«Ce n'est pas une affaire de nationalisme ou de chauvinisme, mais il faut voir les réalités en face. L'objectif, ce n'est pas d'augmenter le rang au classement mondial, mais d'améliorer le quotidien des entrepreneurs et l'environnement de l'entreprise», indique Fouzi Mourji, économiste à l'université Hassan II, à Casablanca, lors d'une conférence organisée par le Centre des Jeunes Dirigeants (CJD). Celui-ci réagissait aux «commentaires et autres ressentis entendus, ici et là, au lendemain lors de la sortie du classement mondial «Doing Business» - instrument de mesure du climat des affaire dans 183 pays - où le Maroc figure à la 73ème place (sur 134). «Une régression dans un classement mondial ne traduit pas une dégradation interne, elle peut aller de pair avec des progrès réels, mais pas en terme relatif. Il faut savoir que les indicateurs sont multiples et leur pondération est subtile», précise Fouzi Mourji. Du côté des indicateurs propres au classement mondial du climat des affaires, il y a la perception de l'économie, l'éducation et le capital humain, la corruption et l'éthique, environnement et santé, voyage et tourisme, infrastructures, innovation et technologies, la concurrence et le respect des normes qualités ou encore la stratégie des entreprises comme le traitement des clients ou l'attribution de poste à responsabilité. C'est dire la diversité et la complémentarité de l'enquête industrielle soumise aux «patrons» de PME / PMI marocaines. Pour ce qui est des points forts du Maroc, on y trouve la stabilité politique et la régulation des changes. Quand aux points faibles, ils sont (plus) nombreux : accès au financement, corruption et bureaucratie, infrastructures, inadéquation emploi / formation, taux et taxes. En outre, le capital humain peine... «Depuis 2007, de plus en plus d'entrepreneurs se plaignent d'éprouver les pires difficultés à recruter du personnel. Deux lectures sont possibles. Est-ce un signe fort de la vitalité du tissu industriel ? Ou un indicateur fiable qui a trait au déficit en formation des ressources humaines?», indique Naji Benhassine, économiste à la Banque mondiale. Il ajoute que «le Maroc ne met pas suffisamment l'accent sur la diversification de ces produits exportés. Pour une gamme de produits exportés qui s'élève à 1200 pour le Maroc, la Chine est à plus de 5000 et le Brésil à environ 3000 produits voués à l'exportation», dit-il. Outre cet aspect, l'économiste à la Banque mondiale déclare que «ce qui revient le plus souvent dans la bouche des entrepreneurs, c'est le décalage perçu entre l'annonce des réformes et l'application réelle. Le gap est important et cela se répercute sur le climat des affaires. 60 % des chefs d'entreprises sondés dénoncent les privilèges à la compétition. En clair, une forme de concurrence déloyale et d'inégalité», ajoute Naji Benhassine. Toujours selon les dires de l'économiste, le Maroc doit pouvoir se libérer du diktat des classements internationaux, construire un tableau de bord de mesures de l'efficacité des services aux entreprises et évaluer les politiques publiques et les interventions. «Dans les pays d'Asie, les Etats font preuve de beaucoup de réactivité devant une réforme ou une mesure qui s'avèrent déficientes. Ils n'hésitent pas à suspendre voire à stopper net une initiative publique contre productive pour l'économie. Il n'y a pas de mal à retirer une politique publique qui ne marche pas», ajoute l'économiste à la Banque mondiale, avant de conclure. Il faudrait plus de dynamisme dans la création la destruction d'entreprises, conditions nécessaires pour favoriser une croissance soutenue, ainsi que plus de concurrence et de concurrents. De plus, au rayon des revendications des patrons de PME, elles ne doivent pas être différentes de celles exprimées par l'organisation patronale auprès du gouvernement. Le secteur privé doit être mieux organisé, plus renouvelé et plus représentatif», indique Naji Benhassine.