Si le rapatriement des enfants et des femmes marocains constitue une priorité, l'Etat doit aussi se pencher sur la problématique de l'intégration à plusieurs dimensions, dont l'aspect sécuritaire, plaident le président et le rapporteur de la mission parlementaire exploratoire temporaire. Après avoir rendu cette semaine son rapport, la mission parlementaire exploratoire temporaire sur les Marocains bloqués en Syrie et en Irak a organisé, ce vendredi, une conférence de presse pour revenir sur ses recommandations et insister sur le dossier des mineurs. «Le dossier est complexe avec beaucoup de sensibilités, mais le maillon le plus faible reste les enfants marocains. Nous devons assumer nos responsabilités politique, nationale, historique et humanitaire à leur égard pour trouver des solutions», plaide Abdellatif Ouahbi, président de la mission parlementaire. Rappelant que «chaque enfant a une histoire et une situation différente», l'élu et secrétaire général du PAM a indiqué que plusieurs cas existent. «Il y a ceux dont un ou les deux parents sont morts et qui sont restés sans nationalité connue, d'autres dont les parents marocains ont quitté en les laissant derrière eux, tandis que leurs mères ont été détenues et se sont retrouvées sous la tutelle des organisations internationales comme la Croix-Rouge ou l'UNICEF», a-t-il ajouté. «Plusieurs enfants, dont certains sont âgés de 8 à 10 ans et ont grandi dans une atmosphère de guerre et de violences, ne sont pas scolarisés», décrit-il. Nés dans la guerre et les violences Pointant du doigt aussi la situation déplorables des femmes marocaines, l'élu n'a pas manqué de souligner la problématique des binationaux, dont certains ont été déchus de leurs nationalités étrangères. «C'est un dossier où il y a un aspect sécuritaire mais également un autre humanitaire. Il y a aussi deux préoccupations majeures : les femmes et les enfants marocains et la protection de notre pays. Une chose est sûre : nous devons tous assumer notre responsabilité. Sans rapatriement, ces enfants pourront devenir de futurs terroristes», alerte-t-il. Reconnaissant un «consensus national parmi les partis politiques à assumer la responsabilité», le président de la mission exploratoire a rappelé la recommandation centrale de la mission ; celles de constituer une institution nationale «pour que toutes les approches, sécuritaire, économique, sociale, éducative et humanitaire, soient prises en compte afin de sauver ces gens tout en préservant notre pays». «Il y a un Marocain détenu pour terrorisme en Irak depuis 1984, en plus de 6 Marocaines condamnées à la peine capitale. D'autres sont détenues et torturées. Ce dossier est marqué par des drames et nous ne pouvons rester silencieux. Il faut faire quelque chose.» Abdellatif Ouahbi Pour sa part, Slimane El Amrani (PJD), rapporteur de la mission, a rappelé l'existence de plusieurs approches, notamment sécuritaire, pour régler cette problématique, citant le cas de la Tunisie qui ne rapatrie que les mineurs. «Au Maroc, nous pouvons adopter une autre approche, sans négliger l'aspect sécuritaire, mais tout en prenant en compte les autres paramètres, notamment le volet social. Nous avons une loi et les revenants ont été condamnés et certains ont purgé des peines, mais il nous faut une loi d'amnistie générale suivant des conditions précises et définies», a-t-il plaidé. Abdellatif Ouahbi et Slimane El Amrani, ce vendredi au siège du Parlement à Rabat. / Ph. Yabiladi Des mineurs toujours bloqués, d'autres en mal d'intégration Tout en reconnaissant que le rapatriement des enfants et mineurs «pose un problème», l'élu, par ailleurs numéro 2 du PJD, a rappelé que «certains sont nés dans ces zones et ne disposent pas de papiers» d'identité, en citant notamment les «témoignages choquants» parvenus à la mission parlementaire. «Des revenants n'ont pas trouvé de place au sein de la société marocaine, leurs familles et la société les ayant rejetés. Nous avons eu le témoignage d'une enfant, qui poursuit ses études isolée, car traitée de "terroriste" et de "Daech" par ses camarades de classe.» Slimane El Amrani Pour l'élu, «ces Marocains sont nos enfants, nos filles et nos fils, ont commis des erreurs mais ont payé le prix». «L'Etat doit aussi leur assurer toutes les conditions d'intégration», appelle-t-il. Reprenant la parole, Abdellatif Ouahbi de compléter : «L'Etat marocain est conscient et préoccupé jusqu'aux plus hautes sphères du pouvoir. Sa Majesté est sensible aux questions liées aux enfants et aux femmes et le ministre de l'Intérieur nous a assuré qu'il y a une vision globale pour cette question.» Selon le rapport de la mission, parvenu à Yabiladi, 1 659 Marocains ont quitté le Maroc pour rejoindre ces zones, entre 2012 et 2016-2017, dont 1 300 pour rejoindre les rangs de Daech. Parmi eux, 345 sont revenus et sont principalement originaires de quatre régions : Tanger-Tétouan-Al Hoceïma, Fès-Meknès, Rabat-Salé-Kénitra et Casablanca-Settat. Par ailleurs, la mission indique que 290 femmes et 628 mineurs ont quitté le pays vers les zones de conflit. Selon les données du ministère de l'Intérieur, 250 combattants restent détenus (232 en Syrie, 12 en Irak et 6 en Turquie), aux côtés de 138 femmes, dont 134 détenues dans des camps des forces kurdes. Il s'agit surtout de 400 mineurs, parmi eux seulement 153 sont nés au Maroc.