L'émigration est parfois la seule possibilité pour améliorer la situation économique de sa famille. C'est l'engagement que Maryem Al-Khalifi porte depuis son plus jeune âge. Pour atteindre son but, la jeune femme s'expatriera au Vietnam. Une destination lointaine et atypique pour les Marocains, mais qui lui donnera l'opportunité de réaliser ses rêves. Grimper dans un avion et quitter le Maroc pour de nouveaux horizons. Ce rêve, Maryem Al-Khalifi l'a beaucoup dessiné sur un bout de papier, jusqu'à ce qu'il devienne réalité. En 2019, elle s'envole pour le Vietnam après avoir a été acceptée comme bénévole pour enseigner l'anglais, comme elle le raconte à Yabiladi. Son déménagement dans ce pays asiatique de plus de 100 millions d'habitants n'a pourtant pas été facile. Mais les souffrances de l'exil étaient atténuées par la satisfaction de pouvoir aider ses parents et alléger leur fardeau. Maryem raconte en effet être «issue d'une famille pauvre» originaire de Zagora. «J'en suis fière. J'ai tellement souffert, que je n'avais pas de quoi acheter de ticket pour le bus. J'ai très tôt rêvé de travailler pour aider mes parents», raconte la jeune femme agée de 25 ans. Lorsqu'elle vivait à Rabat, ville où elle a grandi, elle tentait d'aider sa famille, parallèlement à ses études à l'Université Mohammed V, où elle a obtenu une licence au département d'économie en 2017. «Je travaillais pendant mon temps libre, en tatouant au henné lors de mariages, d'événements et dans des centres commerciaux», un savoir et un passe-temps qu'elle a acquis à l'âge de 10 ans. «J'ai aussi travaillé dans le nettoyage. Ça ne me dérangeait pas de travailler et d'étudier en même temps, ma seule préoccupation était d'aider mes parents à subvenir aux besoins de notre famille.» Diplôme en poche, Maryem cherche un emploi stable qui permettrait de subvenir à ses besoins tout en remboursant l'emprunt du logement social que ses parents avaient acheté. Elle deviendra assistante de direction dans une société immobilière mais le salaire ne lui permet pas de joindre les deux bouts. «J'ai décidé alors de réaliser mon rêve et j'ai cherché des opportunités d'emploi en dehors du Maroc. Je me suis inscrite sur l'un des sites proposant des offres de volontariat à l'étranger. Les offres étaient limitées, mais j'ai été acceptée pour travailler dans un hôtel à Taïwan et comme enseignante au Vietnam. Sans hésitation, j'ai choisi la deuxième offre.» Convaincre sa famille a été très difficile, «d'autant plus que nous, au Maroc, n'avons pas l'habitude d'émigrer vers ces pays. Comme beaucoup de Marocains, je rêvais de voyager en Europe». Maryem a donc choisi de mettre ses parents devant le fait accompli. Elle présente sa démission et réserve un billet d'avion aller-retour pour le Vietnam. Elle devait faire du bénévolat pendant trois mois et retourner au Maroc, et ce billet de retour avait pour unique but de convaincre ses parents. «Je voulais les rassurer sur le fait que je ne tarderais pas et que je reviendrais au Maroc après avoir acquis une nouvelle expérience», nous déclare-t-elle. En décembre 2019, Maryem commence sa nouvelle aventure en s'installant à Thaï Binh, ville située au sud-est du Vietnam, et travaille dans un centre pour enseigner l'anglais à des enfants. Mais malheureusement pour elle, quelques mois après son arrivée, la pandémie du Covid-19 a frappé le monde. Alors qu'elle espérait la prolongation de son visa suite à la promesse d'emploi par les responsables du centre, elle apprend que le Vietnam a décidé de renvoyer des volontaires étrangers dans leur pays. «La nouvelle a eu l'effet d'un coup de tonnerre. La plupart des étrangers sont partis, mais j'ai décidé de rester, car j'ai perdu tout ce que j'avais au Maroc, l'argent que j'avais économisé et mon travail». Elle décide alors de déménager dans la capitale vietnamienne, Hanoï. Elle loge temporairement dans la maison d'une connaissance, jusqu'à ce qu'elle trouve un centre qui accepte de la recevoir, en échange de cours d'anglais qu'elle dispenserait. «Une semaine seulement s'est écoulée, et le Vietnam a décidé d'imposer un confinement général. Le centre m'a donné trois jours pour partir, mais le billet de retour vers le Maroc n'était plus valable. Pire, le Maroc avait décidé entre-temps de fermer ses frontières. J'étais donc bloquée au Vietnam.» Au cours de cette période, l'ambassade du Maroc a contacté les quelques Marocains au Vietnam pour les aider. «Ils nous ont hébergés dans un hôtel pendant 15 jours, et après cela ils ont décidé de nous donner un montant pour louer un logement. Je me suis mise dans la recherche active d'emploi. Au bout d'un mois, un centre d'enseignement de langues m'a proposé un emploi que j'ai accepté malgré le bas salaire». Maryem a eu raison de prendre son mal en patience puisqu'une meilleure opportunité va vite lui sourire. «J'ai été acceptée comme enseignante dans l'un des meilleurs centres du Vietnam, pour un très bon salaire». Elle est maintenant professeur d'anglais à Ha Phuong, la troisième plus grande ville du Vietnam. Elle enseigne aux élèves de primaire et collège. Maryem pratique toujours son passe-temps et tatoue au henné à de nombreuses occasions, essayant d'introduire les coutumes et traditions marocaines, en préparant aussi des repas marocains. Elle est aussi devenue active sur les réseaux sociaux, à travers lesquels elle essaie d'encourager les Marocains à visiter le Vietnam, et surtout, «leur fournir une énergie positive, et leur montrer que rien n'est impossible en leur racontant [son] histoire». «Après être venue ici, j'ai réussi à réaliser une des choses qui n'était au départ qu'un rêve pour moi. J'ai pu offrir des conditions de vie décentes à ma famille et les aider à payer l'éducation de mes frères», affirme-t-elle avec fierté.