Bien que sa langue ait été consacrée par la Nouvelle Constitution, la culture Amazighe n'en demeure pas moins toujours considérée comme une sous-culture au Maroc. Pour preuve, les bureaux d'états civils marocains, qui prétextent l'existence d'une «liste des prénoms approuvée» établie par le ministère de l'Intérieur, refusent encore à ce jour d'enregistrer de nombreux prénoms à consonance berbère. Décryptage. Il n'y a pas qu'au niveau de l'application des droits de l'homme que les discours ne collent pas toujours à la réalité au Maroc. Pour preuve, malgré la consécration de la langue amazighe par la nouvelle Constitution, les prénoms berbères continuent d'être mis à l'index par les bureaux d'état civil marocains. Pour justifier leur refus, ces derniers invoquent l'existence d'une «liste de prénoms approuvée» établie par le ministère de l'Intérieur, révèle Slate Afrique. Plusieurs cas de refus C'est ainsi que récemment, les parents de «Mazilia» en Belgique, ou de «Sifax» en Espagne, se sont vus refuser l'inscription des prénoms de leurs deux fils respectifs aux consulats marocains de ces deux pays. Et ils ne sont pas les seuls. A fin juillet, au moins six plaintes similaires avaient d'ores et déjà été déposées par des MRE n'ayant pas pu déclarer leurs enfants auprès des services consulaires marocains de leur pays. A chaque fois, la raison officielle invoquée était la même : ces prénoms ne font pas partie de la liste des prénoms masculins et féminins approuvés par le ministère de l'Intérieur. Curieux pourtant lorsque l'on sait que ladite liste, établie par l'ex-ministre de Hassan II, Driss Basri, en 1996, a été annulée par Dahir en 2002. Officieusement, et bien loin des velléités égalitaires de la Nouvelle constitution, il semblerait donc qu'elle soit toujours en vigueur, ce que réfute le ministère, qui dément d'ailleurs formellement l'existence d'une «liste des prénoms interdits». Et toute la subtilité est justement là dans la mesure où ce n'est pas une «liste de prénoms interdits» qui existe officiellement mais – attention, grande différence – une «liste des prénoms approuvés». Sur le site du ministère dédié aux consulats et ambassades, celle-ci est d'ailleurs explicitement mentionnée dans la procédure de déclaration de naissance. 60% de la population marocaine est d'origine amazighe Bien qu'elle ne soit plus consultable en ligne, il est fort à parier que son contenu ostracise pour une large part les prénoms à consonance berbère. Car à son origine, la loi 37-99 relative à l'état civil (article 21) stipule – verbatim – que «le prénom choisi par la personne faisant la déclaration de naissance en vue de l'inscription sur les registres de l'état civil doit présenter un caractère marocain et ne doit être ni un nom de famille, ni un nom composé de plus de deux prénoms, ni un nom de ville, de village ou de tribu.» Or, malgré le nouveau statut que lui reconnait officiellement la nouvelle Constitution, l'Amazigh demeure de fait une «minorité culturelle et linguistique» du Maroc. Une minorité qui, soit dit en passant, représente 60% des origines de la population marocaine. Donc une «minorité majoritaire » en somme. Soit un nouveau paradoxe. Mais le Maroc a l'habitude.