Le port de Tanger Med continue de préoccuper le gouvernement espagnol. Cette fois, le voisin ibérique prétexte de la mise en place d'un nouveau système européen de taxation des émissions CO2, pour alerter de la «perte de 60% du trafic maritime» de ses ports au profit du Maroc. L'Espagne se prépare à défendre bec et ongles les intérêts de ses ports contre la «menace» émanant du port Tanger Med, rapporte l'agence Europa Sur. C'est le message martelé, hier, par le président de la société publique Ports de l'Etat, Alvaro Rodriguez Dapena lors de sa participation à une conférence organisée par un média ibérique, mettant en garde contre la «fuite du trafic» des installations portuaires espagnoles, notamment Algesiras, vers le Maroc. Il a affirmé que la mise en place (progressive entre 2023 à 2026, ndlr), du système de l'Union européenne de contrôle et de taxation des émissions de CO2 du transport maritime, profitera naturellement à Tanger. Pour éviter un tel scénario, Rodriguez Dapena a indiqué que son entreprise prévoit de travailler avec les trois ports espagnols éventuellement «les plus affectés» par les nouvelles normes écologiques européennes (Algésiras, Valence et Barcelone) ainsi qu'avec d'autres pays de l'UE, pour faire face à ses conséquences. En effet, un rapport rédigé à la demande de l'Autorité portuaire de la baie d'Algesiras estime que l'entrée en vigueur de ces mesures devrait entrainer la perte jusqu'à 60% des opérations de transbordement de conteneurs du port d'Algésiras au profit de Tanger Med. Cela devrait mettre en danger environ 1 600 emplois directs et avoir un impact régional indirect plus large allant jusqu'à 4 200 emplois à Algésiras. Aussi, le président de la société publique ports de l'Etat a appelé à «empêcher les fuites de trafic vers les ports qui ne sont pas soumis à ces obligations environnementales». Bien avant les nouvelles normes européennes, Tanger Med préoccupe les Espagnols Alvaro Rodriguez Dapena a tenu à terminer son intervention sur une note d'optimisme, manifestant la volonté de sa société à chercher les meilleures voies pour se conformer aux transformations environnementales et technologiques requises par le plan européen, tout en faisant face à la fuite du trafic des ports espagnols. Ces avertissements de la part du président Dapena sont en droite en ligne avec les préoccupations exprimées, en novembre 2021 et depuis Bruxelles, par le président de l'Autorité portuaire de la baie d'Algesiras, Gerardo Landaluce. «Nous défendons tous la protection de l'environnement, mais nous devons analyser comment elle est légiférée en la matière car nous faisons face à un avenir incertain. Il faut maintenir la concurrence avec Tanger Med à armes égales», avait-il déclaré à la presse, après une réunion avec des représentants de la Commission européenne. Force est de constater que bien avant l'adoption de ses normes écologiques, Tanger Med donnait des soucis aux Espagnols. Pour rappel, le même responsable avait alerté, le 29 juin, de l'impact de la crise entre Rabat et Madrid sur «la compétitivité du port d'Algésiras», agitant alors l'épouvantail du projet de l'établissement d'une liaison maritime entre Tanger et Portimao au Portugal pour faciliter le retour des MRE sans passer par les ports espagnols. Landaluce avait dit redouter que cette connexion, qui n'a pas encore vu le jour, puisse évoluer vers le transport des conteneurs entre le deux pays. Par ailleurs, le dernier bilan de l'activité de Tanger Med pour l'année 2021, publié mercredi, devrait préoccuper davantage les responsables espagnols. Il a fait état d'un record de trafic de conteneur en Méditerranée avec 7 173 870 conteneurs, soit une croissance de 24% par rapport à 2020. Cette performance est le fruit du démarrage du terminal TC3 en 2021, appuyant la montée en régime du port. Un autre record de la zone a été établi par le port en 2021, avec 101 054 713 tonnes de marchandises manutentionnées, une croissance de 25% par rapport à l'année précédente. Les préoccupations exprimées par Alvaro Rodriguez Dapena ont animé, hier, le débat sur la Chaine Canal Sur. Outre la «menace» de Tanger Med, les intervenants ont alerté du projet du port Nador West Med sur les recettes des ports espagnols en Méditerranée.