Bien qu'il améliore son score d'un point, le Maroc recule de deux places dans le classement de Freedom House pour la liberté sur le net. Dans celui-ci, l'ONG pointe le «recours à des outils de surveillance sophistiqués» par le Maroc pour surveiller des militants et des journalistes. Le Maroc est toujours un pays «partiellement libre» en matière de liberté sur le net, indique cette semaine l'organisation Freedom House dans un nouveau rapport intitulée «Liberté sur le Net 2020. Volonté mondiale de contrôler les grandes technologies». L'étude de l'ONG traque les améliorations et les déclins des conditions de liberté sur Internet chaque année dans 70 pays. Le rapport se base sur les «violences des droits d'utilisateurs», les «limitations de contenus» ainsi que les «obstacles à l'accès» aux informations recensées dans ces pays. Pour le cas du Maroc, le royaume recule de deux rangs, se plaçant à la 36e place mondiale en termes de liberté sur le net, avec un total de 53 points sur 100, soit un point de plus que l'année dernière. Le rapport évoque, pour les types de contrôles Internet au Maroc, «les commentateurs pro-gouvernementaux manipulant les discussions en ligne», «des blogueurs ou utilisateurs arrêté, emprisonné ou en détention prolongée pour contenu politique ou social» ou encore des «attaques techniques contre des critiques du gouvernement ou des organisations de défense des droits humains». Du «harcèlement» et de «l'intimidation» sur le net Le royaume récolte aussi 16 points sur 40 pour ce qui est des violences des droits d'utilisateurs. «La Constitution marocaine contient des dispositions destinées à protéger la liberté d'expression, mais ces principes ne sont pas défendus par la justice. De plus, les contradictions entre le code de la presse et le code pénal laissent des failles ouvertes que les autorités ont exploitées pour arrêter et emprisonner des militants et des journalistes», explique le rapport. Celui-ci rappelle aussi que «les utilisateurs marocains peuvent être sanctionnés pour leurs activités en ligne en vertu du code pénal, de la loi antiterroriste et du code de la presse». L'occasion de citer les cas du YouTuber Chafik Omerani alias «3robi F Merican» et sept utilisateurs de médias sociaux condamnés pour des infractions liées à la liberté d'expression. Le rapport s'attarde aussi sur l'affaire Pegasus, évoquant des «outils de surveillance sophistiqués déployés au Maroc», ayant ciblé notamment, toujours selon Freedom House, le journaliste Omar Radi, l'historien et militant Maati Monjib et l'avocat des droits humains Abdessadak El Bouchattaoui. «Si aucun incident de violence physique contre des utilisateurs pour leurs activités en ligne n'a été signalé au cours de la période de couverture, le harcèlement et l'intimidation extrajudiciaire restent une préoccupation majeure dans le pays.» Freedom House Quant aux obstacles à l'accès à l'information, le Maroc obtient un score de 15 points sur 25, en raison du fait que «plus de personnes ont accès à Internet au Maroc, selon certaines sources de mesure, bien que des obstacles subsistent dans certaines régions du pays.», explique le rapport. Le changement de score s'explique aussi par l'augmentation des vitesses de téléchargement et le fait que «le gouvernement ait entrepris plusieurs programmes au fil des ans pour améliorer le secteur des technologies de l'information et de la communication (TIC) du pays». Espionnage : Le Maroc dans l'affaire Pegasus Le rapport ajoute que «l'utilisation d'Internet reste relativement abordable, malgré le fait que la couverture du réseau soit très inégale entre les zones urbaines et rurales». «Les autorités n'ont imposé aucune restriction à la connectivité au cours de l'année écoulée. Cependant, la centralisation de la dorsale Internet du Maroc facilite le contrôle potentiel des contenus et la surveillance», regrettent ses rédacteurs. Un contrôle du paysage médiatique et une «liberté sur le net fragile» Le Maroc récolte également un score de 22 points sur 35 pour les limitations de contenus. Dans ce sens, le rapport rappelle que «le gouvernement n'a bloqué ni filtré aucun site Web politique, social ou religieux pendant la période de couverture (du 1er juin 2020 au 31 mai 2021)». Toutefois, Freedom House souligne que «le gouvernement maintient le contrôle sur le paysage de l'information à travers une série de lois restrictives qui peuvent exiger la fermeture des points de vente et la suppression du contenu en ligne». Tout en évoquant «moyens extralégaux plus ponctuels pour supprimer les contenus jugés controversés ou indésirables», son rapport pointe le fait que «bon nombre des principales sources d'information en ligne sont à la fois directement et indirectement liées à des personnalités puissantes liées ou au sein de l'Etat marocain». En somme, Freedom House considère que «la liberté sur le net au Maroc est restée fragile pendant la période de couverture». «Alors que l'accès à Internet continue d'augmenter dans l'ensemble, le gouvernement maintient des systèmes de surveillance sophistiqués qui, dans certains cas, ont été utilisés pour restreindre la parole en ligne», ajoute-t-on. «L'espace pour les médias indépendants en ligne a continué de se rétrécir, tandis que la prolifération des médias pro-gouvernementaux et de la propagande parrainée par l'Etat étouffe les voix critiques en ligne.» Freedom House Comparé à ses voisins africains, le Maroc arrive à la 9e place, derrière l'Afrique du Sud (14e mondial), le Kenya (20e), le Ghana (24e), la Tunisie (25e), l'Angola (26e), le Malawi (30e), le Nigeria (31e) et la Zambie (32e). Il est aussi 2ème dans la région MENA, derrière la Tunisie et devant le Liban (38e), la Libye (43e), la Jordanie (45e) et l'Iraq (48e). Dans le monde, la Chine (70e) occupe la dernière place du classement, avec 10 points, précédée par le Vietnam (66e), Cuba, la Syrie, Myanmar et l'Iran. Le Top 5 du classement est occupé, quant à lui, par l'Islande (96 pts), suivie de l'Estonie, du Canada, de Costa Rica et de Taiwan.