Al Adl Wal Ihssane a réitéré son rejet de l'appel du chef de gouverne-ment et patron des islamistes, Abdelilah Benkirane, à adhérer à l'action politique de l'intérieur des institutions. Après son retrait du Mouvement du 20 février le 18 décembre dernier, la Jamaâ du cheikh Yassine revient sur le devant de la scène politique à travers une nouvelle sortie médiatique. Dans une lettre adressée au bureau exécutif du Mouvement unicité et réforme (MUR) et au secrétariat général du Parti de la justice et du développement (PJD), Al Adl Wal Ihssane a réitéré son rejet de l'appel du chef de gouvernement et patron des islamistes, Abdelilah Benkirane, à adhérer à l'action politique de l'intérieur des institutions. Comme à l'accoutumée, la mouvance du cheikh Yassine a cherché, à travers sa lettre, à se démarquer des deux organisations islamistes, le PJD et le MUR, faisant valoir sa propre vision concernant les réformes. Les réactions recueillies par ALM auprès des spécialistes des mouvements islamistes permettent de comprendre davantage la position exprimée par Al Adl dans sa lettre. Pour le politologue Mohamed Darif, trois principaux facteurs régissent la logique de cette lettre. «A travers cette lettre, Al Adl apporte, en premier lieu, des clarifications à propos de ce qui se passe au Maroc par rapport à la situation en Libye, en Egypte et en Tunisie. Pour la Jamaâ, il ne faut pas faire de comparaison entre les deux processus de réforme car, selon la même source, la Libye, la Tunisie et l'Egypte auraient débouché sur un changement réel», indique M. Darif. Et d'ajouter : «La lettre d'Al Adl est une réponse à l'initiative de Abdelilah Benkirane qui a appelé la Jamaâ à travailler de l'intérieur des institutions. D'après la mouvance, les conditions ne sont pas réunies pour un exercice sain de la démocratie. Ainsi, Al Adl cherche à se démarquer du PJD». «En dernier lieu, la Jamaâ du cheikh Yassine a tenu à affirmer que son retrait du Mouvement du 20 février ne serait ni un cadeau pour les islamistes du PJD ni le résultat d'une quelconque transaction», conclut-il. Au-delà des observations apportées par M. Darif, Abdelhakim Aboullouz, chercheur auprès du Centre marocain de recherches en sciences sociales, affirme quant à lui que la Jamaâ veut, à travers sa lettre, rappeler sa position de force par rapport aux autres mouvements islamistes. «La lettre en elle-même est un événement politique car on a un mouvement islamiste radical interdit qui s'est adressé à une organisation politique qui dirige l'actuel gouvernement. Au-delà de ce qui a été dit dans la lettre, la Jamaâ cherche principalement à démontrer qu'elle est le mouvement islamiste numéro un au Maroc», souligne M. Aboullouz. «La Jamaâ continue de rejeter toutes les recherches sociologiques qui ont été faites à propos d'elle. Donc, il est difficile de mesurer son poids. Al Adl affirme qu'elle détient seule, et personne d'autre, les informations à propos de sa présence sur le terrain et son poids réel», ajoute-t-il. «Aussi, en adressant une lettre au PJD et au MUR, Abdeslam Yassine joue le rôle d'un cheikh qui donne des conseils aux autres. Un rôle auquel s'est habituée la Jamaâ conformément aux principes de la pensée politique islamique», conclut M. Aboullouz. A rappeler que, pendant plusieurs mois, Al Adl Wal Ihssane avait soutenu le Mouvement du 20 février et a donné du volume à ses manifestations avant d'annoncer son retrait dimanche 18 décembre dernier.