bien-être est soumis à des risques». La France verse elle aussi dans une tendance au contournement du droit international. Du 18 juin au 24 juillet, quatre agents marocains ont été en mission à Paris à la demande des autorités françaises, afin de participer sur le terrain, aux côtés de la police, à l'identification de mineurs marocains non accompagnés «expulsables». Ce déploiement a été encadré par un arrangement administratif entre les ministères de l'Intérieur des deux pays, après une réunion, le 11 juin dernier, entre le préfet de police de Paris et l'ambassadeur du Maroc en France. Les agents marocains avaient pour mission d'«auditionner les mineurs isolés marocains et de recueillir des informations permettant de lancer des investigations en vue de leur identification et de leur retour au Maroc», d'après le compte rendu de la réunion.