Malgré un exercice 2020 marqué par la fermeture des frontières et la baisse du commerce international, le port de Tanger Med a réussi à tirer son épingle du jeu en se positionnant en tant que leader régional sur le trafic de conteneurs. Pari réussi pour Tanger Med qui est désormais le premier port à conteneurs en Méditerranée. Le complexe portuaire a, en effet, enregistré en 2020 un total de 5,7 millions de conteneurs manutentionnés. Ce qui représente une hausse de 20% par rapport à l'exercice 2019, sans que l'effet Covid ne se fasse ressentir sur cette activité. Une résilience face aux effets de la pandémie s'est par ailleurs traduite par la progression de 23% enregistrée au niveau du tonnage global traité, qui s'est établi à 81 millions de tonnes en 2020. L'agence spéciale Tanger Med - ou TMSA - revendique ainsi de « traiter près de 47% de l'ensemble du tonnage portuaire du Royaume ». Les opérateurs espagnols inquiets Une hausse de régime qui vient conforter la volonté du Royaume de se positionner comme un hub entre le continent africain, l'Europe et l'Atlantique Nord. La performance du complexe portuaire au niveau du trafic de conteneurs interpelle également l'importance de la concurrence au niveau de la rive Nord de la Méditerranée. En plus de son voisin immédiat d'Algesiras, le réseau portuaire espagnol compte également sur les installations de Motril, Tarifa, Almeria, Valence ou encore Barcelone. Une concurrence ou complémentarité en fonction des segments d'activité qui n'a pas empêché l'infrastructure de boucler un exercice 2020 dans le vert. Bien que le port d'Algesiras demeure leader au niveau des flux de marchandises, avec 100 millions de tonnes acheminés via ses terminaux, l'Autorité portuaire de la Baie d'Algésiras (APBA) multiplie les sorties pour solliciter de nouveaux investissements. Le management de l'autorité a par ailleurs identifié le manque d'infrastructures et la montée en puissance de Tanger Med, comme les principaux défis du complexe portuaire andalous. Le complexe portuaire de Ksar Sghir a, en effet, réussi à dépasser sur l'activité conteneurs les ports d'Algesiras et de Valence, qui trustaient traditionnellement l'activité. Ce dernier était jusqu'à maintenant leader sur ce segment d'activité, mais qui n'a pu dépasser les 5,43 millions de conteneurs traités en 2020. Un chiffre équivalent à celui enregistré en 2019. Une stagnation qui s'est également fait ressentir au niveau du port d'Algesiras qui cumule 5,2 millions de conteneurs traités dans ses terminaux. L'APBA tire la sonnette d'alarme L'APBA a ainsi pointé du doigt la capacité exponentielle de Tanger Med, dont l'infrastructure dispose d'une capacité d'accueil allant jusqu'à 9 millions de conteneurs et 700.000 camions Transit International Routier (TIR). S'y ajoute une capacité d'assurer le transit de 7 millions de passagers et d'exporter un million de véhicules. Une capacité portuaire qui s'intègre dans un vaste mouvement de modernisation de l'infrastructure régionale et nationale. Tanger Med dispose, pour rappel, d'une connexion ferroviaire et autoroutière. Une infrastructure, notamment ferroviaire, qui fait défaut au port d'Algesiras et dont l'APBA a fait une priorité et maintient un lobbying forcé pour décrocher cet investissement de Madrid. Le segment escale fait également partie des activités où les opérateurs portuaires espagnols craignent la concurrence marocaine. Dans une sortie médiatique, José Luis Almazan, viceprésident de la Plateforme d'investisseurs portuaire espagnole, avait pointé du doigt « la concurrence sérieuse » que représente le port de Tanger Med pour les ports d'Algesiras, Malaga et Valence ! L'automatisation en cours des terminaux tangérois suscite également l'inquiétude des opérateurs espagnols. Pour ces derniers, leur offre portuaire, bien que plus fournie, peine à concurrencer le complexe tangérois sur les coûts, la flexibilité en termes d'organisation et les débrayages à répétition dus à des mouvements sociaux. Une combinaison jugée « préoccupante » par le lobby des opérateurs portuaires Des indicateurs au vert Le port tangérois a, par ailleurs, enregistré une hausse de 26% du trafic en vrac liquide, équivalent à 7,9 millions de tonnes d'hydrocarbures traitées. Une amélioration que TMSA justifie par le regain d'activité dans le segment du bunkering ou soutage au profit des navires transitant par le Détroit de Gibraltar. Un segment qui a généré à son niveau quelque 1,6 million de tonnes. Le trafic du vrac solide a également vu son niveau d'activité augmenté de 18%, pour un total d'un peu plus de 300.000 tonnes traitées en 2020. Une croissance qui s'explique par la demande du marché national en termes de bobines d'acier, de pales d'éoliennes ou encore de céréales. La résilience du port face aux effets de la pandémie n'a pas empêché ce dernier de voir certaines de ses activités se contracter ou stagner. En témoigne le trafic de camions TIR qui a vu son niveau d'activité se maintenir à 357.331 camions entre 2019 et 2020. Une tendance expliquée par TMSA par le ralentissement de l'activité de plusieurs unités industrielles, mais qui a été maintenue par les flux générés par le secteur de l'agro-alimentaire. Automobile et transport de passagers au ralenti Le trafic de véhicules neufs et manutentionnés s'est de son côté contracté. Les deux terminaux à véhicules du port n'ont ainsi vu transiter que 358.175 véhicules, ce qui représente une baisse de 28% par rapport à l'exercice 2019. Une contraction qui s'explique par la baisse de la demande européenne en véhicules conjuguée au ralentissement de la production des usines Renault et PSA durant la période de confinement (mars à mai). Autre segment ayant été durement touché par le contexte sanitaire, le trafic de passagers. Une activité qui a ainsi fondu de 75% en 2020, impactée par la suspension totale du flux de passagers lors de la fermeture des frontières et qui n'a que légèrement repris avec la réouverture des frontières en juin dernier. Les terminaux dédiés n'ont ainsi enregistré que 701.599 passagers lors de l'exercice 2020. Une baisse d'activité qui s'étend également au trafic maritime, avec un total de 9.702 navires ayant accosté au port de Tanger Med. Ce qui représente une baisse de 32% par rapport à 2019. Une tendance nuancée par une hausse des escales de navires de commerce. Le complexe portuaire a été choisi pour escale par 4.306 navires en 2020, soit une hausse de 10% par rapport à 2019. Une attractivité du port qui s'est également fait ressentir au niveau du segment des méga-ships dont 916 navires ont fait escale à Tanger Med. Ce qui représente une hausse de 14% pour ce segment à forte valeur ajoutée. Repères Le défi de la diversification Le port de Tanger Med est actuellement une pièce maîtresse entièrement intégrée dans les routes maritimes méditerranéennes et Nord-Atlantique. Le port assure ainsi le transit et les escales de navires en provenance des ports nord et sud-américains, européens et asiatiques via le canal de Suez. Reste à multiplier les liaisons entre le complexe tangérois et des ports africains comme ceux de Cotonou, Douala, Abidjan, Tema, Dakar ou encore Lomé rien que pour le versant atlantique. Des liaisons qui pourraient accompagner la montée en régime de l'industrie d'exportation marocaine, notamment sur les segments agro-alimentaire, automobile et dérivés des phosphates. Pour l'heure, seules les expéditions d'engrais phosphatés restent régulières tant sur le versant atlantique comme sur les ports est-africains (Tanzanie, Kenya, Mozambique) et d'Afrique australe (Durban). Une offre portuaire en expansion En plus de Tanger Med, l'offre portuaire marocaine devrait bientôt s'enrichir de nouvelles infrastructures, à l'image des projets de Nador West Med, Kénitra Atlantique, nouveau port de Safi et Dakhla Atlantique. Des ports gérés par l'Agence Nationale des Ports (ANP) qui s'attend à une croissance modérée du trafic de 3,6% en 2021, pour un volume global de 95,5 millions de tonnes de marchandises traitées. S'y ajoute l'extension d'infrastructures et la requalification de ports existants à l'image de Tanger ville, Kénitra, Casablanca et Safi. L'ANP ambitionne par ailleurs de dépasser le cap des 100 millions de tonnes en 2025. Reste à savoir si des possibilités de synergies entre l'offre ANP et celle de TMSA sont sérieusement étudiées et si un plan de convergence est en préparation.