Une nouvelle confrontation entre conservateurs et modernistes se profile au Maroc. Les protagonistes sont deux organismes officiels rattachés directement au roi Mohammed VI. Le Conseil supérieur des oulémas prépare sa répliquer aux recommandations du Conseil national des droits de l'Homme, notamment sur la question de l'héritage. Le Conseil supérieur des oulémas (CSO) s'apprête à réagir à la proposition du CNDH d'amender le Code de la famille afin de permettre aux femmes de bénéficier des mêmes droits successoraux que les hommes, nous confie une source au ministère des Affaires islamiques. L'instance officielle religieuse du Royaume estime que le CNDH a dépassé ses prérogatives en empiétant sur un domaine strictement réservé au Commandeur des croyants qui est à juste titre le président du CSO. Les oulémas seraient en train de préparer leur réponse afin qu'elle soit claire et directe «mais sans tomber dans les dérives de certaines réactions de personnes ne relevant pas de sa tutelle», précise la même source. Une allusion aux sorties médiatiques de religieux marocains demandant, par exemple, le jugement des responsables du CNDH. Ainsi, le très controversé cheikh Abdebari Zemzemi a qualifié la recommandation de la révision des règles de l'héritage en vigueur au Maroc d'appel à la «Fitna» et à la «discorde». Et c'est d'ailleurs le même son de cloche auprès quasiment de tous les religieux «indépendants». Ce qui met davantage de pression sur l'institution officielle qui se doit de répliquer au CNDH mais de façon modérée. Le Conseil a déjà répondu en 2008 au roi «La position du Conseil supérieur des oulémas devrait être un rappel à l'ordre adressé à certaines milieux modernistes», souligne notre interlocuteur, ajoutant que le CSO s'était déjà exprimé sur le sujet il y a sept ans. Pour mémoire le 19 décembre 2008, le Conseil avait publié un communiqué sur l'annonce, faite neuf jours auparavant, par le roi Mohammed VI de la levée des réserves du Maroc sur certaines articles (2,9 et 16) de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard de la femme. Dans une lettre adressée au CCDH (devenu depuis CNDH) à l'occasion du 60ème anniversaire de la Journée mondiale des droits de l'Homme, que ces «réserves [étaient] devenues caduques du fait des législations avancées qui ont été adoptées par notre pays». Prenant le contre-pied de l'engagement royal, le Conseil des oulémas avait souligné, mais avec déférence, que les «constantes religieuses et les préceptes de la Charia énoncés par le Saint Coran ne peuvent faire l'objet d'Ijtihad comme c'est le cas notamment pour les préceptes régissant l'héritage». Et de conclure que «Amir Al Mouminine est le garant de l'attachement à ces constantes et qui conduit le pays vers toutes les formes de progrès, ouvert et bénéfique, ne peut recommander l'illicite ou interdire le licite».