En 8 ans, le nombre d'Espagnols à vivre au Maroc a été multiplié par 4. Eldorado pour quelques entreprises et cadres, il devient aussi une échappatoire possible pour des travailleurs espagnols chassés de leur pays par un chômage endémique. « Avec les migrations, toujours s'attendre à l'inattendu», rappelle la chercheuse Hein de Haas. Depuis un an, l'air marocain bruissait d'Espagne. Des entrepreneurs, des employés, des ouvriers et mêmes des mendiants étaient découverts à Tanger : tous Espagnols. Cette fois l'information est chiffrée. Le nombre d'Espagnols installés au Maroc, la deuxième communauté étrangère après les Français, a été multiplié par 4 entre 2003 et 2011, selon l'Institut National espagnol de la Statistique, révèle Christan Science Monitor, jeudi dernier, 21 mars. «Avant, il y avait beaucoup de travail ici [en Catalogne, ndlr] et des Marocains sont venus travailler, il est normal que maintenant, ce pays soit attrayant pour les gens qui sont ici [en Catalogne, ndlr] et qui veulent y aller pour gagner leur vie», déclarait Artur Mas, chef du gouvernement de Catalogne, après sa rencontre, en mai 2012, avec Abdelilah Benkirane, chef du gouvernement marocain. Aujourd'hui, la crise économique est telle en Espagne qu'il devient plus facile, pour certains de trouver un emploi au Maroc qu'en Espagne. Dans son reportage, «Le monde à l'envers», Rose Gunson, interroge Marco Martinez Bacelo. Son histoire rappelle fâcheusement celle des chibanis, partis sans leur famille, pour gagner leur vie à l'étranger, mais lui n'a qu'une petite quarantaine d'année et il est Espagnol. Il y a un an, il a perdu son emploi dans une compagnie d'électricité dans son pays d'origine. Il en a finalement trouvé un autre, mais seulement six mois plus tard, il subit à nouveau une mise à pied. C'est alors qu'il décide de quitter sa femme et ses deux jeunes enfants pour le Maroc. Il est aujourd'hui mécanicien à Tanger et sa famille lui manque. Le monde à l'envers, reportage de Rose Gunson Ce reportage prouve que les Espagnols qui s'installent au Maroc ne sont plus seulement des entrepreneurs en quête de nouveaux marchés en croissance ou de bas coût de main d'œuvre, comme le soulignait encore Beatriz Mesa, chercheuse basée à Rabat, dans sont enquête «L'eldorado marocain ravive la saison d'immigration des Espagnols vers le sud», publiée sur dw.de, début mars. Dans un précédent reportage, d'une chaîne télévisée néerlandaise, l'an dernier, les Espagnols rencontrés dans le nord du Maroc, n'étaient pas des cadres ou des dirigeants d'entreprise, possédant quelques compétences rares au Maroc, mais des employés comme le pays en compte des milliers. Il montre deux Espagnoles qui travaillent dans des centres d'appels à Tanger. L'une d'elles ne gagnent pas suffisamment pour rentrer en Espagne régulièrement et se désespère. Leur employeur feuillette devant la caméra plusieurs CV envoyés par d'autres Espagnols. Reportage sur l'immigration espagnole au Maroc, chaîne néerlandaise Hein de Haas, co-directeur de l'Institut International sur les Migrations (IMI) au Départment du Développement internation de l'Université d'Oxford, lutte contre le sentiment de surprise associée à la découverte de cette nouvelle immigration. «La représentation «Afrique = misère» est trompeuse. Elle remonte directement à l'époque coloniale, quand les Européens se sont fabriqués des stéréotypes sur l'Afrique en «retard», le tribalisme, le chaos et la pauvreté pour justifier leur mission «civilisatrice» coloniale», explique-t-elle dans un billet publié sur son blog. Pour le chercheur, cette nouvelle donne, même si elle ne devait pas durer en raison du redressement économique de l'Europe, devrait apprendre aux Européens à relativiser leur position. «Pendant des siècles, les Européens ont pris pour acquis que c'est leur droit de «découvrir», d'occuper, conquérir, visiter et s'installer dans des pays étrangers - sans demander la permission. […]«Nous» trouvons normal que les Africains aient besoin de visas pour entrer dans l'Europe, mais nous pensons qu'il est de notre droit naturel à voyager à l'étranger», rappelle-t-elle.