Quelques jours après les révélations sur la production de l'antispasmodique Spasfon, sous licence de l'industriel pharmaceutique israélien TEVA, BDS Maroc (Boycott, Désinvestissement et Sanctions) a lancé une campagne publique visant ce produit. Sion Assidon, activiste et porte-parole du mouvement dans le pays, indique à Yabiladi que ce n'est pas le seul médicament concerné. A quel moment avez-vous lancé la campagne contre TEVA et sur la base de quels constats ? Cela fait longtemps que nous nous préparons à initier une campagne contre TEVA. Il y a deux moments qui ont décidé de son lancement, à savoir la grande marche pacifique du retour et le 70e anniversaire de la Nakba. Ce qui a précipité les choses, c'est que la presse a commencé à en parler et nous nous sommes sentis fortement interpellés. Un site a commencé à évoquer les origines du médicament Spasfon, et nous avons lancé à ce moment-là la campagne, car beaucoup de gens ont commencé à être au courant. Nous avons commencé par Spasfon, d'autant plus que son origine est très cachée, car entre lui et TEVA, il y a l'écran de l'ancienne société qui l'a fabriqué (Cephalon). Nous avons donc lancé un groupe Facebook qui s'appelle TEVA DEGAGE, où nous expliquons les principes de la campagne, indiquant que c'est un début car il y a d'autres médicaments de TEVA produits par des laboratoires marocains et vendus de manière masquée au Maroc. C'est donc un premier pas et nous voulons obtenir de cette société qu'elle fasse machine arrière et qu'elle donne l'exemple. Nous espérons qu'elle le fera et de toutes les manières, si elle ne le fait pas, nous resterons tenaces et nous ne lâcherons pas cette campagne contre Spasfon, même si on l'élargit à d'autres médicaments. Dans un débat que vous avez eu avec des médecins, vous soutenez qu'il existe bien des produits alternatifs au Spasfon, notamment en solution injectable. Quels sont-ils ? J'ai trouvé qu'il y avait deux produits : Mégasfon, ou Viscéralgine. Ceci dit, le médecin avec qui j'ai débattu, malgré ses réserves sur l'idée de boycotter des médicaments, a donné deux autres noms, à savoir Nealgyl et Neofortan. Les consommateurs pourront toujours s'adresser au médecin ou au pharmacien. Avez-vous listé d'autres médicaments de TEVA vendus au Maroc et dont on peut trouver les équivalents chez d'autres producteurs ? A la question de l'existence d'autres médicaments TEVA au Maroc, la réponse est oui. Notre liste n'est cependant pas complète et nous travaillons dessus. Sur les médicaments équivalents à ceux de TEVA, il faut savoir que les médicaments que TEVA gère sont majoritairement génériques, donc pas frappés d'exclusivité, il devrait être facile de trouver des équivalents. Chaque fois que nous appellerons à boycotter un médicament, nous consulterons évidemment les milieux médicaux et pharmaceutiques, qui nous indiqueront ces équivalents. Les gens peuvent également s'adresser à leurs pharmaciens pour se faire aider à les trouver, en expliquant pourquoi ils n'utilisent pas ceux de TEVA. Je pense que dans la plupart des cas, les médecins et les pharmaciens répondront positivement à cette attitude et donneront l'aide nécessaire pour que les patients ne se retrouvent pas à court de produits. TEVA a aussi des princeps, c'est-à-dire des médicaments dont il est propriétaire intellectuellement, mais comme je ne suis pas médecin, je me permettrai seulement de dire que probablement, on peut trouver un substitut même à un médicament de ce genre. Dans le cadre de cette campagne, pensez-vous aller vers les pharmaciens pour les sensibiliser sur la provenance des produits qu'ils commandent et qu'ils mettent en vente ? Notre campagne est publique. Elle concerne tout le monde. Les pharmaciens, les médecins et surtout les laboratoires pharmaceutiques qui travaillent avec des licences TEVA ont entendu le message. Il est vrai que nous comptons bien nous assurer de la collaboration des pharmaciens qui ne sont pas prêts à commercialiser un médicament produit au Maroc mais dont l'occupation profite, et je suis sûr que nous trouverons aussi des médecins qui nous aideront dans notre campagne. Tout un chacun, des activistes mais aussi le public, participera à cette campagne. Chaque consommateur fait partie de la campagne, s'il se tourne vers son pharmacien et refusant les médicaments TEVA. Pensez-vous également vous adresser aux parlementaires, d'autant plus que le député PAM Abdellatif Ouahbi serait, selon Le Desk, proche des actionnaires de Zenith Pharma, au moment où son parti se dit contre la normalisation avec Israël ? Je voudrais faire une mise au point concernant M. Ouahbi. Il est vrai qu'un organe de presse électronique a initialement indiqué que le député serait un actionnaire de référence de Zenith Pharma, qui est aujourd'hui sur la sellette. Nous avons fait des recherches sur les registres de commerce, sur les états fiscaux, ainsi que les statuts concernant Zenith Pharma et disponibles dans le domaine public. Le nom d'Abdellatif Ouahbi n'y apparaît pas. Donc, nous nous abstenons de nous baser sur (et de diffuser) une information qui n'est pas sûre. Après avoir rapporté l'article en question sur la page de notre campagne, nous avons d'ailleurs fait une mise au point pour ne pas nous associer à une information que nous ne maîtrisons pas. Peut-être que cet organe de presse a d'autres informations que les nôtres. Mais celles du domaine public ne nous permettent pas en tout cas de tirer cette conclusion, car on risque de tomber dans la diffamation. Un deuxième élément est que ce député est bien le frère de Hamid Ouahbi, propriétaire de Zenith Pharma, ce que le site a affirmé par la suite. Abdellatif Ouahbi est aussi l'avocat de la firme. C'est la personne qui, au nom du PAM, a présenté en 2014 un projet de loi qui est une copie conforme à celui de déposé par quatre groupes parlementaires (Istiqlal, USFP, PPS et PJD) à l'été 2013. Ce sont deux projets similaires mot pour mot, qui demandent la criminalisation de la normalisation avec Israël. A la rentrée parlementaire 2014 et en tant que chef du groupe parlementaire PAM, M. Ouahbi est entré en fonction comme président de la commission des lois. Il est donc chargé d'introduire tout projet de loi dans le processus législatif. Nous sommes en 2018, ni Abdellatif Ouahbi, ni les quatre partis qui ont proposé ce projet de loi avant le PAM n'ont fait avancer ce texte d'un pas de fourmi. Aujourd'hui, il est complètement en dehors du tableau de bord. Ceci ne préjuge pas de notre position concernant les détails de ce projet, mais il est important de rappeler tous ces aspects pour que les gens comprennent ce qui se passe. Par ailleurs, nous avons toujours, dans le cadre de nos campagnes, saisi les parlementaires et les institutions (contre la compagnie maritime ZIM, contre les dattes, ou encore la compagnie sécuritaire G4S). Nous nous adresserons toujours aux autorités publiques et en particulier, dans ce cas-là, aux instances du ministère de la santé qui valident la commercialisation des médicaments.