Du haut de ses 16 ans, Rhita apprend la bonne nouvelle. Elle est sélectionnée dans le cadre du YES Program pour une année académique aux «States», comme elle adore nommer le pays de l'oncle Sam. La jeune lycéenne de Casablanca n'en revient pas. C'est son rêve qui se réalise après plusieurs étapes de présélection à AMIDEAST, organisme américain à but non-lucratif, engagé dans des missions d'éducation, de formation et de développement international, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Rhita a du passer un premier test de présélection, un second test d'anglais avant de rencontrer le jury pour un entretien oral. «Au début, c'était un délire entre potes. En perdant un pari, je devais m'inscrire au Yes Program. Ça a marché» se réjouit la jeune fille. A quelques semaines de son départ pour les Etats-Unis, Rhita est partagée entre la joie de vivre cette nouvelle aventure et l'appréhension de quitter sa famille pour s'installer dans un pays qu'elle n'a jusque-là jamais visité. D'ailleurs, ses parents, pris d'assaut par la nouvelle, n'étaient pas consentants au départ. Ce n'est que lorsque le professeur d'anglais de Rhita est intervenu que le père a accepté. Yes Program, mode d'emploi AMIDEAST est une des sept organisations qui se sont associées pour dispenser une des composantes du Programme d'Echanges et d'Etude pour les Jeunes (YES). Financé par le Département d'Etat, ce programme de bourse offre aux élèves de l'enseignement secondaire dans des pays choisis au Moyen-Orient, en Afrique, et en Asie l'occasion de vivre et d'étudier aux Etats Unis pendant toute une année académique. Les bénéficiaires de cette bourse vivent avec des familles d'accueil, suivent des cours dans un lycée Américain et prennent part à des activités enrichissantes (des services à la communauté, des formations en leadership pour les jeunes, un programme d'éducation civique et d'autres activités qui les aident à développer une compréhension globale de la culture Américaine et des aptitudes en leadership). Ces étudiants jouent également le rôle d'ambassadeurs culturels en représentant la richesse de leur propre patrimoine culturel à leurs communautés d'accueil Américaines. Un étudiant YES a la chance de vivre au sein d'une famille américaine, de faire son expérience de la vie et de la culture des Etats-Unis, améliorer son niveau d'anglais et faire de nouvelles connaissances. La bourse YES couvre les dépenses les plus importantes dont le billet d'avion, la nourriture et l'hébergement, l'assurance maladie, l'argent de poche, et les fournitures scolaires. L'association des Yes Huit ans après le lancement du YES, quelques étudiants qui ont fait l'expérience du programme ont créé «l'Association marocaine des anciens YES». À travers des actions, des projets et des conférences, l'association dont le nombre d'adhérents augmente de plus en plus, tente d'apprendre aux gens le concept du «service communautaire». Tous les étudiants du YES sont d'accord sur le fait que l'année académique chez une famille d'accueil permet de renforcer le sentiment de l'engagement social et du nationalisme. A présent, les membres de l'association comptent étendre le réseau YES sur le plan national et international grâce à une coordination avec d'autres associations d'anciens YES créées dans d'autres pays afin de travailler sur des projets communs. Les membres comptent participer à des foires et des expositions pour faire connaitre l'association, établir des partenariats, obtenir l'aide de sponsors et avoir une équipe multidisciplinaire qui travaille pour l'association, avec l'aide de professionnels du terrain. D'autre part, l'association tente d'aider tous les étudiants de retour des Etats-Unis. La plupart des étudiants qui ont fait l'expérience s'accordent sur le fait que le retour au pays peut parfois être violent. D'ailleurs, tous les témoignages d'étudiants qu'on a pu avoir racontent le choc du retour. Cultures différentes, peuples opposés… Certains ont même eu besoin de soutien de psychologues. Récits. Mohamed Lemhanda : «C'était une excellente expérience» Mohamed, Simo pour les intimes, a 15 ans lorsqu'il participe à la toute première promotion du YES Program en 2004. «Au début, la décision était difficile à prendre. Il n'y avait personne à qui demander vu qu'on était les premiers à tenter l'aventure» se rappelle le jeune homme, actuellement étudiant à l'Ecole marocaine des sciences de l'ingénieur (EMSI). Simo demande l'avis de sa famille, de ses amis et de ses enseignants au lycée. Tous s'accordent sur le fait qu'une expérience pareille est à ne pas rater sauf sa mère qui ne le voyait pas du même ?il. Simo était encore enfant aux yeux de sa mère, comment peut-il vivre une année loin d'elle dans un pays étranger et s'installer chez une famille qu'il n'a jamais connue ? Ce n'est qu'avec un pressing de l'entourage que la maman est convaincue par l'idée que son fils parte aux Etats-Unis. Une fois sur place, le jeune Simo n'en croit pas ses yeux. Quelques heures auparavant, il était encore dans les bras de ses parents et là il se retrouve chez une nouvelle famille qu'il n'a jamais vue. «Ma famille d'accueil était sympa, jeune et décontractée. Le plus âgé de ses membres ne dépassait pas les 35 ans. Malgré quelques petits problèmes de langue au début, j'ai parfaitement réussi à m'intégrer. Ma famille d'accueil me disait à chaque fois : Rien n'est difficile pour un marocain» raconte le jeune homme. Après un mois aux Etats-Unis, Simo commence l'école et s'y habitue rapidement. «J'étais un Junior. La plupart des classes étaient faciles. D'ailleurs, même en cas de difficultés, ma famille d'accueil était présente pour moi» se rappelle-t-il. Une année durant, le jeune homme vit ce qu'il n'aurait jamais pu vivre durant toute son existence. Il se fait de nouvelles connaissances, améliore son anglais et reçoit une bonne formation. À la fin des douze mois, Simo revient au Maroc au grand bonheur de sa mère qui attendait impatiemment la fin du programme. «J'ai passé un mois de lune de miel après mon retour. On recevait chaque jour mes proches, mes enseignants… Tout le monde était content. Lorsque je commence à réaliser que je suis de retour, le choc était difficile. J'étais content, partagé et perdu en même temps. Ce qui me consolait, c'est que tous mes potes traversaient la même situation. Ça me calmait» témoigne cet ingénieur en herbe. Huit années sont passées après l'expérience de Simo. Apeuré au début mais habitué à la fin, il dit ne jamais regretter son choix d'avoir participé au programme. Maintenant, il en garde des souvenirs, des photos et surtout énormément d'amis de différentes nationalités… Meriem El Hilali : «Mes parents m'ont vivement soutenu» En 2004, Meriem étudiait au lycée Lalla Nezha à Rabat lorsqu'elle apprend le lancement des inscriptions au Yes Program à travers son établissement. Après les tests de présélection, Meriem est prise. «Grâce à l'encouragement des parents, la décision d'y aller était évidente vu l'importance de l'opportunité offerte» explique la jeune fille. Comme la plupart de ses amis qui ont fait l'expérience de l'année académique, l'intégration se passe parfaitement malgré quelques problèmes liés à l'adaptation linguistique et culturelle avec la famille d'accueil. Contrairement à ses collègues du Yes, Meriem a eu deux familles d'accueil durant son année aux Etats-Unis. «La première famille avait quatre enfants et vivait dans une ferme au Colorado. Après trois mois, j'ai préféré changer de famille : celle chez qui j'étais passait par une situation difficile» raconte Meriem. Elle s'installe ensuite chez une seconde famille dont la fille était une de ses camarade de classe. Habitant à proximité du lycée, Meriem s'intègre parfaitement et s'entend à merveille avec sa nouvelle famille. Par ailleurs, elle continue de rendre visite à la famille du Colorado à chaque fois que l'occasion se présente. Fin du programme et retour au Maroc. Même son de cloche : le retour est dur. «La réadaptation au Maroc est plus dure que l'intégration aux Etats-Unis. La mentalité des gens ici est totalement différente. Je me suis sentie dans une turbine qui roule en arrière. C'était horrible» se plaint Meriem. Agée à présent de 22 ans, la jeune fille vient de décrocher son diplôme de l'Ecole Nationale de Commerce et Gestion de Settat (ENCG). Sept ans après son expérience, Meriem estime que l'aventure du Yes lui a permis de mûrir et de relever des défis d'adulte malgré son jeune âge à l'époque (16 ans). «Cela a changé ma façon de voir le monde. Mon voyage aux Etats-Unis m'a permis de devenir une jeune femme plus ouverte d'esprit, plus tolérante envers les autres et capable de se prendre en charge et à mener les autres» estime-t-elle. Ibrahim Fala : “N'oublie pas ton islam, mon fils” Originaire de Rabat, Ibrahim, étudiant actuellement en 3ème année de l'institut de postes et télécommunications (INPT) a entendu parler du YES à travers son professeur d'anglais qui lui a recommandé de saisir cette chance pour découvrir d'autres horizons et enrichir son expérience professionnelle. Aussitôt dit, aussitôt fait. Le jeune homme, âgé de 16 ans à l'époque, passe avec succès tous les tests et réussit son entretien avec le jury d'Amideast. Il est sélectionné. Comme le cas de toutes les familles, l'appréhension est au rendez-vous. «Mes parents étaient hésitants à l'idée de me laisser partir aux Etats-Unis vu mon jeune âge. Ils étaient également effrayés pour des raisons culturelles et religieuses, particulièrement à l'idée de s'installer durant une année chez une famille d'accueil qui n'a pas la même vision des choses que nous» raconte Ibrahim. A son arrivée, le jeune homme ne rencontre pas de problèmes précis, si ce n'est quelques difficultés de langue. «Tout se passait doucement. On était arrivé en été, c'était les vacances. Cela m'a beaucoup aidé à m'intégrer parce que je passais beaucoup de temps avec les enfants de la famille d'accueil. On passait nos journées dans les pool party et les festivals» se rappelle Ibrahim. D'ailleurs, il ajoute que la famille d'accueil lui a réservé un accueil chaleureux. Elle le traitait comme l'un des leurs ce qui l'a beaucoup aidé à découvrir la culture américaine. Lorsque le programme touche à sa fin, le retour du jeune homme n'est pas aussi rose que son année. «Il m'a fallu beaucoup de temps pour me réadapter à vie au Maroc. J'avais hâte d'y revenir pour mes études universitaires. C'était difficile» raconte Ibrahim. Si c'est à refaire ? Le jeune homme est clair. C'est sans hésitation ! Ghita Khalil : «Que du bonheur !» «J'ai trouvé par hasard l'annonce de recrutement pour le programme accrochée au tableau d'accueil du lycée. J'étais encore en première année. J'ai immédiatement pris contact avec Amideast» se souvient Ghita. Son rêve devient réalité lorsqu'elle réussit avec brio tous les tests d'admission, grâce notamment au soutien de ses parents. Tout s'est vite passé. «Amideast était là pour répondre à toutes les réponses de mes parents qui semblaient tout de même inquiets. On a ensuite pris contact avec le «area coordinator» qui devait s'occuper de moi à mon arrivée aux Etats-Unis» précise-t-elle. Elle a 15 ans lorsqu'elle entame son aventure. D'ailleurs, c'est la première fois qu'elle voyage toute seule à un pays lointain. «Atterrir dans un aussi grand continent est juste fantastique et fascinant» raconte Ghita. A son arrivée, le groupe de Ghita composé d'étudiants de différents pays arabes passe trois jours à Washington avant de se séparer et que chacun aille à l'Etat où se trouve sa famille d'accueil. Malgré un bon niveau en anglais, Ghita rencontre les mêmes difficultés que ses amis du programme. Elle se rappelle avec nostalgie le soutien de la famille d'accueil, de ses professeurs et de ses amis. «Ma famille d'accueil était patiente et compréhensive. Elle était curieuse de tout savoir sur mes parents, mon pays, ma religion et mes traditions. Pendant le mois de ramadan, elle a fait son maximum pour me sentir à l'aise. Le père m'a même trouvé une mosquée et contacté la communauté musulmane de la région» raconte Ghita. Avant le retour au Maroc, le groupe passe une semaine à Washington DC pour une formation orientée qui aidera chaque étudiant à se réintégrer dans son pays d'origine. «On nous a emmené à la Maison Blanche où on a rencontré le président Georges Bush. On a visité ensuite pleins de monuments» ajoute-t-elle. Une fois rentrée au pays, tout semble bizarre pour Ghita. «Malgré ma joie de retrouver ma famille, j'avais un grand sentiment de dépaysement. J'avais mal au c?ur en voyant l'état de notre pays alors qu'on était aux Etats-Unis, où tout est parfait» raconte la jeune fille. Agée de 23 ans actuellement, Ghita vient de décrocher sa licence en anglais et se prépare à un master. Pour la jeune fille, cette expérience enrichissante lui a permis de garder de bons souvenirs et de très bons liens d'amitié avec la famille d'accueil. «En un an, on a appris tout ce dont on a besoin dans la vie. Dans ce cas-là, quitter ses parents en valait le coup. Si c'est à refaire ? Avec joie !» assure-t-elle.