Le gouvernement allemand est visiblement gêné par le Maroc qui «avance à un rythme qui laisse derrière lui ses deux voisins, l'Algérie et la Tunisie». C'est la conclusion d'une étude réalisée par l'Institut allemand des affaires internationales et de sécurité, qui recommande notamment à l'UE de continuer à soutenir la ligne de l'ONU sur la question du Sahara occidental. Le bout de tunnel pour une reprise des relations entre Rabat et Berlin est encore très loin. L'Institut allemand des affaires internationales et de sécurité, un influent think-tank, qui compte parmi ses fidèles clients le gouvernement et le Bundestag, vient de publier une étude, réalisée en novembre 2020, intitulée : «Rivalités maghrébines sur l'Afrique subsaharienne : l'Algérie et la Tunisie cherchent à suivre les pas du Maroc.» Si l'étude a précédé la crise diplomatique entre les deux pays, sa publication arrive à un moment de vives tensions, alors que l'affaire Pegasus vient d'éclater. L'institut de recherche a émis des observations sur les développements en Afrique du Nord et les interactions du Maroc avec la région du Sahel et exprime de ce fait, des recommandations adressées à l'Allemagne et l'Union européenne sur la façon de se comporter envers les pays du Maghreb. Le think-tank constate que le Maroc «avance à un rythme qui laisse derrière lui ses deux voisins, l'Algérie et la Tunisie». Le pays de la révolution du jasmin «tombe dans l'oubli et l'insignifiance» alors que «l'Algérie tente de surmonter ses difficultés et de rattraper le Maroc». Les Allemands préoccupés par la percée de la stratégie marocaine en Afrique L'institut pointe une «situation qui représente un déséquilibre». Et de recommander à l'Union européenne de «considérer ces tendances comme une opportunité pour l'intégration africaine et la coopération triangulaire UE/Maghreb/Sub-Sahara. Cela pourrait contrecarrer le sentiment d'inutilité croissante de l'Algérie, renforcer l'économie tunisienne, relativiser les ambitions hégémoniques du Maroc et ainsi atténuer la dynamique négative de la rivalité». L'étude indique que «le Maroc a eu la politique africaine la plus dynamique et la plus progressiste des trois pays» maghrébins. «Lors du 5e sommet Union africaine-Union européenne en 2017 à Abidjan, Rabat a obtenu des succès notables avec son approche du soft power, qui englobe des composantes économiques, de coopération au développement, de migration et religieuses», souligne le rapport. Cette «ascension du Maroc sur le continent pourrait être qualifiée de presque traumatisante pour l'Algérie, dont l'influence s'est considérablement affaiblie», lit-on dans le document. Et de relever que le président Abdelmadjid Tebboune, a annoncé le «retour de l'Algérie en Afrique» lors de sa participation au sommet ordinaire de l'UA en février 2020. Néanmoins une stratégie africaine du voisin de l'Est comparable à celle du royaume «n'est actuellement pas observable». L'étude constate que «les tentatives tunisiennes et algériennes de suivre le Maroc dans le domaine du soft power sont encore modestes, comme en témoigne leur communication externe. L'Algérie n'a pas pu capitaliser fortement sur l'allègement de la dette d'environ trois milliards de dollars US en faveur de quatorze Etats africains entre 2013 et 2018. En revanche Rabat a réussi à générer une visibilité internationale pour ses livraisons d'équipements de protection à destination de l'Afrique subsaharienne pendant la première vague de la pandémie de Covid-19». Face à l' «hégémonie» du Maroc, l'étude préconise à l'Union européenne de «continuer à soutenir la ligne de l'ONU sur la question du Sahara occidental et ne pas souscrire aux initiatives unilatérales de la France et de l'Espagne». Pour rappel, dix jours après la reconnaissance des Etats-Unis de la marocanité du Sahara, l'Allemagne a obtenu du Conseil de sécurité qu'il tienne une réunion pour l'examen de cette question. Le 6 mai, le Maroc a en effet justifié le rappel de son ambassadrice à Berlin pour consultations par «l'activisme antagonique de l'Allemagne, à la suite de la proclamation présidentielle américaine reconnaissant la souveraineté du Maroc sur son Sahara» et «son acharnement continu à combattre le rôle régional du Maroc, notamment sur le dossier libyen, en tentant d'écarter, indûment, le Royaume de certaines réunions régionales consacrées à ce dossier comme celle tenue à Berlin». Rabat a, par ailleurs, boudé la réunion de Berlin II de juin dernier consacrée à la Libye. Le leadership marocain au Sahel préoccupe également l'Espagne Le document de l'Institut allemand des affaires internationales et de sécurité converge sur plusieurs points avec le rapport de 20 pages, intitulé «Scénario de sécurité Maghreb 2040», rédigé par les renseignements militaires espagnols, remis en juin 2018 à Pedro Sanchez. L'étude a conclu que «le leadership marocain dans la région sera beaucoup plus visible. Il est très probable que le Maroc promouvra et dirigera ensuite certaines des principales missions de sécurité que l'Union africaine déploie au Sahel. Cela rendra la lutte contre le crime et le djihadisme mondial plus efficace».