Alors que les islamistes du MUR et d'Al Adl Wal Ihsane sont unanimes à qualifier la situation en Tunisie de «coup d'Etat», le PJD se montre plus prudent. Le Maroc officiel n'a pas encore exprimé de position sur le gel du Parlement et la destitution du gouvernement par Kaïs Saïed. La situation en Tunisie, où le président Kaïs Saïed a décidé, dimanche, de geler les travaux du Parlement et de s'octroyer le pouvoir exécutif, n'a pas échappé aux islamistes marocains, qui ont brisé le silence du Maroc officiel. Ainsi, sur les pas du parti tunisien Ennahdha, qui a fustigé «un coup d'Etat contre la révolution et contre la Constitution», le mouvement Al Adl Wal Ihsane a dénoncé, lundi, un «coup d'Etat clair et condamnable contre toute l'expérience démocratique tunisienne». Le MUR et Al Adl Wal Ihsane dénoncent un «coup d'Etat» Dans une déclaration relayée sur le site de la Jamâa, Mohamed Hamdaoui, chargé des relations extérieures du mouvement a affirmé que «le gel du parlement et la destitution du gouvernement par le président tunisien est une mesure contraire à la Constitution de la révolution». Il a ainsi appelé les «forces tunisiennes et le peuple tunisien à rejeter cette mesure imprudente qui peut ramener la Tunisie à l'ère d'une odieuse dictature», que «la Révolution du pays du Jasmin a déjà renversée». Lundi également, les frères au Mouvement unicité et réforme (MUR) ont exprimé leur refus de «de tout coup contre les choix des peuples en matière de liberté, de dignité et de démocratie». Dans une déclaration, Abderrahim Chikhi, secrétaire général de la matrice du PJD a assuré que le mouvement reste «contre tout coup, qu'il soit noir ou blanc». «En principe, comme nous rejetons cela pour notre pays, nous le rejetons pour tous les pays qui cherchent à se libérer de l'esclavage du colonialisme, des lobbies de la corruption», a-t-il rappelé. Abderrahim Chikhi, qui s'exprimait devant 17e Forum national de la jeunesse du PJD à Marrakech, a noté qu'«il n'y a de chemin vers le développement et la réforme souhaités que par les multiples approches, notamment politique». Tout en insistant sur l'exemple tunisien, le responsable du MUR a souligné que «selon les expériences, que ce soit dans les pays européens et occidentaux ou même les révolutions du printemps arabe, il s'avère que cette voie, que les gens pensent facile, reste la plus difficile». «Elle ne vous laissera pas neutre et demandent un militantisme continu pour ancrer les valeurs de la démocratie et de réforme, afin de réaliser cette réforme souhaitée, qui n'est pas seulement recherchée par les partis ou mouvements réformistes mais également par les peuples qui ont fait ces révolutions et que nous avons soutenus et nous soutenons toujours», a-t-il assuré. Prudence du PJD et silence officiel du Maroc En revanche, le Parti de la justice et du développement s'est montré plus prudent en évoquant la situation en Tunisie. Si son secrétaire général, Saâdeddine El Othmani, par ailleurs chef du gouvernement a esquivé une question sur ce sujet, en renvoyant la balle au ministère des Affaires étrangères, le numéro 2 du Parti de la Lampe, Slimane El Amrani a qualifié la situation de «douloureuse», en exprimant sa confiance dans la capacité des partis tunisiens à surmonter cette crise. S'exprimant depuis Rabat, où le PJD a présenté son programme électorale, le secrétaire général adjoint a indiqué être «sensible à l'expérience tunisienne (en référence à la Révolution de 2011), qui a inspiré toutes les expériences démocratiques dans le contexte régional». «Ce qui s'est passé en Tunisie est douloureux pour nous tous», a-t-il ajouté. «Nous n'intervenons pas dans les affaires intérieures tunisiennes par respect pour nos frères en Tunisie. Nos mains sont sur nos cœurs pour l'expérience tunisienne mais tous les acteurs en Tunisie sont capables de surmonter cette crise.» Slimane El Amrani Les sorties médiatiques des islamistes du Maroc interviennent alors que le royaume ne s'est pas encore exprimé sur la situation en Tunisie, au moment où des pays tels que la Turquie, la Libye ou encore les pays européens ont déjà exprimé leurs préoccupations, en appelant au rétablissement de la stabilité institutionnelle dans les meilleurs délais.