L'Algérie vient de décider un boycott pur et simple de toutes les marchandises transitant par les ports marocains. Une mesure politique qui bénéciera directement aux ports espagnols avec un renchérissement pour les algériens. Décryptage. Dans sa guerre contre le Maroc, l'Algérie a ouvert un nouveau front, aux premiers jours de l'année 2024. L'Association professionnelle des banques et des établissements financiers (ABEF) a décidé de «refuser toute opération de domiciliation pour les contrats de transport qui prévoient le transbordement/transit par les ports marocains». L'ABEF invite les entreprises algériennes à «s'assurer auprès des opérateurs économiques que le transbordement/transit n'intervient pas par les ports marocains». L'ordre donné a coïncidé avec l'entrée en vigueur, depuis le 1er janvier 2024 dans l'espace de l'Union européenne, du nouveau système de taxation des émissions CO2 pour les navires. En effet, en 2024, 40% de ces émissions sont soumises à une taxation. En 2026, elle passera à 100%. Une charge financière de plus pour les grands transporteurs internationaux de produits, notamment en provenance d'Amérique du sud à destination du marché algérien. La décision de l'Association professionnelle des banques et des établissements financiers est destinée à dissuader les grands transporteurs internationaux qui comptaient se tourner vers le Maroc afin d'échapper à la nouvelle taxe carbone imposée par l'Union européenne et y effectuer les opérations de transbordement des produits achetés par l'Algérie. Une mesure qui profite aux ports espagnols Faute d'avoir un port algérien de la taille de Tanger Med capable d'accueillir ces grands navires, ce sont les ports espagnols, notamment Alicante, qui jouent le rôle de hub pour les importations algériennes où elles sont transbordées dans des plus petits bateaux en direction d'Alger ou Oran. L'ordre donné par l'ABEF fait donc les affaires des ports espagnols au détriment du pouvoir d'achat des Algériens qui subiront le surcoût de la taxe carbone européenne, même pour des produits importés hors UE. Pour mémoire, le président de l'Autorité portuaire d'Algésiras, Gerardo Landaluce, a mis en garde contre «les pertes importantes de la compétitivité des ports européens» avec l'entrée en vigueur de la taxe carbone. Dans des déclarations à la presse ibérique le 2 janvier dernier, il a affirmé que le port Tanger Med sera le grand bénéficiaire du nouveau régime de taxation des émissions CO2, soulignant à contrario que les ports algériens ne représentent pas une menace pour les ports espagnols et européens. La décision de l'Association professionnelle des banques et des établissements financiers s'inscrit en droite ligne des instructions données par le président algérien. Pour rappel, Abdelmadjid Tebboune avait ordonné, en mai 2021, la «résiliation immédiate» de contrats avec des sociétés marocaines. Il avait aussi enjoint au ministère des Finances d'arrêter les opérations de transferts de dividendes liés à ces contrats aux opérateurs marocains «proches de lobbys ennemis de l'Algérie». Tebboune avait alors invité les entreprises algériennes à faire preuve «de responsabilité et de circonspection dans leurs relations avec les partenaires étrangers, en veillant en toutes circonstances à la préservation des intérêts supérieurs de l'Etat».