En France, une énième mosquée, la quinzième depuis le début de l'année 2013, vient d'être profanée, ce week-end, avec les inscriptions «France aux Français», «100% cochon» et une croix gammée. Islamophobie, Conséquences de la multiplication des discours haineux ou simple revendication de la laïcité ? Pour l'essayiste Guillaume Weill-Raynal, la ligne rouge a, en tout cas, été franchie. Dans une lettre ouverte adressée à Christine Taubira, il tire la sonnette d'alarme. «Madame la Ministre, depuis quelques années, déjà, nous nous habituons. Nous nous étions habitués à entendre des journalistes respectables, ou tenus pour tels, avouer sans gêne être "un peu islamophobe», écrit l'essayiste Guillaume Weill-Raynal, dans une lettre ouverte destinée à la ministre de la Justice française Christine Taubira, publiée, mercredi 15 mai, par Le Plus du Nouvel Observateur. «Nous nous sommes accoutumés à voir fleurir périodiquement, comme des marronniers, les couvertures sensationnalistes et racoleuses d'hebdomadaires et de magazines consacrées à l'islam sur le ton du "ce-qu'on-n'ose-pas-dire", qui entretiennent avec beaucoup de démagogie et de confusion la peur du foulard, du hallal, des prières des rues, du terrorisme international, de réalités sociales de pays fort éloignés, et qui n'ont en réalité d'autre but que d'entretenir une haine aussi préconçue qu'irrationnelle à l'encontre de certains de nos concitoyens», estime-t-il. Et de poursuivre : «Ces dérives sont devenues tellement courantes qu'elles finissent par nous apparaître, même quand elles nous heurtent, comme le cadre "acquis", et donc inévitable, dans lequel le débat serait dorénavant appelé à se poursuivre». Où est la limite ? «Mais où est la limite ?», s'interroge par la suite Guillaume Weill-Raynal. Celle-ci a bien été «franchie ces dernières semaines», affirme-t-il. Le 17 février dernier, Robert Menard, journaliste-polémiste et fondateur de Reporters sans frontières était, en effet, invité à commenter le sondage du Monde, selon lequel 74% des Français voient l'islam comme incompatible avec les valeurs de la République, sur la chaine Numéro 23. «C'est une religion dont (les Français) voient aujourd'hui qu'elle est agressive, dont ils voient aujourd'hui qu'elle est conquérante, dont ils voient aujourd'hui que bon nombre d'acteurs sont des gens qui leur font peur (…) oui, les gens en ont marre ! (…) ce n'est pas une religion sympathique ! Je regrette, mais Mahomet, c'est pas un prophète sympathique ! Le Christ, quand il plaide pour l'amour, ça me parle plus qu'un type qui fait la guerre et qui à peu près, dans la deuxième partie de sa vie, a tué bon nombre de gens (…) cet islam, il vient nous bouffer notre oxygène !», avait-il soutenu lors de son intervention. «Tirer dans le tas» Quelques jours plus tard, le 1e mars 2013, le site Boulevard Voltaire, animé géré, entre autres, par le même Robert Menard, revient à la charge en publiant un article «qui fait froid dans le dos», déplore Guillaume Weill-Raynal. L'article en question, intitulé "Que faire des musulmans une fois le Coran Interdit ?", illustré par une pancarte verte indiquant la sortie, est de l'œuvre de Christine Tasin, ancienne professeure de lettres classiques qui écrit notamment pour le site Riposte Laïque, ayant fait du combat contre «l'islamisation de la France», son principal cheval de bataille. Dans sa tribune, Christine Tasin dit rêver d'«une loi interdisant la pratique de l'islam en France». Si celle-ci venait à être appliquée, «il y aura contestations, émeutes et même menaces terroristes». Pour l'auteure, la solution est simple : l'armée. Cette dernière, «dépêchée à chaque menace, n'hésitera pas à tirer dans le tas. C'est terrible, mais il n'y aura pas d'autre solution pour calmer le jeu et imposer notre loi», estime-t-elle. Hallucinant «Cet article hallucinant, qui dépasse tout ce que l'on pouvait imaginer en matière d'incitation à la discrimination, à la haine raciale et religieuse, circule depuis deux mois sur les réseaux sociaux. Il n'a cependant fait l'objet d'aucune polémique, d'aucune protestation officielle, d'aucune action des associations antiracistes, auxquelles je l'ai pourtant signalé», regrette Guillaume Weill-Raynal. Et de conclure : «Madame la ministre, il serait impensable, face à une infraction aussi haineuse et caractérisée que vous demeuriez inactive, et que vous ne donniez pas pour instruction immédiate à vos services d'engager des poursuites contre l'auteur de cet article et les responsables du site qui l'a publié. Si un cas aussi grave n'est pas sanctionné aujourd'hui, lequel pourra l'être demain ?». Selon l'Observatoire contre l'islamophobie, une cinquantaine d'actes antimusulmans ont été enregistrés auprès des services de police et la gendarmerie lors du premier trimètre 2013, soit 25% de plus que la même période de l'année dernière. Le dernier en date remonte seulement au weekend dernier. Dans la nuit de vendredi au samedi 11 mai, les inscriptions «France aux Français», «100% cochon» et une croix gammée ont été inscrites à la bombe sur les murs de la mosquée de Illzach, près de Mulhouse.