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El Mortada Iamrachen dit tout sur le Hirak du Rif
Publié dans Yabiladi le 12 - 07 - 2017

Le Hirak, sa naissance, ses origines, l'absence du drapeau marocain lors des manifestations ou encore l'approche sécuritaire et les responsables de la grogne sociale. Autant de sujets évoqués par El Mortada Iamrachen, la figure salafiste du Hirak du Rif, dans une interview avec Al 3omk diffusée mardi.
El Mortada Iamrachen, l'une des figures du Hirak de la province d'Al Hoceima, était l'invité du site d'information Al 3omk pour commenter la contestation qui secoue le Rif depuis plus de huit mois, ainsi que son arrestation pour «apologie du terrorisme» et, plus récemment, le décès de son père et les interventions musclées des forces de l'ordre.
Lors de cette interview filmée, El Mortada Iamrachen est revenu sur son retour à Al Hoceima en octobre dernier pour y chercher du travail, ses positions sur les libertés individuelles et son éviction du poste d'imam qu'il a occupé pendant trois ans. A propos de son arrestation le 10 juin à Al Hoceima, il estime que celle-ci «était attendue».
«Personnellement, ça n'a pas été une arrestation mais un kidnapping. Ma maison a été perquisitionnée et fouillée, mais je garde confiance en la justice marocaine.»
Le Hirak, une «œuvre du gouvernement»
Il se garde de parler des allégations de torture, arguant qu'il ne connaît toujours pas les fondements de ces accusations. «Lorsque l'ambassadeur russe à Ankara a été tué, je n'ai même pas pensé à applaudir son assassinat. J'ai écrit sur mon compte qu'il s'agissait d'un assassinat et d'un attentat terroriste que je condamne», se défend-t-il.
Plus tard au cours de l'interview, il évoque les conditions qui entourent la disparition de son père : «Mon père était handicapé. Lorsqu'il a appris mon arrestation, il a demandé à être mis dans sa chaise roulante et s'est rendu au commissariat, où il n'a pas été bien accueilli. Le fait qu'il soit âgé n'a pas été pris en considération», dit-il dans un sanglot.
«Après les funérailles, j'ai eu deux choix : m'exploser et exprimer les sentiments de la Hogra ou prioriser mes principes de paix et de tolérance. J'ai opté pour la seconde option, non pas pour moi seul, mais pour ma région. On ne veut plus de drames. Je veux que le malheur de cette province cesse», dit-il.
Il évoque ensuite le Hirak, soutenant qu'il a été planifié «non pas par la population, mais par le gouvernement dirigé par Abdelilah Benkirane puis Saâdeddine El Othmani, à travers leur échec monumental dans la gestion de la chose publique».
Ramid invité à déposer sa démission
«Pendant deux ans, les intérêts de la population ont été mis en stand-by. Si le Hirak a été planifié, c'est bien par l'échec du gouvernement», insiste-t-il. Il n'empêche que la figure salafiste du mouvement souligne son «attachement aux sacralités et aux fondements de l'Etat tout comme la majorité écrasante de la population» du Rif, avant de revenir sur la pomme de discorde entre pro et anti-Hirak : l'absence du drapeau national lors des manifestations.
«Il faut comprendre la psychologie du citoyen rifain, qui affirme être Marocain et ne pas être obligé de le prouver. Parmi les choses qui ont contribué à cela, l'attitude de certains caïds, pachas et hommes des autorités locales qui incitaient les gens à hisser le drapeau national et les photos du Roi pour devenir des Baltajis et s'attaquer aux autres manifestants. C'est donc à cause d'une image déformée, créée par l'Etat, de citoyens portant les drapeaux nationaux qui s'attaquent aux autres de cette façon, comme ce qui s'est passé à Nador. Quiconque porte un drapeau national ou l'image du Roi est automatiquement devenu un Baltaji aux yeux des autres.»
Il persiste et signe : «Depuis le début du Hirak, la population a affirmé unanimement ne plus faire confiance aux partis politiques.» Selon El Mortada Iamrachen, seul le roi est encore synonyme d'espoir pour les Rifains. «Les Rifains savent que c'est seulement grâce aux visites du souverain que la province a commencé à se développer. Ils voulaient donc lui présenter directement leurs revendications», lance-t-il. Iamrachen qualifie ensuite de «honteux» le fait que des responsables politiques «provoquent l'arrêt de projets d'intérêt général pour des fauteuils ministériels ou des calculs politiques», avant d'accuser la partie qui «emprisonne, accuse et noircit l'image du Hirak». «C'est cette partie qui nous pousse à la confrontation avec l'Etat. Heureusement que les citoyens en ont été conscients.»
La logique de «tu obéiras par l'épée ou par la matraque» nocive pour l'image du Maroc
La figure salafiste du Hirak ne manque pas de soutenir que «la revendication principale du Hirak est désormais la libération des détenus». «Avant d'être interpellé, j'ai écrit sur Facebook : libérez-les ou arrêtez-nous tous. Nous avons prêté serment mais j'espère que les choses se calmeront», déclare-t-il. Il dit aussi espérer que «le Roi viendra à Al Hoceima, comme il le faisait, pour voir les choses directement et intervenir». El Mortada Iamrachen tire de nouveau à boulets rouges sur l'appareil sécuritaire.
«L'approche sécuritaire n'a toujours pas changé avec une logique du 'tu obéiras par l'épée ou la matraque'. Je pense que les responsables n'ont pas conscience du message qu'ils envoient, selon lequel le Maroc n'a pas changé.»
Quant aux abus et à la répression, il déclare : «J'ai dit qu'il y avait de l'amateurisme et du badinage au sein des institutions de l'Etat. J'ai vu les déclarations de Ramid pour l'ouverture d'une enquête mais à chaque fois on lance des investigations, on fait savoir qu'on est en colère sans que les choses changent. Je crois que la responsabilité directe est celle de plusieurs intervenants alors que la responsabilité politique est celle des ministres de la Justice et de celui chargé des droits de l'homme.»
Il conclut en invitant Mustapha Ramid à déposer sa démission, «parce que ce qui arrive aujourd'hui est inquiétant et qu'il est incapable de diriger ce département».


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