Le Maroc n'a pas pris part à la réunion, la semaine dernière en Jordanie, des chefs des armées de dix pays arabes. Mais, cela ne l'a pas empêché de se joindre aux partisans de la solution militaire contre Bachar el-Assad. Un régime avec lequel, les relations n'ont jamais été vraiment bonnes. Et pour cause, Damas abrite, depuis des années, une représentation du Polisario. Pire encore, le tapis rouge avait même été déroulé pour Mohamed Abdelaziz lors de son voyage en Syrie en 1987. Après six jours de silence, le Maroc condamne «le massacre ignoble commis dans la région syrienne de Ghouta». Un communiqué du ministère des Affaires étrangères, relayé hier par la MAP, assure que le royaume «a suivi avec consternation les crimes horribles, perpétrés dernièrement dans la région de Ghouta, dans la banlieue de Damas ayant fait des milliers de morts et de blessés». Rabat «appelle la communauté internationale à œuvrer pour trouver une solution à même de sauver le peuple syrien et lui fournir des aides urgentes», ajoute le même communiqué. Le Maroc pointe du doigt la responsabilité du régime de Bachar Sans attendre même les conclusions des enquêteurs de l'ONU dépêchés sur place, le texte du département d'El Othmani «prend pour responsable le régime syrien des évènements et des conséquences qui en découleront». Une position qui s'aligne sur celles des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne, de la France et surtout de l'Arabie saoudite. Riyad est un fervent partisan de la solution militaire pour déloger ses ennemis proches des chiites et de l'Iran, au pouvoir à Damas depuis 1970. Quelques heures avant que ce texte ne soit rendu public, le représentant marocain au sein de la Ligue arabe, au Caire, a voté en faveur d'une résolution qualifiant le massacre de Ghouta de «crime horrible mené avec des armes chimiques internationalement interdites» et appelant le conseil de sécurité de l'ONU à s'unir pour mettre fin à un «génocide mené par le régime syrien depuis plus de deux ans». Un appel du pied aux Quinze pour donner leur accord pour une intervention militaire occidentale contre le pouvoir syrien. Mohamed Abdelaziz était l'invité d'el-Assad père en 1987 Depuis l'éclatement du conflit au Sahara occidental, le Polisario a toujours bénéficié d'un traitement particulier de la part des responsables syriens. Sous le règne sans partage de Hafez el-Assad (1970-2000, date de sa mort), les amis de Mohamed Abdelaziz ont pu même avoir une représentation officielle à Damas. Un privilège accordé à des mouvements de résistances arabes très connus, tels que l'antenne des Frères musulmans à Gaza, le mouvement Hamas, et le Hezbollah, sans compter les organisations palestiniennes hostiles à la politique de Yasser Arafat. Ce bureau existe toujours, il est même présidé par le frère d'un ancien cadre du Polisario ayant rallié le Maroc. Son ouverture est, en effet, le couronnement d'un déplacement officiel de Mohamed Abdelaziz en Syrie en 1987. Un voyage préparé par Alger et Tripoli. A l'époque, le n°2 du FLN algérien, Mohamed Cherif Messaâdia, avait effectué plusieurs voyages à Sebha où séjournait Kadhafi pour finaliser les dernières retouches d'une visite hautement importante pour le voisin de l'Est. La rencontre du chef du Polisario avec Hafez el-Assad a bien eu lieu le 10 mars 1987. Une sorte de «riposte» de l'ancien homme fort de Damas à la réunion d'Ifrane, en juillet 1986, entre Hassan II et l'ancien premier ministre israélien Shimon Pérès. Pour mémoire, la Syrie avait mené une offensive diplomatique contre Rabat, contraignant Kadhafi à mettre un terme à son «union arabo-africaine» avec Hassan II, conclue deux ans auparavant en grande pompe. Elle était même allée plus loin en rompant ses relations diplomatiques en signe de réprobation de ladite rencontre. Avec Bachar, l'embellie est de courte durée Avec l'arrivée de Bachar au pouvoir, le 17 juillet 2000, les relations maroco-syriennes connaissent une embellie passagère. Même pas une année après son «investiture», le jeune ophtalmologue promu président effectue, du 9 au 11 avril 2001, une visite officielle au Maroc. Mars 2005, les deux chefs d'Etat se réunissent de nouveau en marge du sommet arabe, tenu à Alger. Un mois plus tard, le souverain est à Damas. Un voyage qui s'inscrit dans la cadre d'une tournée dans certains pays du Golfe et du Moyen-Orient. Durant ces années, c'est la coopération sécuritaire qui était la locomotive du train des relations entre les deux pays. Damas a, à plusieurs reprises, procédé à l'arrestation et à l'extradition de jeunes marocains qui projetaient de rejoindre les rangs d'Al Qaïda en Irak. Avec le début de la guerre civile en Syrie, le royaume, comme dans le cas libyen, a pris la tête du groupe des «Amis du peuple syrien». Il a même abrité, en octobre dernier, une de ses réunions. Ce positionnement est à l'origine de l'attaque de la représentation diplomatique du Maroc à Damas, en novembre 2011. Rabat avait alors réagi en rappelant son ambassadeur pour «consultation». La tension entre les deux pays a retrouvé son train normal, celui des années 70, 80 et 90. Elle-même atteint son paroxysme lors de la très célèbre passe d'armes, en août 2012, entre les représentations du Maroc et de la Syrie au Conseil de sécurité et la visite du roi Mohammed VI dans le camp des réfugiés syriens de Zaâtari en Jordanie.