La Belgique vient de baisser son niveau d'alerte de 4 à 3. Cependant, les forces de sécurité restent toujours autant mobilisées. Les attentats de Paris ayant braqué les projecteurs sur les jeunes d'origine marocaine de Molenbeek, notamment, avec l'implication de plusieurs d'entre eux. Quelques Belgo-marocains racontent à Yabiladi comment ils vivent la situation et comment ils perçoivent l'avenir. Depuis hier, mercredi, Bruxelles et sa région reprennent peu à peu vie, après plusieurs jours d'alerte maximale où écoles, métro et commerces sont restés fermés. Najat, une professeure d'origine marocaine, a ainsi pu retrouver ses élèves. «On a passé une journée plutôt normale sous haute sécurité», confie l'enseignante d'anglais et de néerlandais. «Maman il est marocain, quand j'irai à l'école, ils vont me confondre avec lui» Mais cette reprise du cours normal de la vie se fait sur fond de peur. «C'est très dur. Surtout que l'Etat ne nous dit pas tout, ce n'est pas comme en France», explique-t-elle. Ces derniers jours aussi ont été difficiles pour elle, comme pour tous ceux qu'elle côtoie. «On était tous enfermés, confinés, cela suscite la peur», ajoute l'enseignante. Selon Najat, les enfants sont ceux qui ont le plus souffert de cette situation. «Je l'ai vu avec mes élèves, mais aussi avec ma fille de 8 ans», affirme la jeune maman qui a dû rassurer sa petite le soir où l'identité de l'un des membres du commando des attentats de Paris a été révélée. «Elle m'a dit : "maman il s'appelle Abdeslam (Salah Abdeslam, ndlr), il est d'origine marocaine et habite à Molenbeek. Donc quand j'irai à l'école, ils vont me dire que je suis comme lui"». Efforts politiques et médiatiques Toutefois, elle assure ne pas souffrir des confusions tant redoutées. «Les gens sont plutôt sympas, ils ne nous mettent pas dans le même sac. C'est vrai qu'il y a eu quelques actes islamophobes ici et là, mais personnellement je ne ressens pas l'amalgame. Je trouve que les médias ont bien fait leur boulot», estime la jeune dame. Avis partagé par Khalil Zeguendi, rédacteur en chef du Maroxellois. «Les hommes politiques invitent régulièrement les gens à éviter l'amalgame. Et les gens savent bien que tous les musulmans ou même tous les Marocains ne sont des pas terroristes», explique-t-il. Cependant, «il y a une sorte d'inquiétude au sein des familles marocaines quant à l'extrême droite qui aime traditionnellement se servir de ce genre de situation». Le journaliste note, également, des messages de haine véhiculés sur les réseaux sociaux qui peuvent favoriser les dérapages. Dans les coins branchés, le rapport change un peu Lhoussaine Ouachen, estime la chose très présente. «On le ressent dans le rapport humain, après c'est une réaction que je considère comme "normale" après ce qu'il s'est passé», confie le président de l'association socio-culturelle Ligne de mire. Par son activité, c'est un habitué des lieux branchés de la capitale. «Je ne sais pas comment l'expliquer, mais je me rends dans les milieux branchés de Bruxelles depuis les attentats, je sens que le rapport n'est plus tellement le même. Il y a une peur qui s'est installée, la peur de l'étranger, qui plus est marocain», explique l'homme qui est un abonné des salles de spectacle. Pour lui, la communauté marocaine «est désormais la plus ciblée et la plus crainte». «Ces jeunes ne sont pas venus du Maroc, ce sont des produits de la société belge» Et il n'est pas le seul à le penser. En tant qu'homme politique, Khalid Mansouri est souvent au contact des belges dans leur globalité. Et pour lui, il ne fait aucun doute que «la sensibilisation populaire autour du terrorisme pèse sur la communauté marocaine». «Ce n'est pas la joie», estime ce conseiller municipal à Saint-Gilles-lez-Bruxelles, au centre-sud de la capitale. D'après lui, le problème de la Belgique à ce niveau est interne et devrait être vu comme tel. Autrement dit, la peur de l'autre en raison de son origine ne devrait pas s'installer. «Les jeunes qui ont participé aux attentats de Paris ne sont pas venus du Maroc. Ce sont des gens de la deuxième, voire de la troisième génération. Ce sont donc des produits de la société belge», juge-t-il. Aujourd'hui, la Belgique met tout en œuvre pour éviter le pire sur son territoire. Après avoir demandé l'aide du Maroc en début de semaine, Bruxelles a ramené de 4 à 3 son niveau d'alerte cet après-midi. Beaucoup s'interrogent sur le déroulé des événements dans les jours à venir, surtout avec l'arrivée du mois de décembre et le début des festivités de fin d'année. Ismaël Saïdi, interdit d'accès dans un bar bruxellois La peur manifestée dans les coins branchés de Bruxelles dont parle Lhoussaine Ouachen est confirmée par l'artiste d'origine marocaine, Ismaël Saïdi. L'auteur, metteur en scène et comédien de la pièce « Jihad » -qui retrace le parcours de trois jeunes bruxellois partis combattre en Syrie- était accompagné de deux autres hommes d'origine maghrébine lorsque l'accès à un bar-café leur a été interdit, rapporte RTL.